Pour la Journée mondiale de la trisomie, le 21 mars, Place Gre’net a rencontré Pascale, femme épanouie de 43 ans certes trisomique mais aussi musicienne.Journée international de la trisomie, rencontre avec Pascale. Photo © Anaïs Mariotti

Pascale, « une femme comme les autres », sala­riée, musi­cienne et trisomique

Pascale, « une femme comme les autres », sala­riée, musi­cienne et trisomique

PORTRAIT – À l’occasion de la Journée mon­diale de la tri­so­mie, le 21 mars, Place Gre’net a ren­con­tré Pascale, une femme de 43 ans épa­nouie et auto­nome, mal­gré sa dif­fé­rence. Atteinte du syn­drome de Down, elle a appris au fil du temps à com­battre et à sur­mon­ter les obs­tacles liés à sa tri­so­mie, notam­ment grâce au sou­tien de sa mère, Isabelle. Rencontre.

Pascale, une femme certes trisomique mais épanouie, dans son appartement. © Anaïs Mariotti

Pascale dans son appar­te­ment. © Anaïs Mariotti

« Quel han­di­cap ? Je ne vois pas de han­di­cap moi ! » Sans tabou, Pascale pré­fère rire de sa « dif­fé­rence ». Un terme qu’elle pré­fère de loin à celui de “han­di­cap”.

« Être nor­mal. » Pour la famille de Pascale, ces mots sou­lèvent des ques­tions morales sur la per­cep­tion de la nor­ma­lité au sein de la société. « Je suis peut-être plus nor­male que toutes les per­sonnes qui n’ont pas de cœur », assure-t-elle. Pour sa mère Isabelle, il serait plus juste de par­ler de « par­ti­cu­la­rité » – au même titre qu’une carac­té­ris­tique phy­sique – qui par­ti­cipe à la diver­sité des êtres humains.

Malgré son géné­reux sou­rire et la joie de vivre qui se dégage d’elle, Pascale tra­verse une période par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile de sa vie.

Après deux ans d’union, son fiancé vient de mou­rir bru­ta­le­ment, en mars. Isabelle se dit impres­sion­née par le cou­rage et la matu­rité dont fait preuve sa fille. « Au moins, j’ai eu la chance de vivre un amour fort et véri­table », témoigne Pascale. Quant à lui, il n’était pas tri­so­mique ; un amour qui avait de quoi faire taire un cer­tain nombre d’a priori.

À tra­vers ce témoi­gnage, Pascale entend mon­trer qu’elle est aussi capable de mener une vie “nor­male”. Elle est ainsi actuel­le­ment employée à l’Esat du Fontanil, un éta­blis­se­ment et ser­vice d’aide par le tra­vail qui pré­voit des condi­tions de tra­vail amé­na­gées pour une meilleure inté­gra­tion du han­di­cap dans la société. Et qui entend « éle­ver le niveau des tra­vailleurs », assure son direc­teur.

Le com­bat d’une mère pour sa fille

Après la nais­sance de Pascale, Isabelle décide de démis­sion­ner de son poste d’enseignante pour se consa­crer plei­ne­ment à l’é­du­ca­tion de sa fille tri­so­mique et de ses cinq autres enfants. En 1981, elle se mobi­lise acti­ve­ment avec six familles pour ouvrir la pre­mière classe spé­cia­li­sée de Grenoble, à l’école pri­maire Joseph Vallier. L’objectif ? Offrir un enca­dre­ment aux enfants atteints de tri­so­mie et favo­ri­ser l’en­traide entre élèves valides et invalides.

Pascale et Isabelle

Pascale et sa mère, Isabelle. © Anaïs Mariotti

« À l’époque, cette ini­tia­tive était peu com­mune. Il fal­lait que les ins­ti­tu­teurs acceptent ce mode d’en­sei­gne­ment, qui n’est pas ano­din », affirme-t-elle. Victoire pour le col­lec­tif de parents d’é­lèves, le pro­jet a été una­ni­me­ment applaudi. « Cette classe a été béné­fique pour tous, notam­ment pour les élèves sans han­di­cap. Ils ont appris à accep­ter la dif­fé­rence, à être bien­veillants et plus humains », explique Isabelle.

En CM1, Pascale sait lire et écrire. Elle débute d’a­bord le col­lège « clas­sique » avant de rejoindre un éta­blis­se­ment spé­cia­lisé à l’âge de 13 ans. Au pro­gramme, pote­rie, pein­ture, repas­sage, jar­di­nage … Des d’activités manuelles qui per­mettent de déve­lop­per ses sens et sa motricité.

Isabelle est aussi à l’initiative d’a­mé­na­ge­ments de l’espace public gre­no­blois. « Quand ma fille a com­mencé à prendre le tram seule vers l’âge de 18 ans, j’ai com­pris qu’il était néces­saire d’adapter l’espace public », explique-t-elle. Par le bais d’une asso­cia­tion, elle a adressé des cour­riers à la Semitag deman­dant que les noms des sta­tions soient annon­cés dans les tram­ways. Idée approu­vée : « Oui, c’est grâce à nous que les trams parlent ! », affirme modes­te­ment Isabelle.

Le piano, une révé­la­tion pour Pascale

Assise à son piano, Pascale plonge sur les touches de son cla­vier. Concentrée, elle débute dou­ce­ment, sans par­ti­tion, le pré­lude de Bach, Ave Maria. La sym­pho­nie résonne solen­nel­le­ment dans son appar­te­ment. Dans cette har­mo­nie pai­sible, sa dif­fé­rence laisse rapi­de­ment place à son excellence.

Pascale à son piano. Photo © Anaïs Mariotti

Pascale à son piano. © Anaïs Mariotti

La pra­tique d’un ins­tru­ment a été une révé­la­tion pour Pascale : « La musique lui a per­mis d’a­mé­lio­rer sa coor­di­na­tion et sa concen­tra­tion », raconte sa mère. Pour les per­sonnes atteintes de tri­so­mie 21, le retard dans l’apprentissage n’est pas une fata­lité. « Elles sont capables de faire énor­mé­ment de pro­grès. J’étais si fière de savoir qu’elle était capable de lire des notes de musique, d’exceller dans un domaine. Je l’admire beau­coup », confie Isabelle, émue. En plus du piano, Pascale voue aussi une pas­sion au théâtre et à la danse, qu’elle conti­nue de pra­ti­quer aujourd’hui.

« Les per­sonnes tri­so­miques ont beau­coup à appor­ter à la société »

Dotés d’une par­ti­cu­lière sen­si­bi­lité affec­tive, « les per­sonnes tri­so­miques ont beau­coup à appor­ter à la société. Elles dégagent beau­coup d’amour », estime Isabelle. « Petite, on a essayé de faire com­prendre à notre fille qu’elle avait aussi des qua­li­tés que d’autres n’ont pas », pour­suit-elle. Émue, elle se sou­vient du jour de la nais­sance de Pascale. « À la mater­nité, j’ai entendu pour la pre­mière fois le mot « tri­so­mie ». Je ne savais même pas ce que c’était. Tout res­tait à décou­vrir… »

Au fur et à mesure, Isabelle a réa­lisé que la tri­so­mie fai­sait l’ob­jet de beau­coup d’i­dées reçues. « Une infir­mière m’avait dit que ma fille ne serait jamais capable de mar­cher, ni même de par­ler », raconte-t-elle. Fort heu­reu­se­ment, la méde­cine a évo­lué, les men­ta­li­tés aussi. Pascale ne souffre d’aucun pro­blème d’élocution, ni même de motri­cité. Son déve­lop­pe­ment psy­cho-moteur s’inscrivant dans un tra­vail per­pé­tuel, elle n’a cessé de pro­gres­ser depuis son enfance. « Les per­sonnes s’imaginent des choses très néga­tives car elles ne connaissent pas réel­le­ment la tri­so­mie. À mes yeux, Pascale a été une véri­table chance », affirme Isabelle.

De quoi expli­quer son inté­rêt majeur pour la ques­tion du han­di­cap. Isabelle se montre par­ti­cu­liè­re­ment pré­oc­cu­pée par l’interruption médi­cale de gros­sesse, auto­ri­sée par la légis­la­tion en cas de forte pro­ba­bi­lité d’af­fec­tion grave et incu­rable de l’en­fant à naître comme la tri­so­mie. Sur 2 370 cas détec­tés de manière pré­na­tale, seuls 530 ont donné lieu à des nais­sances en 2014, rap­porte Libération. Des faits qui relèvent d’une forme d’eugénisme, selon Isabelle : « Cette loi entre­tient une forme de peur et de honte vis-à-vis du han­di­cap. » Sans remettre en ques­tion le libre-arbitre des parents, elle estime que « peu importe sa dif­fé­rence, un enfant est un cadeau, il faut l’ac­cep­ter tel qu’il est ». Avec fer­veur, Pascale s’empresse d’ajouter : « Ma vie vaut autant que celles des autres ! »

« Nous ne sommes pas des monstres »

« J’aimerais mon­trer à tout le monde que nous ne sommes pas des monstres, au contraire ! » Forte de carac­tère, Pascale fait preuve d’une grande luci­dité quant à la per­cep­tion de sa tri­so­mie : « Je suis une femme comme les autres. J’aimerais aussi encou­ra­ger les parents qui ont peur d’élever un enfant tri­so­mique ou han­di­capé. » Et elle n’est pas la seule à défendre ce combat.

Madeline Stuart, une mannequin de 20 ans, atteinte d'une trisomie 21. Photo © DR

Madeline Stuart, une man­ne­quin de 20 ans, atteinte d’une tri­so­mie 21. © DR

Le 14 mars der­nier, Mélanie Ségard, éga­le­ment tri­so­mique, réa­li­sait un rêve d’enfance en pré­sen­tant la météo sur France 2, suite à une mobi­li­sa­tion mas­sive sur les réseaux sociaux.

Quant à Madeline Stuart, jeune Australienne de 20 ans, elle s’est bat­tue contre le sur­poids, symp­to­ma­tique de la tri­so­mie, pour deve­nir mannequin.

Une démarche qui avait pour objec­tif de cham­bou­ler les cri­tères de beauté com­mu­né­ment admis. Pari réussi. Aujourd’hui, la jeune femme défile sur les plus pres­ti­gieux podiums américains.

Des exemples de cou­rage et de per­sé­vé­rance qui par­ti­cipent à faire chan­ger le regard de la société sur le han­di­cap et sont autant d’a­van­cées vers une meilleure inté­gra­tion des per­sonnes, aussi dif­fé­rentes soient-elles.

Anaïs Mariotti

AMa

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