FOCUS – Organisé le 1er avril sur le campus par Interasso, la fédération des associations étudiantes de l’académie de Grenoble, un gala étudiant passe mal auprès des syndicats étudiants. Dans un communiqué commun, ceux-ci accusent l’Université Grenoble-Alpes d’avoir porté cet événement sans les y avoir associés. Et cela au cœur de la Semaine culturelle universitaire.
Le gala de la discorde ? Pour l’Université Grenoble-Alpes (UGA), c’est une « manifestation étudiante contribuant à dynamiser la vie étudiante ». Pour l’intersyndicale étudiante, il constitue un « événement préparé dans le plus grand secret », voire un acte de « sabotage ». Et doit être interdit.
Tout a commencé le 2 mars 2017, quand plusieurs syndicats étudiants ont dénoncé dans un communiqué commun la tenue d’un gala étudiant le 1er avril, au cœur du campus, dans la galerie des amphis du bâtiment Pierre Mendès-France. Motif de leur colère ? Les syndicats signataires (notamment l’Unef et la Licorne) reprochent à l’UGA de les avoir tenus à l’écart de cet événement organisé par la fédération Interasso.
« Faire d’une association représentative étudiante (association à vocation politique siégeant dans les conseils de l’Université) le prestataire exclusif de l’université sur un événement aussi marquant brise l’égalité de traitement entre les différentes associations représentatives, et le devoir de neutralité du service public », se plaignent-ils.
Les syndicats critiquent vertement Interasso
Interasso fédère une vingtaine d’associations étudiantes dont une grande majorité de BDE, et siège au conseil académique de l’Éducation nationale, tout comme dans d’autres instances institutionnelles. Et c’est son état d’esprit même que les syndicats remettent en cause, l’attaquant notamment violemment sur la question du sexisme.
« Il apparaît déplacé que la présidence de l’université confie l’organisation d’un événement en soirée avec alcool dans les locaux de l’établissement – une situation inédite – à l’association qui, il y a quelques mois seulement, s’est battue contre la volonté affichée par l’établissement de mettre en place une charte pour la lutte contre le sexisme, les discriminations et les violences à caractère sexuel », estiment-ils ainsi.
Et le communiqué d’enfoncer le clou : « Les associations membres d’Interasso sont plus connues pour les scandales à répétition occasionnés par les soirées “Ravalement de faciale” ou “nain strip-teaser” qu’elles organisent que par leur sens des responsabilités. » Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’Unef ou la Licorne mettent sur le tapis la question des communications sexistes autour des soirées étudiantes.
Le gala, une commande l’UGA ?
Alors, ce gala, une “commande” de l’Université Grenoble-Alpes ? « Un fantasme des plus primaires », répond M. Guergachi *, président d’Interasso Grenoble-Alpes. « Nous avons envoyé notre demande de mise à disposition des locaux par les canaux classiques », assure-t-il. L’idée que le gala serait une volonté de l’UGA viendrait d’un malentendu : l’Université aurait envisagé l’organisation d’un tel événement, qui apparaissait dans des versions antérieures de son budget, avant de finalement en disparaître. M. Guergachi l’affirme : il n’existe aucun lien entre ce projet de gala et celui d’Interasso.
Interasso sexiste ? « Une pure diffamation » répond son président
Restent les accusations de sexisme, qui ne sont pas du goût du président d’Interasso. « Nous estimons que c’est une pure diffamation, et des procédures judiciaires sont en train d’être étudiées à l’encontre des personnes qui ont publié ces éléments ». À savoir qu’Interasso se serait opposée à l’adoption de la charte anti-sexisme, ce que conteste M. Guergachi.
« Nous sommes pour une charte anti-sexisme. C’est important de pouvoir regrouper l’ensemble des acteurs autour d’un écrit fort qui s’inscrit dans cette lutte-là. Mais dans sa forme actuelle, la charte représente un risque certain pour la sécurité juridique de l’Université. Il est faux de dire que nous sommes contre la charte : nous sommes pour une modification de son contenu. »
M. Guergachi juge ainsi qu’une association étudiante privée de subventions après une communication jugée sexiste par l’UGA pourrait fort bien porter l’affaire devant les tribunaux. Une « situation rocambolesque » qu’il dit vouloir éviter en laissant à la justice elle-même le soin d’apprécier si telle ou telle communication relève du sexisme. « Ce que nous préconisons est radical : une dénonciation à chaque fois qu’il y a soupçon de sexisme. »
À commencer par une fameuse soirée “Ravalement de faciale” ? Le président d’Interasso ne cache pas une certaine lassitude. « Il y a eu, il y a quelques années, un dérapage que je condamne. C’est extrêmement stigmatisant et peu honnête de toujours tout ramener à un accident, grave, qui s’est passé il y a quatre ans. Cela porte préjudice à l’ensemble d’un réseau qui ne porte pas ces valeurs-là, bien au contraire ! »
Un gala en plein milieu de la Semaine culturelle universitaire
Autres critiques émises par les syndicats : le fait que ce gala, organisé le 1er avril, s’inscrit au milieu de la Semaine culturelle universitaire. « La vitrine de ce qui se fait de mieux en matière de vie culturelle étudiante, en faisant rentrer des milliers d’étudiants le soir dans un musée, en lançant des appels à projets publics aux associations étudiantes pour animer pendant une semaine l’agglomération et l’Académie », écrivent les signataires.
Cette année, la Semaine culturelle universitaire se déroulera du 28 mars au 5 avril et mettra en avant le thème du monstre. Pour la Licorne, ainsi qu’elle l’exprime dans un second communiqué, le gala « sabote la semaine culturelle universitaire. »
« La nouvelle politique de vie étudiante de l’université semble désormais s’affirmer comme une politique qui se contente d’événementiel ostensiblement coûteux sans se soucier de l’ombre jetée sur les événements mettant en valeur la diversité culturelle de la vie étudiante », juge-t-elle avec sévérité.
« Nous n’avions pas d’informations et n’avons pas été associés là-dessus, ce qui est extrêmement dommage, note M. Guergachi. Pour montrer notre volonté de favoriser ce type d’initiatives, nous nous sommes engagés à mettre en place une exposition géante de montres issus du cinéma sur les vitres de la Galerie des Amphis. La ComUE [Communauté universitaire Grenoble Alpes, ndlr] s’est montrée très enthousiaste : mieux vaut trop d’événements que pas assez, et nous sommes certains de ne pas rater le coche l’année prochaine ! »
Un dialogue impossible ?
Enfin, le président d’Interasso note avoir lancé une invitation à rencontrer les signataires du communiqué intersyndical. « S’ils souhaitent eux aussi contribuer concrètement à l’animation de la vie de campus ou à accompagner des associations pour le faire, nous nous engageons même à les y aider ! C’est dans cet esprit d’ouverture que nous avons la conviction d’unir toutes les énergies au service du développement de nos établissements », a ainsi écrit la fédération dans un communiqué. Une demande restée sans suite.
Mais M. Guergachi n’est pas tendre. « Nous souhaitons développer de manière très concrète la vie des étudiants. Les autres syndicats sont plus dans la proclamation, dans la communication polémique ou institutionnelle. Je suis tout à fait ouvert pour travailler avec eux sur un ensemble de propositions, ce serait très bénéfique. Et c’est une des valeurs que nous portons : l’ouverture d’esprit et l’absence de sectarisme. »
La réponse ferme de Lise Dumasy, présidente de l’UGA
Et l’UGA dans tout cela ? Comme souvent, la direction de l’Université Grenoble-Alpes n’a pas souhaité répondre à notre demande d’entretien, mais nous a transmis la réponse adressée aux syndicats. La présidente de l’UGA Lise Dumasy n’y cache pas son agacement, se disant « surprise de ce communiqué tant sur la forme que sur le fond ».
L’Université y précise à son tour que le gala est organisé « à la seule initiative d’Interasso ». « La seule manifestation totalement financée par l’UGA est et restera cette année “UGA c’est party” destinée aux 45 000 étudiants du site mais également à tous les personnels ».
Lise Dumasy juge également les termes employés par l’intersyndical – qui parle de « mise en danger de la démocratie universitaire » – « quelque peu disproportionnés au regard du sujet et surtout du contexte dans lequel s’est organisé ce gala ». Et la présidente d’ajouter : « Si les associations signataires de ce communiqué souhaitent organiser une manifestation du même ordre, c’est avec grand plaisir que nous accorderons ce même type de mise à disposition. »
Mais pour ce qui concerne l’annulation du gala, c’est une fin de non-recevoir que l’UGA adresse aux syndicats : « Vous comprendrez mon étonnement en découvrant votre demande d’annuler cette autorisation d’occupation, s’agissant d’une manifestation étudiante contribuant à dynamiser la vie étudiante, à fédérer tous les étudiants du site, regroupant près de 1 000 d’entre eux, associant plusieurs BDE qui se réjouissent d’y participer. C’est là une curieuse conception, tant de la démocratie universitaire que du soutien à la vie étudiante », conclut avec fermeté Lise Dumasy.
Florent Mathieu
* Le prénom de M.Guergachi a été retiré de l’article à sa demande.