FOCUS – Le Nouveau Cirque Triomphe, stationné sur le parking du Géant Casino de Fontaine du 18 février au 5 mars dernier, a été accusé par des habitants et des internautes de maltraitance envers ses animaux. De nombreux Fontainois ont ainsi réagi sur les réseaux sociaux et auprès de la mairie pour lui demander d’intervenir. Le propriétaire du cirque réfute, pour sa part, toute maltraitance.
Des animaux sans eau, laissés au gré des intempéries tout au bord de la route, attachés avec à peine assez de longueur de corde pour bouger la tête et s’asseyant dans leurs excréments…
Le passage du Nouveau Cirque Triomphe à Fontaine n’a pas laissé les amis des animaux indifférents. Nombre de passants ou d’automobilistes témoins de la scène ont en effet effectué des signalements à propos des conditions de vie des animaux de ce cirque.
Installé durant deux semaines jusqu’au dimanche 5 mars sur le parking de Géant Casino, le Nouveau Cirque Triomphe faisait sa tournée printanière. Peut-être avez-vous entendu la camionnette publicitaire qui en faisait la promotion, ou êtes-vous tout simplement passé(e) à côté en allant faire vos courses ?
La stratégie de l’autruche
Sur Facebook, les premiers internautes se sont mobilisés dès le 20 février. Mais il a fallu attendre une campagne de mobilisation de la page « La France dit STOP aux cirques avec animaux » du 2 mars pour avoir une réponse officielle de la Ville de Fontaine le jour même. « Les services concernés suivent actuellement l’affaire », a indiqué la municipalité, tout en précisant que « le terrain où le cirque s”[était] implanté n’appart[enait] pas à la commune ».
Sollicitée à plusieurs reprises par nos soins, la mairie a fini par déclarer ne pas souhaiter faire de commentaires à ce sujet, dans la mesure où il s’agissait d” »un terrain privé ». La responsabilité reviendrait-elle donc au Géant Casino ? Non. Bien que le parking lui appartienne, le cirque doit déposer un dossier auprès du service urbanisme qui le transmet ensuite au Service départemental d’incendie et de secours (Sdis).
La mairie est en réalité la seule autorité compétente pour prendre et faire respecter les mesures nécessaires au maintien, dans ce cas, de la sécurité et de la salubrité. Même lorsque les infractions sont commises sur un terrain privé1. Et au vu des scènes photographiées, on pouvait constater une possible infraction à l’arrêté du 18 mars 2011 qui définit les conditions de détention des animaux non domestiques pour les spectacles itinérants. Particulièrement les articles traitant de l’hébergement2, de la sécurité3 et de l’alimentation4.
Le Géant Casino ou la société Sudeco du groupe Casino, qui s’occupe de la gestion immobilière, aurait cependant tout à fait pu révoquer leur autorisation. Impossible de savoir ce qu’il en est, dans la mesure où il nous a été impossible d’entrer en contact avec eux.
« Ça fait 20 ans qu’on va dans les mêmes communes »
Carlo Gougeon, directeur du Nouveau Cirque Triomphe, l’a repris dans les années 90, après son père et son grand-père. Une affaire de famille, en somme. Il récuse toutes les accusations de maltraitance. Tout cela ne serait qu’une machination pour lui faire mauvaise presse. Quant aux cordes trop courtes, elles ne seraient que temporaires… « Quinze à vingt minutes avant le spectacle, ils sont attachés comme ça, comme dans les centres équestres », se justifie-t-il. Des propos qui ne cadrent pas avec les témoignages et les photos prises plus d’une heure avant le spectacle, même si d’autres riverains affirment avoir vu les animaux attachés avec des cordes plus longues à d’autres occasions.
Carlo Gougeon ne manque pas de critiquer au passage l’association Peta (People for the ethical treatment of animals)5 et d’autres organisations pour la protection animale qui devraient « aller regarder là où d’autres animaux sont maltraités, dans leur pays d’origine par exemple ».
Son fils Luciano continue : « Qu’ils viennent voir par eux-mêmes ! » Celui-ci s’interroge, tout en affirmant ne pas vouloir jeter la pierre : « pourquoi ne rien dire aux centres équestres ? » Affirmant ne pas voir où est le problème, il se justifie : « Ça fait vingt ans qu’on va dans les mêmes communes. » Des communes qui sont parfois en mesure de fournir des espaces beaucoup plus vastes aux animaux, comme ci-dessus à La Terrasse.
Cirque avec animaux et zoos même combat, pour l’association Cali
Pour l’association Cali (Cause animaux libres Isère), la cause est entendue : les cirques avec animaux « devraient être interdits ». En attendant, Lydie Visona, sa présidente, estime que le consommateur, à savoir le spectateur, a « le pouvoir » de faire cesser cette pratique. « Si on arrête d’acheter […], ils arrêtent d’enfermer, ils arrêtent d’exploiter. »
Sur la captivité, elle questionne : « Est-ce que vous trouvez ça normal que des animaux soient enfermés dans une cage toute leur vie ? Qu’un lion, qui doit normalement parcourir 50 km par jour, soit enfermé dans une cage de 3 mètres de long ? »
Que dire aux enfants qui ont envie d’aller voir ces animaux ? Pour Lydie Visona, il faut faire preuve de pédagogie. « Si on explique aux enfants qu’un animal va être malheureux dans un cirque ou dans un zoo, que sa place est dans la nature, ils sont tout à fait capables de comprendre. Nous sommes formatés depuis toujours à voir les animaux comme des objets d’exploitation. Pour nous, c’est normal d’aller les voir au cirque… »
Poussant plus loin le raisonnement, elle affirme : « Il n’y a pas de différence entre un cirque avec des animaux et un zoo », bien que le but diffère, les animaux étant captifs dans les deux cas. À ses yeux, seuls certains zoos sont acceptables comme « les zoos qui récupèrent des animaux blessés ou ayant été évacués de cirques ». Ou encore ceux « comme celui de Peaugres où les animaux vivent en semi-liberté ».
Interdire ou encadrer ?
Faut-il interdire purement et simplement les cirques animaliers ? Ou bien ne leur permettre de s’installer que dans des communes ayant assez d’espaces verts pour accueillir les animaux ? Pour Cali, favorable à un arrêt pur et simple de ces pratiques, la réponse ne fait aucun doute…
« Préférons-nous ne jamais voir un lion mais le savoir protégé dans son habitat naturel, ou pour notre unique divertissement l’observer le temps d’un court numéro et le condamner à une vie entière d’emprisonnement et d’exploitation ? »
Albéric Marzullo, correspondant à Fontaine
CIRQUE AVEC ANIMAUX : UNE VIEILLE PRATIQUE REMISE EN CAUSE EN EUROPE
Historiquement parlant, le cirque avec animaux fait-il partie de notre culture ? Les animaux exotiques sont utilisés dans des spectacles depuis des siècles. Cependant, le cirque en tant que spectacle vivant, n’a commencé à inclure des animaux domestiqués qu’à la fin du XVIIIe siècle. Et c’est vraiment au XIXe siècle que sont apparus les premiers domptages d’animaux sauvages. C’est alors que le cirque avec animaux a vu le jour, alliant ménageries (l’ancêtre des zoos) et spectacle humain.
À ce jour, 23 pays européens interdisent, partiellement ou non, les cirques avec des animaux sauvages. Quinze d’entre eux en excluent aussi les animaux domestiques.
Et la France ? Au niveau national, la situation évolue peu, un projet ayant même été déposé pour inscrire les cirques au patrimoine culturel. Quant à Laurence Abeille (députée EELV du Val-de-Marne), qui a interrogé la ministre de la Culture et de la Communication, Audrey Azoulay, sur cette question (publiée au journal officiel en mai 2016), elle n’a, à ce jour, toujours pas obtenu de réponse6.
Néanmoins, au niveau local, la législation évolue. Quarante-six communes dont onze de plus de 20 000 habitants prohibent désormais les cirques avec animaux. En Rhône-Alpes, c’est notamment le cas de quatre communes proches de Lyon, dont Chassieu, mais aussi de Porte-lès-Valence dans la Drôme.
1 article L2212‑2 et suivants du CGCT (Code général des collectivités territoriales)
2 articles 22 et 23 de l’arrêté du 18 mars 2011
3 article 27 de l’arrêté du 18 mars 2011
4 article 30 de l’arrêté du 18 mars 2011
5 Pour une éthique dans le traitement des animaux
6 http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14 – 95400QE.htm