FOCUS – Alors que le Ceta, traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, vient d’être ratifié ce mercredi 15 février par le Parlement européen à Strasbourg, Grenoble s’apprête à accueillir, après Barcelone, le second sommet international des « villes contre les traités de libre-échange », les 17 et 18 février, à la Plateforme.
« Il est important de se positionner contre ces traités qui ont pour objectif de supprimer tout obstacle économique, environnemental et social au libre-échange », explique Bernard Macret, élu à la mairie de Grenoble, en prévision du sommet international contre les traités de libre-échange qui se tiendra dans la capitale des Alpes le samedi 18 février.
Grenoble est la seconde ville européenne à accueillir un tel sommet (cf. encadré). Son objectif ? Rassembler les autorités locales et la population civile autour de ces thématiques. « Et affirmer une position claire contre la mise en place et la ratification du Tafta et du Ceta », explique l’élu.
« Pour les alternatives locales, contre les traités de libre-échange »
Ce sommet débutera le vendredi 17 février par une rencontre entre les différentes collectivités territoriales européennes qui se positionnent contre le Tafta (ou TTIP). Ouverte au grand public, la journée du samedi 18 février vise à informer et à sensibiliser la population locale aux conséquences concrètes du Tafta sur le mode de vie de tout un chacun.
Au programme de cette rencontre publique ? Forums, conférences, théâtre et animations afin de faire connaître « les dérives de la mondialisation financière au grand public », affirme Liliane Chevrier, la représentante d’Attac (association pour la taxation des transactions financière) à Grenoble.
« Ces sujets doivent impérativement être popularisés », estime de son côté le conseiller municipal Alan Confesson. Négocié secrètement entre l’Union européenne et les États-Unis, le Tafta connaît en effet une faible résonance médiatique, selon ses détracteurs. Ainsi tenue à l’écart de l’avancée des négociations, « la population doit aller chercher l’information pour se tenir informer », souligne la représentante d’Attac.
Barcelone, Grenoble : villes européennes « hors Tafta »
La Ville de Grenoble avait déjà participé à Barcelone, le 21 et 22 avril 2016, au premier sommet paneuropéen intitulé « Les autorités locales et la nouvelle génération de traités de libre-échange ». Réunissant quarante collectivités locales européennes, ce dernier s’était conclu par la rédaction et l’adoption d’une déclaration commune « contre les traités de libre-échange ». Cette année, la Ville s’est donc proposée pour accueillir la deuxième rencontre dans la continuité de cette première édition.
Les opposants dénoncent « l’ultra-libéralisation » des échanges commerciaux, prévue par le traité transatlantique. Et surtout, l’opacité des négociations, tenues confidentielles. Or l’enjeu n’est pas des moindres. S’il est ratifié, le grand marché transatlantique supprimera les barrières douanières et tarifaires entre l’UE et les USA, au profit des multinationales, avec des normes commerciales homologues de part et d’autre de l’Atlantique.
« Nous voulons montrer qu’une économie alternative à celle proposée par ces traités est possible. C’est ce que nous essayons de mettre en place à la ville de Grenoble », assurait la conseillère municipale Anne-Sophie Olmos, lors d’une conférence de presse sur le sujet, le 10 février dernier.
Ce sommet est aussi l’occasion de valoriser les initiatives citoyennes et d’encourager les échanges avec les TPE et les PME. Avec pour objectif d’enrichir le réseau actif des « collectivités territoriales européennes hors Tafta ». Et surtout, de « résister au mode de vie ultra-libéral » prévu par ces traités.
« C’est un peu l’ouverture à la malbouffe et au poulet au chlore »
L’un des points phares – probablement le plus controversé du traité transatlantique – est le mécanisme d’arbitrage entre acteurs privés et États. Il permettrait aux multinationales d’assigner en justice des États, qui refuseraient d’abaisser leurs législations aux normes prévues par cet accord.
« Avec le Tafta, c’est tout un aspect démocratique de nos institutions qui est remis en question », estime Bernard Macret, pour qui ces traités impliquent une perte de la souveraineté étatique au profit d’acteurs privés internationaux. « En démocratie, les institutions publiques sont pourtant les seules compétentes pour édicter la loi », assure l’élu.
« Ces traités de libre-échange prévoient de développer de nouveaux rapports à la démocratie, à l’écologie, largement contradictoires avec les objectifs définis lors de la Cop21. Ils nivellent par le bas la régulation sanitaire, environnementale et sociale. C’est un peu l’ouverture à la malbouffe et au poulet au chlore », affirme Bernard Macret.
Ces engagements « contre le Tafta » transcendent les clivages politiques gauche-droite. L’opinion publique, en attente de davantage de démocratie et de transparence, semble vouloir recentrer le commerce sur les initiatives locales. Mais peu informés, « les peuples se sentent aujourd’hui pris en otage par ces traités tenus secrets », estime Liliane Chevrier.
Anaïs Mariotti
TRAITÉS MODE D’EMPLOI
Tafta ou TTIP : Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement
Partenaires : l’UE et les USA. Il concerne ainsi 820 millions de consommateurs.
Objectif : alléger les barrières douanières et tarifaires.
Risques : Érosion des normes de santé publique et environnementales. Renforcement de l’arsenal juridique des entreprises, au détriment du législateur.
Ceta : Accord économique et commercial global
Partenaires : l’UE et le Canada.
Objectifs : Mêmes objectifs que le TTIP.
Risques : Baisse des normes concernant l’exploitation des sables bitumeux, au Canada, dangereux pour l’environnement et la biodiversité.
Emprise des multinationales sur les normes sanitaires, sociales et environnementales.
Le texte du traité ratifié le 15 février 2017 pourrait entrer provisoirement en vigueur le 1er mars 2017 mais, pour être complètement appliqué, il devra être ratifié par les parlements nationaux de chaque État membre.
Tisa : Accord sur le commerce des services
Partenaires : 23 États à travers le monde. Ce traité concerne 70 % du commerce mondial des services.
Objectifs : Libéralisation du commerce et de l’investissement dans le domaine des services.
Risques : Dégradation des services d’intérêt général au profit d’une compétitivité accrue.
Les concurrents étrangers pourraient être privilégiés au détriment des acteurs économiques locaux.