FOCUS – La 7e édition du festival des Détours de Babel organisée par le Centre international des musiques nomades (CIMN) reprendra ses quartiers du 17 mars au 7 avril à Grenoble et en Isère. Un festival atypique et inclassable dont l’ambition « est de faire la jonction entre les musiques dites savantes et les musiques actuelles ». Cette année, ce sont les mythes et légendes de toutes origines qui serviront de fil rouge à ce festival pas comme les autres.
Au chapitre des festivals inclassables, celui des Détours de Babel, organisé par le Centre international des musiques nomades (CIMN), occupe chaque année, à la fin de l’hiver, une place de premier choix.
Par son emprise géographique et temporelle, d’une part, puisque l’événement, fortement enraciné dans le territoire de l’Isère, invite son public du 17 mars au 7 avril, à plus de 130 rendez-vous, dont 90 concerts. Et ce, dans 38 lieux patrimoniaux ou atypiques de l’agglomération grenobloise, ainsi que dans des petites communes de l’Isère, avec une pointe dans la Drôme.
D’autre part, par le foisonnement des esthétiques que propose depuis maintenant sept ans son directeur Benoît Thiebergien à un public tout aussi inclassable. C’est en effet un des rares festivals où se rencontrent – et parfois se télescopent – le jazz et ses déclinaisons improvisées, les musiques du monde, la musique électronique, les répertoires classique et contemporain…
Des temps pour tous pour une alchimie musicale dont les ingrédients seront inspirés des grands récits que sont les mythes et légendes de toutes origines, fil rouge de ces nouvelles pérégrinations des Détours de Babel.
Le thème de cette année : « Mythes et légendes »
Pourquoi ce thème ? « Nous avons choisi Mythes et légendes, pour entrer dans l’imaginaire, voir à travers les projets qui seront présentés de quoi parlent ces textes fondateurs, comment ils nous interrogent et nous racontent », explique Benoît Thiebergien.
Benoît Thiebergien lors d’un brunch au Musée dauphinois pour les Détours de Babel 2015. © Joël Kermabon – placegrenet.fr
Pour autant, si cette 7e édition du festival est une invite au voyage à travers les mythes les plus anciens, elle ne s’interdit pas d’aller explorer des constructions imaginaires ou légendes urbaines plus contemporaines telles les méandres de l’intelligence artificielle, l’infini des voyages dans l’espace ou encore l’utopie de la révolution.
« Autant d’histoires à découvrir ou redécouvrir en musique, qui parlent de notre besoin partagé de merveilleux pour raconter notre condition humaine et imaginer les grands récits de demain », promet le directeur du festival.
Ce sera notamment le thème de la table ronde « De quoi nous parlent les mythes et légendes d’aujourd’hui ? », organisée le 1er avril avec Les Arts du récit. Mais aussi d’un projet participatif, « Inventez vos propres légendes urbaines ! », qui se déroulera tout le temps du festival. Un appel à l’écriture de légendes imaginaires sur la base des êtres fantastiques qui peuplent l’agglomération grenobloise et les lieux patrimoniaux remarquables. Tels les géants de la place éponyme, le lion et le serpent de la place de la Cimaise ou encore, plus récents, les moutons muraux de The Sheepest, le cimetière Saint-Roch, ou bien encore la crypte Saint-Laurent.
Une première dans le quartier Très-Cloîtres
Pour l’essentiel, la mouture 2017 du programme élaboré par l’équipe du festival ne déroge pas à celle éprouvée et mise au point tout au long des éditions précédentes. A l’exception de quelques nouveautés comme les quatre ciné-concerts ou encore les parties bals, plus festives et « avec pas mal d’électro », assure l’organisation.
L’Anakronic Electro Orkestra se produira à la Belle Électrique le 21 mars. © Jean-Robert Loquillard
On retrouvera ainsi les concerts en salle et de proximité, les bals, les salons de musique ainsi que les désormais traditionnels brunchs[1] au musée dauphinois tous les dimanches.
À noter : le premier brunch investira pour la première fois le quartier Très-Cloîtres, le dimanche 19 mars.
Ajoutez à cela des débats, des ateliers et autres master class qui viendront compléter et diversifier l’offre de l’ensemble des spectacles. L’objectif ? « Rassembler professionnels, amateurs, publics et population autour de ce temps fort dédié aux musiques en mouvement », espère l’organisation.
« Nous avons ressorti de vieux films légendaires »
Quid des ciné-concerts, nouveau format de spectacles qui sera étrenné cette année ? « Nous avons ressorti de vieux films légendaires que nous avons mis en musique », explique Benoît Thiebergien. C’est notamment le cas pour la création du compositeur Arnaud Petit De l’exode à la terre promise, réalisée autour du film de Cecil B. DeMille, Les dix commandements, qui sera présentée salle Juliet Berto le vendredi 17 mars. La musique sera interprétée en direct par le musicien qui utilisera des instruments classiques autant qu’électroniques tels des synthétiseurs ou des ordinateurs.
Au nombre des quatre séances de ciné-concert, l’œuvre de science-fiction culte de Stanley Kubrick 2001, l’odyssée de l’espace, revisitée par Serge Teyssot-Gay et Cyril Bilbeaud de l’ensemble Zone libre. « Il est question dans ce montage du rapport entre l’homme et la machine, rappelle Benoît Thiebergien. Nous sommes là plutôt dans le mythe du transhumanisme. »
Citons encore, pour illustrer un autre mythe plus contemporain, celui de la cité du futur, le film de Fritz Lang, Metropolis mis en musique par Actuel Remix, deux musiciens lyonnais. Ces derniers ont remixé les œuvres de Iannis Xenakis et de Richie Hawtin à l’occasion de la sortie de la version intégrale restaurée du film expressionniste muet du cinéaste autrichien.
Benoît Thiebergien : « Des projets au croisement de toutes les esthétiques »
Difficile de faire un tour exhaustif de la nébuleuse de concerts et de spectacles musicaux que nous propose d’explorer cette 7e édition des Détours de Babel, au vu de sa richesse artistique et de son éclectisme assumé. « Le festival s’intéresse à toutes les musiques, à des projets au croisement de toutes les esthétiques », explique Benoît Thiebergien. De Faust à Orphée en passant par les rites vaudou avec le Voodoo Jazz Trio, le festival, dévidant son fil rouge nous invite ainsi à revisiter certains des mythes et légendes qui ont « nourri l’inconscient collectif des peuples de la Terre au fil des siècles ».
Et puis, comme chaque année, les Détours de Babel aiment bien inviter un artiste dont on peut découvrir les différentes facettes au cours de plusieurs spectacles.
Cette année, le compositeur et pianiste d’origine grecque Alexandros Markeas sera au centre de quatre rendez-vous du festival. Les spectateurs pourront apprécier son écriture musicale dans une des pièces du projet On the ring et ses talents d’improvisateur au cours de la performance Piano caméléon, un « voyage musical sur un piano fantastique », promet l’organisation.
Exploitant un autre registre, Alexandros Markeas fera également chanter les enfants de Varces-Allières-et-Risset pour le conte musical Orphée aux animaux. Une manière de proposer, comme pour un retour aux sources, sa vision du grand poète et musicien de la Grèce antique et ainsi d”« entraîner les enfants dans un lieu imaginaire où tout est musique ».
« C’est un festival qui privilégie la création »
Si tous les projets au programme sont de facture assez récentes, beaucoup d’entre eux ont été créés cette année ou vont l’être à l’occasion des Détours de Babel. De quoi confirmer une autre vocation du festival « qui privilégie la création, met l’accent sur des projets de création, des rencontres et une dimension transculturelle qui fait partie de son ADN », se félicite Benoît Thiebergien, coiffant pour l’occasion sa casquette de directeur du CIMN.
Une dimension qui s’affirme notamment au travers de « chantiers », des appels à projets musicaux, ou d’une une pépinière permettant « à de jeunes artistes de saisir l’opportunité de réaliser un premier projet en création dans des conditions professionnelles ».
Mais aussi de quoi enrichir la programmation du festival. « Nous recevons environ 70 projets par an […] Nous en sélectionnons trois ou quatre que nous soutenons et incluons dans le programme des Détours de Babel », précise Benoît Thiebergien.
Fort de tout ce potentiel musical, parions que le festival des Détours de Babel ne manquera pas, comme chaque année, d’apporter à son public son lot de surprises et de découvertes. À chacun de picorer dans la programmation au gré de ses goûts musicaux ou de son envie d’exploration.
Joël Kermabon
[1] Brunch : durant une journée, concerts, spectacles, performances, installations artistiques se répartissent dans différents espaces du lieu d’accueil. Une manière de proposer un cheminement libre des parcours musicaux ainsi proposés.