FOCUS – Connaissez-vous Dof le Bof, ce mystérieux cétacé qui squatte les murs de Grenoble ? À la boutique Sub Styles (spécialisée dans la vente de bombes de peinture), vendredi 10 février, à partir de 19 heures, son concepteur lèvera le voile – partiellement ? – sur sa démarche. Alors, vraiment « bof » le dauphin ou plus abouti qu’il n’y paraît ? Réponse du graffeur grenoblois.
Si vous ne traversez pas la ville les yeux rivés sur le trottoir, il y a des chances que vous ayez rencontré Dof. À Grenoble, façades, volets roulants et autres surfaces urbaines accueillent depuis sept ans les divers visages de ce drôle de dauphin.
Pourquoi reproduire ainsi le plus populaire des mammifères aquatiques sur les murs de la cité ? Pas très subversif, non ? « Quand j’ai commencé à faire ces graffitis de dauphin, j’ai justement voulu prendre le contre-pied de l’univers très codifié des graffeurs, qui se voulait plutôt viril… », se souvient l’inventeur de Dof, qui préfère garder l’anonymat, ses graffs se faisant sans autorisation.
Pour autant, le choix des surfaces sur lesquelles le graffeur appose son Dof ne va pas sans réflexion préalable. « Ma manière d’installer Dof dans la ville reste spontanée. Mais je veille à respecter les codes du milieu, comme ne pas recouvrir d’autres graffs. Ou, plus personnellement, je n’utilise pas toutes les surfaces. Un dauphin sur de vieilles pierres ou à la campagne ne trouverait pas vraiment sa place. Je ne cherche à embêter personne », explique le graffeur, qui privilégiera toujours des espaces déjà occupés par d’autres tags. Ce qui dénote une certaine tolérance de la part du propriétaire des murs. Le but étant que le cétacé demeure dans son nouvel habitat le plus longtemps possible.
Dof, le bof ou le beauf
Adorée par les enfants, l’iconographie dérivée du dauphin n’a pas vraiment la côte chez les tenants du bon goût. Qui sévissent dans tous les milieux, n’épargnant pas non plus le street art, que le créateur de Dof juge parfois « aseptisé ».
« Il y a une véritable mode autour du street art, dont se saisissent ceux qui s’en disent les spécialistes en réécrivant son histoire. Ça donne une dimension politique à cette sphère, tout en la rendant un peu convenue », regrette le graffeur qui, avec Dof, prétend rester hors des clous. Son but ? « Surprendre. C’est vraiment ce que je vise avec Dof qui, je crois, reste ambigu aux yeux des gens. Au départ, je voulais vraiment qu’on s’interroge. Était-il dessiné par un enfant ou par un adulte ? J’ai d’ailleurs joué sur le fait que je débutais le graff, dont on ne maîtrise la technique qu’à force d’expérience. »
De fait, Dof n’est pas seulement “beauf” – au sens où il s’inspire de la frange un brin “vulgaire” de la culture de masse –, il est aussi “bof” – pas terrible – de par son dessin. C’était du moins vrai il y a sept ans. Aujourd’hui, le trait s’est affirmé à l’image du lettrage – Dof – tout en rondeur qui fait écho à la représentation iconique du cétacé.
« Il serait temps de grandir »
S’il se méfie des cadres, le père de Dof n’en exclut pas pour autant toute forme d’exposition. D’où celle qu’accueillera la boutique Sub Styles (au 6 rue Etienne Marcel, à Grenoble), dont le vernissage est prévu ce vendredi 10 février à partir de 19 heures.
« Avec cette expo, j’ai voulu sortir de l’idée seule de graffiti pour mettre plutôt en valeur le dauphin et tout l’aspect ludique qu’il véhicule. Je veux vraiment montrer qu’on peut être adulte tout en conservant le plaisir de certains jeux d’enfants », explique le street artiste, qui s’amuse des idées reçues attachées à la représentation du graffeur. Une activité de vandale qu’il ne serait pas très raisonnable de pratiquer au-delà d’un certain âge…
« Il serait temps de grandir » – le titre de l’exposition – renvoie donc au sermon qu’entendent ceux qui, comme lui, sont devenus adultes tout en conservant les désirs impérieux de l’enfance. Chez le concepteur de Dof, cela prend la forme de virées nocturnes – « deux fois par semaine, comme une nécessité » – passées à graffer dans l’urgence son personnage, désormais fameux.
Adèle Duminy
Infos pratiques
6 rue Etienne Marcel, à Grenoble
Exposition « Dof – Il serait temps de grandir »
Vernissage le vendredi 10 février
De 19 heures à 22 heures
Entrée libre