REPORTAGE VIDÉO – Drôle d’ambiance ce dimanche, à Grenoble, au quartier général de la campagne de la primaire de la Gauche. Pourtant, la victoire du candidat Benoît Hamon est claire et nette, aussi bien à l’échelle nationale qu’en Isère, et encore plus éclatante à Grenoble. Alors quoi ? Où est le souci ? Les militants isérois du PS savent bien que le plus ardu est à venir : le partisan du revenu universel pour tous doit à présent ras-sem-bler s’il veut prétendre remporter la présidentielle.
Il est environ 20 heures. A Alpexpo, au quartier général de la campagne de la primaire de gauche, l’annonce officielle de la victoire du candidat Benoît Hamon n’est pas encore tombée. Les assesseurs des différents bureaux de vote arrivent peu à peu pour faire enregistrer leurs résultats…
Mais, on le sait déjà, les premiers chiffres sont excellents pour « celui en qui on ne croyait pas quand il s’est présenté en août dernier ! », rappelle goguenard Gildas Laeron, président du bureau de vote Ferdinand Buisson à Grenoble et soutien inconditionnel de Benoît Hamon. Arrive sur les lieux, parmi les premiers, Christophe Ferrari, président de la Métropole grenobloise, détendu, souriant.
Et pour cause, le maire de la commune du Pont-de-Claix, soutien d’Arnaud Montebourg, s’est rallié à Hamon au second tour. Les résultats dans sa commune sont très favorables à son candidat : « C’est sans appel, une envie de gauche est clairement affichée ce soir », déclare-t-il, ravi.
Commentant plus généralement les résultats nationaux, qui sont révélés petit à petit, il ajoute : « Benoît Hamon vient de gagner une véritable légitimé populaire, et ce n’est ni par des élus ni par des sondages qu’il vient d’être désigné, mais par des électeurs », enfonce-t-il le clou. Pour autant, cette légitimité semble loin de convaincre les “pro Valls”…
Réalisation : Joël Kermabon.
« Les électeurs ont choisi une gauche qui n’a pas peur de son socialisme »
Une petite quarantaine de militants font face à l’écran géant installé dans la salle où se trouve le buffet. Les discours de Manuel Valls, puis du vainqueur Benoît Hamon s’enchaînent.
Ni de mines défaites chez les uns, ni d’effusion de joie chez les autres, pendant les prises de paroles des candidats. On ne saurait pas dire que, ce soir, un candidat de la gauche vient d’être désigné pour la présidentielle, et qu’il a bénéficié, de surcroît, d’un sursaut de participation…
A moins que les gagnants cachent leur joie, par pudeur vis-à-vis du camp de Valls ? Parmi les “perdants”, on compte, il est vrai, un certain nombre de ténors socialistes, députés, sénateurs PS isérois dont certains, derrière leur indifférence feinte, sont à cran… Ainsi, le sénateur Jacques Chiron qui lâche un rageur « Il aurait pu attendre ! », quand Hamon démarre son discours alors que Valls n’a pas encore tout à fait achevé le sien. Problème de direct télévisuel probablement car, de toute évidence, Benoît Hamon n’a pas sciemment coupé la parole à Valls…
Après le discours d’Hamon, il y en a tout de même un qui affiche sa bonne humeur, c’est César Martin, secrétaire fédéral des jeunes socialistes, en charge de la communication de Benoît Hamon. Et de déclarer, fier de son candidat : « La France a besoin d’une gauche forte face à une droite dure, raciste, xénophobe […] Les électeurs viennent de choisir une gauche qui n’a pas peur de son socialisme. »
Réalisation : Joël Kermabon.
« Le rêve c’est bien gentil, mais est-ce que ça crée de l’emploi ? »
Pour les “pro-Hamon”, il est manifeste qu’« il ne peut pas y avoir trois candidats à gauche », comme l’analyse Christophe Ferrari. Autrement dit, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon doivent rapidement trouver des terrains d’entente. Accessoirement, il serait également nécessaire que les “pro Valls” rallient Benoît Hamon, afin d’assurer la victoire de ce dernier. « On a plus de points de convergences que de divergences avec Valls… », affirme César Martin, sûr de lui.
Du côté des soutiens de Valls, l’heure est pourtant plutôt au doute et au questionnement… « Je ne vois pas les instruments macroéconomiques qui peuvent faire avancer la machine dans le programme d’Hamon », déclare Hosni Ben Rejeb, président PS du bureau de vote Arlequin à Grenoble.
Le financement du revenu universel a aussi beaucoup de mal à le convaincre. « Le rêve c’est bien gentil, mais est-ce que ça crée de l’emploi ? », s’interroge-t-il. Olivier, qui digère également très mal la défaite de Valls, demande : « Est-ce qu’on doit aller sur Hamon ? ». Et de tourner son regard vers… Macron.
« C’est la droite et l’extrême droite qu’on doit affronter… »
Dans la soirée, vers 22 h 30, Olivier Véran, député PS de l’Isère et conseiller régional d’Auvergne – Rhône-Alpes a, lui, mis fin à ses questionnements. Il a écouté le discours de Benoît Hamon et sa décision est prise. Il se range du côté de Macron : « Comme beaucoup de socio-démocrates, je considère que c’est d’Emmanuel Macron qu’il faut se rapprocher, pour faire gagner la gauche face à un candidat d’une droite très conservatrice et souverainiste, et face au danger des populismes et du repli sur soi, dont l’actualité récente est un exemple quotidien. »
Au-delà des décisions individuelles des uns et des autres, ce soir, une majorité d’électeurs de gauche a opté pour une nouvelle ligne politique, « complètement différente de celle du gouvernement », appuie Christophe Ferrari. Éliane Giraud, sénatrice PS, soutien de Valls, en prend acte : « Le nombre de participants a été plus important pour ce deuxième tour, ce qui est une bonne chose pour la démocratie ». Passé ce constat, la sénatrice prévient gravement : « C’est la droite et l’extrême droite qu’on doit affronter. La question des alliances et [de] la crédibilité du programme [de Benoît Hamon] est majeure. »
« Moi, j’y crois ! On a une responsabilité, depuis ce soir, de contenu. Maintenant, le travail de discussion pour rassembler va démarrer ! », déclare, visiblement très motivée, Céline Deslattes, présidente du Planning familial à Grenoble, et militante PS.
Séverine Cattiaux