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Le ténor du barreau lillois Eric Dupond-Moretti, récemment appelé par Patrice Ciprelli pour assurer sa défense.

Importation d’EPO : un an avec sur­sis requis contre Patrice Ciprelli, mari de Jeannie Longo

Importation d’EPO : un an avec sur­sis requis contre Patrice Ciprelli, mari de Jeannie Longo

REPORTAGE – Patrice Ciprelli com­pa­rais­sait ce jeudi 19 jan­vier devant le tri­bu­nal cor­rec­tion­nel de Grenoble. Le mari de la cham­pionne cycliste Jeannie Longo est sus­pecté d’a­voir importé illé­ga­le­ment de l’EPO, hor­mone uti­li­sée comme pro­duit dopant, entre 2008 et 2011. Le minis­tère public a requis une peine d’un an de pri­son avec sur­sis. Mise en déli­béré, la déci­sion sera ren­due le 9 mars.

Le ténor du barreau lillois Eric Dupond-Moretti, récemment appelé par Patrice Ciprelli pour assurer sa défense.

Le ténor du bar­reau lil­lois Eric Dupond-Moretti, récem­ment appelé par Patrice Ciprelli pour assu­rer sa défense.

La pre­mière n’é­tait pas pré­sente au pro­cès, le second n’est, lui, apparu que récem­ment dans cette affaire. Pourtant, Jeannie Longo et Eric Dupond-Moretti ont presque volé – indi­rec­te­ment – la vedette à Patrice Ciprelli, en témoignent les bancs bon­dés de la salle d’au­dience. L’ombre de la cham­pionne olym­pique et nonuple cham­pionne du monde sur route a ainsi plané sur les débats, tout au long de l’après-midi.

Quant au ténor du bar­reau lil­lois, appelé à défendre Patrice Ciprelli depuis que celui-ci s’est séparé de ses deux avo­cats, il a confirmé sa répu­ta­tion de star des pré­toires et de bon client des médias, se livrant à quelques passes d’armes remar­quées avec le pré­sident et le procureur.

Néanmoins, le seul et unique pré­venu jugé ce jeudi par le tri­bu­nal cor­rec­tion­nel de Grenoble était bien Patrice Ciprelli. L’époux et entraî­neur de Jeannie Longo devait répondre de l’ac­cu­sa­tion de « contre­bande de mar­chan­dise pro­hi­bée ». L’aboutissement d’une enquête longue de cinq ans, ini­tiée par un article de L’Équipe paru en 2011. L’instruction avait conduit à l’in­ter­pel­la­tion et au pla­ce­ment en garde à vue de Patrice Ciprelli, après la per­qui­si­tion de sa mai­son de Saint-Martin-le-Vinoux. L’homme de 62 ans avait ensuite été mis en exa­men et placé sous contrôle judiciaire.

Un mys­té­rieux « com­plot » diri­gée contre Jeannie Longo

Dans la salle d'audience, Patrice Ciprelli, le mari de Jeannie Longo, jugé pour importation illégale d'EPO.

Dans la salle d’au­dience, Patrice Ciprelli, le mari de Jeannie Longo, jugé pour impor­ta­tion illé­gale d’EPO.

La jus­tice le soup­çonne d’a­voir acheté à l’é­tran­ger et importé illé­ga­le­ment de l’EPO (éry­thro­poïé­tine), hor­mone uti­li­sée pour aug­men­ter l’en­du­rance des spor­tifs. Elle le pour­suit plus pré­ci­sé­ment pour la com­mande de 33 boîtes ou fla­cons d’EPO, d’un mon­tant de 3 110 dol­lars (2 920 euros), entre le 14 sep­tembre 2008 et le 14 sep­tembre 2011.

Les paquets, adres­sés par un four­nis­seur chi­nois via inter­net, étaient livrés chez sa mère ou chez son ami Michel Lucatelli, ancien skieur entraîné par Patrice Ciprelli.

Après avoir nié les faits, ce der­nier les a ensuite recon­nus en garde à vue, invo­quant un usage per­son­nel et la néces­sité « d’ac­cé­lé­rer sa gué­ri­son suite à dif­fé­rentes chutes de vélo », avant de reve­nir de nou­veau à sa pre­mière ver­sion, pré­tex­tant un « pira­tage infor­ma­tique » et un mys­té­rieux « com­plot » dirigé contre Jeannie Longo.

À la barre, Patrice Ciprelli est resté sur la même ligne de défense et a main­tenu ses déné­ga­tions, tout comme sa théo­rie du « com­plot. Les gen­darmes ont mis une preuve à charge dans mon sac », a‑t-il affirmé. Il s’est éga­le­ment étonné d’a­voir un jour « retrouvé une boîte d’EPO péri­mée sous sa télé­vi­sion ».

Violent réqui­si­toire du procureur

Après des débats quelque peu lon­guets et mono­tones, qui se sont sou­vent bor­nés au rap­pel des faits, l’au­dience a pris un nou­veau tour­nant avec les plai­doi­ries. Premiers à plai­der, Maîtres Jean-Yves Balestas et Paul Mauriac, repré­sen­tant la Fédération fran­çaise de cyclisme (FFC), qui s’est por­tée par­tie civile, s’es­ti­mant vic­time d’un pré­ju­dice en matière d’image.

L’ancien bâton­nier du bar­reau de Grenoble n’a pas ménagé Patrice Ciprelli, lui lan­çant : « Votre défense est celle des tra­fi­quants de stu­pé­fiants. À tra­vers votre com­por­te­ment, c’est la FFC qui voit son tra­vail enta­ché. » « Les fédé­ra­tions en ont assez d’être salies », a com­plété son confrère Maître Mauriac.

Maître Jean-Yves Balestas, avocat de la Fédération française de cyclisme qui s'est portée partie civile dans ce dossier.

Maître Jean-Yves Balestas, avo­cat de la Fédération fran­çaise de cyclisme qui s’est por­tée par­tie civile dans ce dossier.

Après que la repré­sen­tante des douanes, Corine Blanchard, a demandé une amende de 5 800 euros, équi­va­lant au double de la valeur des pro­duits impor­tés, le pro­cu­reur s’est livré à un violent réqui­si­toire à l’en­contre de Patrice Ciprelli, qu’il a qua­li­fié de « mani­pu­la­teur, fourbe, sour­nois, escroc. M. Ciprelli n’a eu de cesse de se pré­sen­ter en vic­time mais c’est lui le mani­pu­la­teur qui pirate les adresses mail », a‑t-il tonné.

Et de dénon­cer « un cham­pion en matière de mau­vaise foi, qui vient constam­ment inver­ser les rôles ». Des mots peu au goût de Maître Dupond-Moretti qui a indi­qué « ne pas être venu ici pour se faire insul­ter ». Le pro­cu­reur a requis un an d’emprisonnement avec sur­sis, une « peine d’a­ver­tis­se­ment » des­ti­née à évi­ter que le pré­venu fasse traî­ner le dos­sier en usant de recours.

« En 2011, il n’y avait pas besoin d’or­don­nance pour déli­vrer de l’EPO »

Vint ensuite le tour tant attendu d’Eric Dupond-Moretti. D’entrée de jeu, l’a­vo­cat de la défense a annoncé la cou­leur, ména­geant son effet de manche : « Je n’ai besoin que de cinq minutes. Je vais plai­der la relaxe en droit et je vais l’ob­te­nir. » Le défen­seur de Patrice Ciprelli a ainsi basé toute sa plai­doi­rie sur une règle de droit et repro­ché au minis­tère public de ne pas avoir tenu compte de ses conclusions.

« Le pro­cu­reur et le juge d’ins­truc­tion ont tout faux, nous sommes devant une infrac­tion sans fon­de­ment juri­dique. » Selon lui, entre sep­tembre 2008 et sep­tembre 2011, l’EPO n’é­tait pas une mar­chan­dise pro­hi­bée au sens du code des douanes : « L’exigence d’une ordon­nance médi­cale a été créée par une loi du 5 mars 2012. » Les faits repro­chés étant anté­rieurs, il ne peut donc que « récla­mer la relaxe ».

Un mini coup de théâtre sur lequel est revenu Maître Dupond-Moretti à la sor­tie du tri­bu­nal : « En 2011, il n’y avait pas besoin d’or­don­nance pour déli­vrer de l’EPO car la loi ne le pré­voyait pas, ce n’est pas plus com­pli­qué que cela. Ensuite, toute autre dis­cus­sion n’a stric­te­ment aucun inté­rêt. » Pour l’a­vo­cat lil­lois, il n’y a donc « aucune rai­son que Patrice Ciprelli soit condamné. On est dans une enceinte de droit, pas au café du com­merce ! »

Il a enfin tenu à évo­quer Jeannie Longo, absente de l’au­dience et pour­tant omni­pré­sente dans les débats – rap­pe­lons que la cham­pionne cycliste, enten­due comme témoin durant l’en­quête, a été mise hors de cause par le juge d’ins­truc­tion. « C’est Mme L. qui vous fait venir », a lancé Eric Dupond-Moretti au par­terre de jour­na­listes pré­sents. « Mais elle n’a jamais été condam­née ni contrô­lée posi­tif. Et la pré­somp­tion d’in­no­cence, c’est fait pour les chiens ? » Pour l’a­vo­cat, « Mme L. n’a rien à faire dans l’en­ceinte. On a parlé d’elle sans en par­ler tout en en par­lant. »

Le tri­bu­nal cor­rec­tion­nel a mis l’af­faire en déli­béré. La déci­sion sera ren­due le 9 mars prochain.

Manuel Pavard

Manuel Pavard

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