L'association étudiante la Licorne pointe un nouveau dérapage, pour mieux mettre en relief la question de la com' sexiste de certaines soirées étudiantes.

La Licorne encorne les soi­rées étu­diantes sexistes ou homophobes

La Licorne encorne les soi­rées étu­diantes sexistes ou homophobes

FOCUS – Injures homo­phobes, com­mu­ni­ca­tion sexiste… Les syn­di­cats et asso­cia­tions étu­diants, notam­ment la Licorne, partent en guerre contre la com­mu­ni­ca­tion de cer­tains bars et bureaux de vie étu­diante. Un inci­dent récent a relancé le débat, le tout dans le contexte de l’a­dop­tion d’une charte anti-sexisme par l’Université Grenoble-Alpes.

« Eco‑G ! PD PD PD ! Juriste juriste ! On te fiste ! » Tel était le slo­gan affi­ché quelques heures sur Facebook pour pro­mou­voir la « soi­rée post-par­tiel » du jeudi 19 jan­vier au Phoenix de Meylan. Une soi­rée orga­ni­sée par le Bureau de vie étu­diante (BDE) de l’u­ni­ver­sité de Droit de Grenoble et la Team Eco‑G, repré­sen­tants des étu­diants de la faculté d’Économie de Grenoble.

Capture d'écran de l'invitation Facebook réalisée par l'association La Licorne. DR

Capture d’é­cran de l’in­vi­ta­tion Facebook réa­li­sée par l’as­so­cia­tion La Licorne. DR

Posté le 8 jan­vier, le mes­sage n’a pas sou­levé un enthou­siasme débor­dant. « Très lourd ! », déplore ainsi un inter­naute, étu­diant en sciences éco­no­miques. L’association La Licorne pour – rete­nez votre souffle – “Ligue inter-com­po­sante pour l’or­ga­ni­sa­tion d’une repré­sen­ta­tion nou­velle des étudiant.e.s” n’a pas non plus appré­cié cette com­mu­ni­ca­tion. Elle a immé­dia­te­ment inter­pellé les pré­si­dence et vice-pré­si­dence de l’Université Grenoble-Alpes, cap­ture d’é­cran à l’appui.

Des slo­gans rapi­de­ment reti­rés de la page Facebook

« Notre atten­tion a été rete­nue par l’utilisation d’injures homo­phobes, de pro­pos inci­tant au viol et de menaces de viol par les deux BDE dans le texte de pré­sen­ta­tion de leur évé­ne­ment sur les réseaux sociaux », écrit ainsi la Licorne, ajou­tant que le slo­gan incri­miné « met une nou­velle fois en avant l’habitude de stig­ma­ti­sa­tion, de dis­cri­mi­na­tion et de divi­sion des étu­diants de cer­taines asso­cia­tions étu­diantes dans l’organisation de leurs mani­fes­ta­tions ».

Les mentions « PD » et « Fist » ont depuis été supprimées.

Les men­tions « PD » et « Fist » ont depuis été supprimées.

Cet inci­dent s’ins­crit dans un contexte par­ti­cu­lier, puisque l’UGA a adopté début décembre 2016 une charte anti-sexisme sti­pu­lant notam­ment le refus de toute com­mu­ni­ca­tion avi­lis­sante. Autant dire que les choix de com” des deux struc­tures étu­diantes avaient dès lors de quoi sur­prendre. « On n’a pas com­pris ! », résume avec un cer­tain effa­re­ment Lenka Popravka, pré­si­dente de la Licorne.

Il convient de noter que les men­tions de « PD » et les menaces bon-enfant de « fist » ont rapi­de­ment été sup­pri­mées de la page de l’é­vé­ne­ment. « Ils ont dû se faire remon­ter les bre­telles, estime Lenka Popravka. Ce n’est pas la pre­mière fois pour le BDE Droit et j’ai l’im­pres­sion que le direc­teur de la faculté en a un peu ras-le-bol… »

« Nos soi­rées ne sont en rien sexistes »

Contacté par Place Gre’net, le pré­sident du BDE Droit Quentin Fères a répondu par un com­mu­ni­qué de quelques lignes : « Nous avons bien pris note des cri­tiques for­mu­lées et nous avons réglé la situa­tion, nos soi­rées ne sont en rien sexistes, j’in­vite la Licorne à venir y faire un tour et à deman­der leur avis aux étu­diants y par­ti­ci­pant, ainsi qu’à venir direc­te­ment à l’a­ve­nir nous expo­ser leurs craintes pour que nous réglions cal­me­ment la situa­tion plu­tôt que d’a­gir impul­si­ve­ment. »

L'équipe du Bureau de vie étudiante de la faculté de Droit. Photo issue de la page Facebook du BDE. DR

L’équipe du Bureau de vie étu­diante de la faculté de Droit. Photo issue de la page Facebook du BDE. DR

De son côté, en réponse à nos demandes d’en­tre­tien, la pré­si­dence de l’UGA nous a com­mu­ni­qué la liste des actions entre­prises depuis la récep­tion de la lettre de la Licorne. À savoir de nom­breux cour­riers et cour­riels. La pré­si­dente Lise Dumasy a en effet écrit aux BDE Droit et à la Team Eco‑G pour « condam­ner les pro­pos inju­rieux uti­li­sés ». Et la Licorne a de son côté reçu de nom­breuses mis­sives de la part de la pré­si­dence de l’UGA, des doyens des uni­ver­si­tés concer­nés et de Quentin Fères, suite à sa ren­contre avec le doyen de la faculté de Droit.

Une « action pro­gram­mée pour mettre en appli­ca­tion la charte au sein de l’é­ta­blis­se­ment » a été évo­quée, ainsi que l’or­ga­ni­sa­tion d’une céré­mo­nie de signa­tures. Chargée de mis­sion Égalité femme-homme, Mireille Baurens tient éga­le­ment à signa­ler « la mise en place de la for­ma­tion des asso­cia­tions qui vont signer la charte par la mis­sion éga­lité de l’UGA, en concer­ta­tion avec la vice-pré­si­dence étu­diante ». Quelle forme pren­dra cette for­ma­tion et par qui sera-t-elle assu­rée ? Nous n’a­vons pas eu de réponses à ces questions.

A quand l’ap­pli­ca­tion de la charte anti-sexisme ?

Une chose est cer­taine, La Licorne appelle de ses vœux la mise en place d’une telle for­ma­tion. Mais elle juge tout aussi urgente l’ap­pli­ca­tion de la charte : « Il appa­raît éga­le­ment néces­saire que la charte anti-sexisme soit mise en place le plus rapi­de­ment pos­sible pour remé­dier effi­ca­ce­ment aux pro­blèmes de com­mu­ni­ca­tions sexistes des asso­cia­tions étu­diantes », écrit-elle ainsi dans son courrier.

En quoi cette charte peut-elle chan­ger quoi que ce soit à la com­mu­ni­ca­tion des BDE ? « Une fois que la charte est signée, l’as­so­cia­tion doit faire atten­tion à sa com­mu­ni­ca­tion, à la manière dont les soi­rées sont tenues. Si elles sont cleans, elles auront des faci­li­tés pour avoir des sub­ven­tions. Mais si on se rend compte que c’est n’im­porte quoi, les sub­ven­tions pour­ront être non ver­sées, voire cou­pées », pré­cise Lenka Popravka. Qui ajoute que cer­tains ser­vices envi­sa­ge­raient aussi de remettre en cause l’oc­cu­pa­tion de locaux appar­te­nant à l’Université par des asso­cia­tions refu­sant de coopérer.

SOS Apéro « emblé­ma­tique » des soi­rées sexistes, selon La Licorne

Alors, la Licorne en guerre contre les soi­rées étu­diantes ? L’association fai­sait déjà par­tie des struc­tures ayant récem­ment dénoncé les « soi­rées sexistes » se tenant au bar SOS Apéro de Grenoble. Lenka Popravka n’a d’ailleurs pas appré­cié qu’en réac­tion soit orga­ni­sée le 15 décembre une soi­rée « Tous en jupe » assor­tie d’un « concours de la blague non sexiste » et un « entraî­ne­ment à la rédac­tion d’une lettre de plainte ».

La soirée « tous en jupe » avec concours de rédaction de lettres de plainte organisée à SOS Apéro le 15 décembre. DR

La soi­rée « tous en jupe » avec concours de rédac­tion de lettres de plainte orga­ni­sée à SOS Apéro le 15 décembre. DR

Le tout avec le sou­tien expli­cite… du BDE Droit et de la Team Eco‑G. « Ces faits démontrent que ce BDE est donc mépri­sant du tra­vail accom­pli et de la néces­sité de celui-ci », juge la pré­si­dente de la Licorne, qui incri­mine une nou­velle fois SOS Apéro : « Parfois, les bars imposent aux étu­diants une com­mu­ni­ca­tion avec des filles à poil ou des cock­tails gra­tuits pour les filles en leur disant que cela fera venir les gar­çons, et SOS Apéro est un peu emblé­ma­tique de cela. »

Le bar gre­no­blois, qui s’es­ti­mait dif­famé, avait ample­ment répondu sur les réseaux sociaux et nous explique ne plus « vou­loir faire de vagues ». « Il y a eu des débats qui ont pris des pro­por­tions énormes mais nous sommes un bar étu­diant. Ce qui est poli­tique n’est pas notre rayon. Nous ne sommes pas sexistes, nous ne le serons jamais. Nous com­pre­nons la cause et cela nous touche, mais nous ne sommes pas là pour en par­ler », nous répond une employée du bar au nom de toute l’é­quipe. Avant de pré­ci­ser : « S’il y avait un pro­blème avec SOS Apéro, cela se sau­rait et on aurait déjà mis la clé sous la porte ! »

La fin des « rava­le­ments de faciale » ?

Des argu­ments qui n’empêchent pas la Licorne de rêver de soi­rées étu­diantes qui en fini­raient avec ce type de com­mu­ni­ca­tion. « On peut s’a­mu­ser autre­ment qu’en met­tant des meufs à poil !, juge Lenka Popravka. Il y a d’autres moyens de com­mu­ni­quer pour des soi­rées qui, de toute manière, res­te­ront les mêmes. Mais on ne visera plus toute une par­tie de la popu­la­tion de manière dis­cri­mi­nante pour vendre des places. »

Le logo de la Licorne. DR

Le logo de la Licorne. DR

D’ailleurs, la pré­si­dente de la Licorne l’af­firme : elle ne juge pas que les soi­rées étu­diantes soient, dans leur dérou­le­ment, plus sexistes que n’im­porte quel autre type de soi­rée. Si la com­mu­ni­ca­tion de cer­tains BDE ou de cer­tains évé­ne­ments pose souci à ses yeux, elle recon­naît volon­tiers qu’il n’y a pas « un mou­ve­ment de fond sexiste ». Lenka Popravka note même une cer­taine amé­lio­ra­tion par rap­port à la situa­tion qui pré­va­lait il y a quelques années en arrière : « On est loin de la période où il y avait des affiches “rava­le­ment de faciale” tous les huit jours ! »

Florent Mathieu

Suite à la paru­tion de l’ar­ticle, le pré­sident du BDE Droit Quentin Feres nous a pré­cisé que, contrai­re­ment à ce que nous indi­quait la pré­si­dence de l’UGA, il n’a pas encore eu d’en­tre­vue avec le Doyen à pro­pos des faits repro­chés. « Nous nous voyons la semaine pro­chaine pour en dis­cu­ter et faire en sorte que la Faculté puisse plus faci­le­ment contrô­ler toute la com­mu­ni­ca­tion de notre asso­cia­tion en assis­tant les diri­geants pen­dant les périodes fastes comme les par­tiels pour ceux qui sont en mas­ter comme moi », nous fait-il ainsi savoir.

Quentin Feres doute éga­le­ment que la men­tion « très lourd » d’un inter­naute sur la page Facebook de l’é­vé­ne­ment soit réel­le­ment en rela­tion avec « l’in­dé­li­ca­tesse de la des­crip­tion ». « Il me semble que c’est plu­tot pour expri­mer sa joie de voir une soi­ree co-orga­ni­sée par deux filières impor­tantes par leur effec­tif et qui va per­mettre aux étu­diants de se ren­con­trer et de s’a­mu­ser », estime-t-il.

[Rectificatif ajouté le 14 janvier]

Florent Mathieu

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