FOCUS – Situation confuse, inquiétude et indignation au sein du rassemblement hétéroclite devant les locaux de l’usine Ecopla. Et pour cause, des camions italiens dépêchés par le groupe repreneur Cuki Cofresco sont venus récupérer le matériel présent et les machines, contre la volonté des ex-salariés qui veulent conserver et faire vivre leur outil de travail.
Certains ont veillé deux nuits sur place et se préparent déjà à en passer une troisième… La fatigue se fait sentir mais aussi et surtout l’inquiétude, grandissante depuis que deux camions du groupe Cuki Cofresco ont fait leur apparition devant les locaux de l’usine d’Ecopla de Saint-Vincent-de-Mercuze, mardi 20 décembre au matin.
Les anciens salariés, qui défendent toujours leur projet de Scop et souhaitent reprendre en main l’entreprise, craignent plus que jamais que ces camions viennent déménager leur outil de travail. Les deux camions seraient pourtant repartis à vide, le premier de lui-même, le second sous la pression des salariés et de leurs nombreux soutiens qui se sont rassemblés devant le site de l’usine. Mais un camion s’est de nouveau présenté dans la journée du mercredi 21 décembre, suscitant une nouvelle vague de mobilisation.
« La fin des haricots » ?
Vers 16 heures, c’est une centaine de personnes qui sont massées devant le site d’Ecopla, surveillées par des gendarmes qui auraient par ailleurs sollicité des renforts. Objectif ? Empêcher le camion d’entrer et de commencer à déménager moules et machines.
« Le maire de Saint-Vincent-de-Mercuze est sur place, nous explique un militant NPA venu en soutien aux ex-Ecopla. Il leur explique que l’on est sur un terrain municipal et qu’ils ne peuvent se prévaloir de trouble à l’ordre public pour nous faire évacuer… »
« C’est tendu mais il n’y a pas d’affrontement. Notre seul espoir, c’est qu’ils renoncent à utiliser la violence. Si on n’arrive pas à résister, si toutes les machines partent, c’est la fin des haricots... », juge le militant.
« Un pillage industriel »
Un « pillage industriel de notre outil de travail », voilà comment Étienne Ciapin de Solidaires Isère voit la manœuvre du groupe italien. « C’est mettre un terme comme des voyous, comme des filous, à une lutte légitime des salariés d’Ecopla ! »
Le jour de la délibération du Tribunal concernant le projet de Scop, 20 octobre 2016. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’Net
Et Étienne Ciapin de dresser la liste des personnes venues soutenir les ex-Ecopla : « Il y a les différents syndicats présents, des collectifs comme Nuit debout, des habitants de Saint-Vincent-de-Mercuze, ainsi qu’une solidarité des commerçants de la région qui viennent apporter des vivres pour soutenir les piquets… »
« Le symbole d’une financiarisation folle » pour Eric Piolle
Des élus sont aussi présents : le maire de Saint-Vincent-de-Mercuze Philippe Baudain donc, mais aussi Bernard Macret, adjoint municipal de Grenoble en charge de la solidarité internationale.
Eric Piolle lors de l’anniversaire du verger « Essen’Ciel ». 3 juillet 2016. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net
« Je suis venu par solidarité parce qu’il est scandaleux que les gens perdent leur outil de travail alors qu’ils ne veulent que travailler. J’ai toujours soutenu la reprise des entreprises par les ouvriers, la reprise des usines par les travailleurs. Et je trouve dégueulasse et lamentable de faire venir des camions pour récupérer leur matériel. »
Si Bernard Macret précise que sa prise de position est individuelle et ne représente pas nécessairement celle de la municipalité de Grenoble, Éric Piolle n’en a pas moins apporté son soutien aux ex-Ecopla dans un communiqué diffusé dans la journée du 21 décembre.
« Je soutiens le combat des Ecopla pour la sauvegarde de leur outil de travail. Les Ecopla sont le symbole d’une financiarisation folle qui détruit notre tissu industriel », affirme le maire de Grenoble.
« Cette entreprise doit être sauvée d’une mise à bas organisée par des repreneurs qui n’ont que faire de la sauvegarde du savoir-faire industriel unique de notre région », dénonce-t-il ainsi.
Aucune réponse de Laurent Wauquiez
Côté Région, c’est Émilie Marche, élue du Rassemblement citoyens écologistes et solidaires, qui vient apporter son soutien aux salariés de l’entreprise tout en relayant les appels à mobilisation sur les réseaux sociaux.
Émilie Marche, élue du Rassemblement citoyens écologistes et solidaires. © aurassemblement-elus.fr
« Notre groupe a tout fait pour soutenir Ecopla et alerter Laurent Wauquiez pour lui demander de préempter l’entreprise, selon ses compétences. Nous n’avons pas eu de réponse », affirme-t-elle.
« Je suis présente depuis hier sur le terrain parce qu’il faut sauver notre industrie française : on a des salariés qui veulent reprendre l’entreprise, le projet est viable, et si les machines partent c’est tout le savoir-faire français qui s’en va. On marche sur la tête ! »
« Ecopla vivra ! », clame pour sa part le PCF dans un communiqué. « Le Parti communiste, avec ses élu-e‑s, est aux côtés des Ecopla. Il exige de nouveau que les pouvoirs publics, préfet et gouvernement, engagent enfin l’autorité de l’État en faveur du projet industriel des salariés », fait savoir le parti.
Une nouvelle nuit de rassemblement ?
Et chacun de faire remarquer que l’entreprise Cuki n’a pas prévenu le liquidateur judiciaire de l’arrivée de ses camions, pour tenter de déménager du matériel au sein d’une usine sous scellés. Inquiétude générale : que le groupe italien ait également mis la main sur les fichiers clients de l’entreprise, dont il n’est pas propriétaire.
« On interpelle à présent le gouvernement pour lui demander ce qu’il fait. Ça fait quatre ans que les salariés alertent. On dit qu’il faut aider les entreprises, alors aidons les salariés ! », s’indigne Émilie Marche. Tandis que les ex-Ecopla et leurs soutiens semblent partis pour une nouvelle nuit de rassemblement devant leur ancienne usine…