FOCUS - Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a annoncé, ce lundi 24 octobre, la gratuité des TER pour les fonctionnaires de police. Cette mesure, destinée à rendre les trains plus sûrs avec des policiers autorisés à conserver leur arme de service, a vivement fait réagir les conseillers régionaux écologistes, qui dénoncent « une fausse bonne idée » et taclent le président de la Région.
« Pour sécuriser nos trains et comme signe de reconnaissance de leur travail, la Région accorde la gratuité des TER aux policiers et gendarmes », pouvait-on lire, ce lundi 24 octobre, sur le compte Twitter de Laurent Wauquiez, le président Les Républicains de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
La future mise en place du dispositif a été annoncée à l’issue d’une réunion avec le syndicat Alliance police nationale qui avait enfourché, dès cet été, ce cheval de bataille. Cependant, rien n’est fait. La mesure – dont le coût est estimé à 500 000 euros par an – sera examinée avec d’autres propositions concernant la sécurité devant l’assemblée plénière régionale, le 17 novembre prochain.
Pour les élus écologistes régionaux du Rassemblement citoyen, écologiste et solidaire (RCSE) qui dénoncent « une fausse bonne idée », la pilule ne passe pas.
« Un passager dans un train pourra être un policier »
Outre le geste symbolique de reconnaissance que constitue la gratuité, la mesure devrait inciter un maximum de fonctionnaires de police à emprunter les TER et ainsi offrir plus de sécurité aux voyageurs. C’est du moins ce que souhaite le président de la Région… « Désormais, il faudra savoir qu’un passager dans un train pourra être un policier et qu’il pourra avoir son arme de service avec lui », prévient Laurent Wauquiez.
Avec cette initiative, ce dernier ne fait d’ailleurs pas figure de précurseur. Il emboîte le pas aux exécutifs des régions Paca et Hauts de France qui l’ont déjà mise en place. De fait, techniquement, la mesure est possible puisque les policiers sont désormais autorisés à porter leur arme de service en permanence, y compris lorsque l’état d’urgence va être levé.
Pour lever toute ambiguïté, le syndicat Alliance police nationale a de son côté tenu à préciser que l’idée était dans les tuyaux depuis cet été et qu’aucun rapprochement ne saurait être fait entre cette décision et les récentes manifestations de policiers.
Les policiers devront-ils assurer la sécurité bénévolement ?
Les élus écologistes de la région brocardant ainsi Laurent Wauquiez le rebaptisent « Monsieur une fausse bonne idée par jour » et dénoncent une nouvelle opération de communication. Pour eux, « la priorité n’est pas là ». Ils estiment en effet que ce droit qu’ont les policiers de porter leur arme en dehors des heures de service serait, au contraire, une source d’inquiétude pour les voyageurs.
« Cela aurait plutôt tendance à provoquer chez les usagers un sentiment de crainte et de méfiance », argumentent-ils. « Les usagers veulent aussi de la sécurité dans les TER, mais la direction de la SNCF et les présidents de Région n’ont de cesse de supprimer la présence humaine à bord… », poursuivent-ils.
Et de tacler, taxant au passage le président de la Région de cynisme :
« Après avoir supprimé les personnels d’accompagnement, il leur [les policiers, ndlr] demande d’assurer la sécurité, bénévolement, sur leurs temps de repos, avec leur arme de service, en échange d’une cacahuète : le trajet gratuit ! », ironisent les écologistes.
« Encore une fausse bonne idée ? »
Les élus s’interrogent également sur le caractère réellement incitatif du dispositif pour les policiers. Selon eux, ceux qui ont le plus besoin d’aménagements tarifaires pour se déplacer, ce sont les plus précaires.
« Or, depuis juillet, la majorité régionale a remis en cause le tarif Illico solidaire, multipliant ainsi par deux le prix d’un aller-retour Grenoble-Lyon pour une personne en situation de précarité », soulignent les conseillers régionaux.
Pour Jean-Charles Kohlhaas, élu RCES, membre de la commission transports, il faut rester sérieux.
« Pour que les policiers et les gendarmes prennent le TER, il faut qu’il y en ait et qu’ils fonctionnent bien. Comme pour les autres citoyens, ce n’est pas le prix qui déclenche ou non l’utilisation des transports collectifs, c’est le niveau de service », tance le conseiller régional, qui s’inquiète. « La Région devrait voter et signer une nouvelle convention avec la SNCF dans les prochains jours, avec un niveau de service que tous les usagers espèrent amélioré et… silence radio. Après les annonces tonitruantes de M. Wauquiez sur les pénalités, rien ! Encore une fausse bonne idée ? », questionne l’élu écologiste.
Enfin, en guise de clin d’œil et « puisque Laurent Wauquiez a lancé le concours de l’idée la plus saugrenue », les élus avancent l’une des leurs. « Nous proposons le TER gratuit à vie pour celui qui, bénévolement, pendant ses trajets en TER, fera comprendre à M. Wauquiez ce qu’est la réalité d’un service public de transport…, mais pour cela, il faudrait que M. Wauquiez prenne le TER… »
Joël Kermabon