TROIS QUESTIONS À – La religion est-elle soluble dans le monde de l’entreprise ou faut-il l’en écarter à toute force ? Quid de la laïcité ? L’auteure du livre Derrière le voile Nahida Nakad a tenté, en finesse, de tracer une troisième voie, devant un public de cadres et de chefs d’entreprise réunis, ce mercredi 19 octobre à Grenoble.
Ce mercredi 19 octobre, Interclub Grenoble, groupement d’associations réunissant 500 cadres et chefs d’entreprise en Isère, recevait pour sa conférence annuelle Nahida Nakad. Le thème de la soirée : « Laïcité au travail : quelles perspectives pour le vivre-ensemble ? »
Pourquoi avoir fait appel à Nahida Nakad ? Pour son vécu, ses expériences et sa réflexion sur les interactions entre laïcité et religion. « Il faut avoir vécu en France et à l’étranger pour mieux comprendre pourquoi les rapports entre l’Islam et la République sont si souvent conflictuels », a d’ailleurs déclaré l’intéressée, au cours de son intervention.
« D’origine arabe et laïque » (sic), comme précisé dans sa biographie, Nahida Nakad a couvert durant de nombreuses années les conflits au Moyen-Orient, dans les Balkans et en Afrique en tant que grand reporter pour TF1. Elle a aussi dirigé les rédactions française, arabe et anglaise de France 24.
Depuis 2013, Nahida Nakad est consultante en relations internationales. Cette même année, elle publie un ouvrage « Derrière le voile » qu’elle a voulu didactique, où elle parle sans tabou du voile, « en éclaircissant les faits et en rapprochant les idées », avec pour seule volonté, écrit-elle, de « dessiner des pistes pour ouvrir le dialogue ».
C’est avec ce même souci – sans cacher ses craintes pour l’avenir – qu’elle a envoyé ce message, mercredi soir aux entreprises de l’Isère : « La laïcité est précieuse en France, mais ne l’érigeons pas en dogme […] Même si nous sommes tentés, moi la première, de dire que je ne veux pas vivre dans une société religieuse et certainement pas fondamentaliste, la religion existe et il faut trouver la meilleure solution de l’intégrer sans qu’elle prenne le dessus mais sans non plus la brimer. »
Vous êtes intervenue sur un ton particulièrement grave devant des cadres et chefs d’entreprise de l’Isère, ce mercredi soir à Grenoble. Vous redoutez en effet une crise majeure dans la société, une rupture du dialogue entre les chrétiens et les musulmans, du fait notamment de la montée de l’intégrisme. Face à ce constat, quelles actions préconisez-vous en entreprise ? Faut-il « tendre la main aux Français musulmans » ?
Nahida Nakad : L’idée n’est pas de « tendre la main aux Français musulmans ». L’idée, c’est de débattre et d’avoir un débat ouvert, de laisser tout le monde donner son avis sans qu’il y ait de murs, de barrières, de gens qui disent : « Je ne peux pas dire cela parce que je vais être jugé. » Je crois qu’il manque vraiment deux choses, aujourd’hui. La première, c’est d’avoir un débat serein, dans lequel chacun essaie de comprendre la réalité des choses et de les voir de la façon la plus neutre et la plus objective possible. […]
La seconde, qui est aussi importante, est que des spécialistes neutres expliquent ce qui se passe dans la société française. Qu’il y a l’Islam d’un côté et, de l’autre, « un projet politique islamiste ». Et si on ne sait pas faire la différence, on n’en sortira jamais.
Autrement dit, il faut absolument essayer de faire la différence entre la croyance, la pratique, la piété qu’est la religion musulmane et, de l’autre, un programme politique qui existe, qu’il faut regarder en face, qui est intégriste, et qui voudrait enfermer les musulmans dans une idéologie réactionnaire, avec comme but essentiel de vivre dans un monde musulman, de juridiction musulmane. Ce que l’on appelle la charia, où le vivre au quotidien est conforme à la loi musulmane… Et ça c’est inacceptable.
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