FOCUS – La cour d’appel de Grenoble a rejeté l’appel des ex-salariés d’Ecopla, entérinant le choix fait par le tribunal de commerce du repreneur italien, Cuki Cofresco. Un autre issue était-elle possible ? Le ministère public, qui n’avait pas fait appel de l’ordonnance du juge commissaire lors de la liquidation du dernier fabricant français de barquettes aluminium pour l’alimentaire, est nommément mis en cause.
L’appel des ex-Ecopla a été jugé irrecevable. Jeudi 20 octobre, la cour d’appel de Grenoble a scellé le sort du dernier fabriquant français de barquettes en aluminium pour l’alimentaire au motif qu’un candidat à la reprise d’entreprise évincé ne peut pas faire appel. Elle a donc confirmé la décision du tribunal de commerce de céder l’entreprise au repreneur italien Cuki Cofreso, aux dépends du projet de Scop des ex-salariés.
Ecopla sera-t-elle l’histoire des occasions manquées ? Une de plus ? La présidente de la cour s’en cachait à peine lors du délibéré. « Il en aurait été autrement si le ministère public avait fait le recours », soulignait-elle.
Ecopla, une bataille politique ?
« Lors du redressement judiciaire, le procureur aurait pu porter plainte en tant que partie civile puisqu’il restait 27 000 euros de trésorerie, explique Karine Salaün, une ex-Ecopla. Je ne sais pas comment le tribunal de commerce a pu laisser faire ça. Nous (le collectif des ex-Ecopla) avons tout fait, nous n’avons rien à nous rapprocher : nous avons alerté le procureur, le président du tribunal, le ministre de l’Économie et le commissaire au redressement productif bien avant que l’entreprise soit en liquidation. »
Christophe Chevalier, lui aussi ancien employé de l’entreprise et membre du collectif porteur du projet de Scop, abonde : « Nous aurions pu sauver Ecopla, mais les pouvoir publics n’ont pas fait leur boulot ! »
Une mise en cause sévère pour François Ruffin, le réalisateur du film Merci Patron !, venu témoigner son soutien aux ex-Ecopla. « Je n’ai jamais vu un juge mettre en cause le procureur de cette manière-là. Le juge a très clairement dit : le procureur n’a pas fait son boulot, le ministère public n’a pas fait son boulot, le ministère de la justice n’a pas fait son travail. Cela se rajoute au ministère de l’Économie qui, auparavant, n’a pas fait son travail non plus. […] Aujourd’hui, on a perdu une bataille judiciaire, mais la vraie bataille est politique. La question est : est-ce que les politiques ont envie de voir renaître l’industrie à Saint-Vincent-de-Mercuze ou non ? »
Une dernière carte à jouer
Mais, pour les anciens salariés, la bataille n’est pas complètement perdue. En ligne de mire, une rencontre ce vendredi 21 octobre avec Michel Sapin. A Strasbourg, ils comptent bien rencontrer le ministre de l’Économie et des Finances lors du 36e Congrès de la Confédération générale des Scop et des Scic. « Nous allons lui demander de nous recevoir à Bercy, continue Christophe Chevalier. Et qu’il nous explique pourquoi ils n’ont pas fait leur boulot. Ils auraient pu sauver Ecopla, mais ils ne l’ont pas fait. »
D’autant qu” il leur reste encore une dernière carte à jouer. Après l’ordonnance du 16 juin, les ex-salariés avaient formé un autre recours, en tierce opposition celui-là, dont le délibéré est attendu le 3 novembre. « Il y a une jurisprudence datée du 18 mai 2016, dans laquelle il est stipulé que les candidats à la reprise ont dix jours pour faire appel. C’est ce qu’on a fait et c’est sur cette jurisprudence que s’appuie notre avocat, maître Cerato », précise Karine Salaün.
Depuis mars, les 77 anciens salariés d’Ecopla n’ont plus de travail. « Les membres de notre collectif sont en contrat de la sécurisation professionnelle. Nous ne sommes même pas dans les statistiques des chômeurs de Pôle emploi, car nous avons le statut de stagiaire », se désole Karine Salaün.
Quant au site, occupé pendant des mois par les ex-Ecopla qui craignaient de voir les machines rapatriées en Italie, il est aujourd’hui « cadenassé par un huissier, donc on y a plus d’accès », explique Karine.
« Néanmoins, on continue de se réunir tous les jours avec le collectif dans une commune avoisinante. On ne cassera pas des cadenas et la chaîne qui ont été posés par un huissier depuis quinze jours, juste après la visite des politiques. »
Yuliya Ruzhechka