REPORTAGE – En ce début d’été, Saint-Bruno s’agite à l’occasion du ramadan. Cette fête religieuse, qui correspond au neuvième mois du calendrier hégirien (calendrier musulman), anime le quartier plus qu’à l’accoutumée. Place Gre’net s’est rendu sur place pour observer le déroulé des festivités et demander à ceux qui le pratiquent ce qu’il représente.
Tous les jours, à partir de 16 heures, le quartier Saint-Bruno s’anime d’une étrange manière en cette période estivale. Alors que les terrasses et les rues sont quasi-désertes une bonne partie de la journée, des commerçants sortent alors un tas de spécialités devant leurs échoppes, parfumant la rue d’une odeur particulière. C’est le ramadan, période de jeûne qui a lieu au neuvième mois du calendrier hégirien. Soit cette année, du 6 juin au 6 juillet.
Mahjouba, 50 ans, s’occupe tous les soirs d’un étal qui propose des spécialités et des pâtisseries arabes.
Souriante et énergique, elle explique le déroulé du ramadan. « C’est jeûner pendant trente jours, ne pas manger du lever jusqu’au coucher du soleil. Le matin, à 4 h 15, on arrête de manger et de boire jusqu’à 21 h 30, sachant que les journées sont très longues en ce moment. »
« On essaie de recréer cette ambiance du bled »
Le ramadan est aussi un moment de convivialité, durant lequel les pratiquants se retrouvent dans la rue. « Plus les années passent, plus on essaie de recréer cette ambiance du bled. Ça se passe plutôt bien, d’après ce que je vois… », précise « Moustache » – comme le surnomme les habitants du quartier –, 62 ans, qui travaille dans un restaurant du cours Berriat.
Le restaurant le Djamila, cours Berriat, prépare la soirée de rupture du jeûne. © Florent Mathieu – Place Gre’net
Pour lui, il s’agit surtout d’une occasion de se retrouver en famille : « Le repas c’est un moment social, et le repas c’est en famille. » Mahjouba aussi se rapproche de la sienne pendant cette période de l’année : « Nous, on mange toujours chez mon frère. En temps normal, on ne le voit qu’une fois par semaine. »
Une période qui touche à sa fin puisque l’Aïd al-Fitr tombe cette année le mercredi 6 juillet. Cette « fête de la rupture » qui sonne la fin du ramadan marque le moment où ceux qui sont séparés se réunissent : « l’Aïd c’est très convivial. On visite la famille, raconte Mahjouba. Il y a l’heure de la prière à 5 heures, avec le petit déjeuner offert. Franchement, c’est magnifique ! On est main dans la main. »
Rompre le jeûne, tout un art
Ne pas manger toute une journée et pouvoir manger à souhait la nuit. La tâche n’est pas si aisée qu’il y paraît. Rompre le jeûne se fait généralement par un verre de lait et des dattes, explique Mahjouba : « On a l’estomac vide toute la journée, donc il faut pas commencer brutalement avec de la nourriture dure ou trop liquide. Après, on dit bismillah [expression en langue arabe remerciant Allah pour sa miséricorde, ndlr] pour dire je commence. ».
Viennent ensuite les spécialités, avec quelques plats incontournables : « Moi, je suis marocaine, donc la soupe c’est la H’rira. Pour les Algériens, c’est la chorba. Il faut qu’elle soit présente tous les soirs. »
Les célèbres pâtisseries arabes accompagnent aussi tout le ramadan. Une multitude de gâteaux généreux et appétissants. « Il y a beaucoup de sucreries… Il ne faut pas trop manger. Mais les gens en abusent un peu trop », confie Mahjouba.
Pour elle pas de problème, le ramadan aura été bénéfique : « C’est la première année où je perds du poids parce que je travaille près du feu. Du coup, le soir, je ne fais que boire et je ne mange pas assez. Mais ça me va très bien ! »
Un ramadan sur fond d’attentats
Cette année, le ramadan se déroule dans un contexte particulier. Les attentats orchestrés par l’État islamique à Paris, en Tunisie ou encore en Turquie ont mis les Musulmans au centre de la scène médiatique. Des actes qui, selon Moustache, n’ont rien à voir avec la religion. « Ces gens font des choses qui ne sont pas acceptables et font passer ça au nom de l’Islam. Rien ne peut justifier qu’on tue au nom de la religion », explique-t-il avec amertume.
Pendant la période du ramadan, les Musulmans doivent par ailleurs faire preuve d’exemplarité. Ce qui rend à ses yeux les actes meurtriers récemment opérés en Turquie encore plus choquants.
« Malgré la bonne ambiance du ramadan, il y a toujours cette amertume et ce regret, déplore Moustache qui redoute l’amalgame entre Islam et terrorisme : « Je veux dire aux gens qui ne sont pas musulmans, qui ne connaissent pas, qu’ils ne doivent pas avoir peur. Ces gens qui tuent ne représentent rien du tout pour les Musulmans. »
Julien Deschamps