FOCUS – Le Musée de la résistance et de la déportation de Grenoble propose jusqu’au 17 octobre 2017 l’exposition « Absences, Ausencias ». Un travail original du photographe Gustavo Germano autour des victimes des dictatures argentines et brésiliennes dans les années 60 et 70 qui ne peut laisser le visiteur insensible.
Photographier l’absence – les absences, ausencias en espagnol –, tel est le défi relevé par Gustavo Germano dans les années 2000. Un travail au cœur de l’exposition « Absences, Ausencias », présentée au Musée de la résistance et de la déportation de Grenoble jusqu’au 17 octobre 2017.
En l’occurrence, il s’agit de l’absence des victimes des dictatures militaires argentines et brésiliennes qui ont brutalement réprimé toute forme de « subversion politique » sur leur territoire. Avec, à la clé, des dizaines de milliers de disparus.
Une répression d’autant plus meurtrière qu’elle a bénéficié de l’aide de l’ensemble des dictatures militaires implantées sur le territoire sud-américain dans les années 70. C’est en 1975 que la fameuse Opération Condor unira ces régimes fascistes pour faciliter la traque des opposants sur tout le continent, et parfois même à l’extérieur de celui-ci.
Ce n’est pas la première fois que le Musée de la résistance se penche sur l’Histoire, trop méconnue, des dictatures d’Amérique latine. L’exposition Exiliados s’était ainsi penchée en 2013 sur les exilés chiliens fuyant l’arrivée au pouvoir de Pinochet, dont beaucoup trouvèrent asile dans le quartier de la Villeneuve de Grenoble. Ici, c’est dans le sillage des quarante ans de la prise de pouvoir de la junte militaire en Argentine, en 1976, que se situe cette nouvelle exposition.
La présence de l’absence
Le travail entrepris par le photographe barcelonais d’origine argentine Gustavo Germano se distingue par sa pertinence autant que par sa crudité. « Nous avons voulu présenter quelque chose d’extrême, de limite : la présence de l’absence », note-t-il. En se basant sur des photographies prises entre amis ou en famille dans les années 60 et 70, il recrée trente ou quarante ans plus tard le même plan, dans le même lieu, avec les mêmes personnes… et l’absence de celui ou celle qui n’a pas survécu à la dictature.
Une femme sans son mari, une sœur sans son frère, une femme sans ses père et mère… Le temps a effacé de l’image un proche, un ami, qui ne demeure plus que dans les souvenirs, et gravé sur une pellicule en noir et blanc. Qui n’a pas eu l’occasion de vieillir en même temps que les autres, de partager avec eux leur existence. Fauché par ce que le photographe nomme un « terrorisme d’État » dévorant les enfants de son propre pays. Et laissant tant de Mafalda orphelines.
« C’est la première fois que sont exposées ensemble les deux séries de photos, celles en Argentine et celles au Brésil. C’est très important pour nous, les familles de disparus argentines dans mon cas, de pouvoir faire le lien avec le cas d’autres disparus, notamment au Brésil, puisque le principe de disparition forcée était une phénomène qui s’est développé dans différents pays », tient à souligner Gustavo Germano.
Replacer les faits dans leur dimension historique
Il en va de même pour le catalogue de l’exposition proposé par le Musée, esthétiquement irréprochable et d’une grande richesse. Où l’on retrouvera le même caractère sensible et lourd de sens du travail du photographe.
Si le Musée de la résistance de Grenoble “délaisse” le principe de l’exposition thématique pour confier ses murs au travail unique d’un photographe professionnel, il n’en oublie pas pour autant de toujours contextualiser, replacer les faits dans leur dimension historique, à travers des textes explicatifs de qualité, judicieusement illustrés.
Des textes par ailleurs rédigés en français, en espagnol et en portugais. Un parti-pris logique pour une exposition évoquant l’Argentine et le Brésil, mais aussi une volonté affichée du musée, et du Conseil départemental dont il dépend, de favoriser ainsi les visites scolaires, à travers notamment les classes de langues des collèges.