FOCUS – Quatre habitats participatifs de l’Isère ont accueilli le public curieux, les 22 et 28 mai, lors des Journées portes ouvertes de l’habitat participatif organisées par l’association Les habiles. L’objectif ? Sensibiliser des citoyens à des formes alternatives d’habitat et de voisinage et partager l’expérience vécu. En quoi l’habitat participatif est-il différent de l’habitat « classique » ou de la vie en communauté ? Éléments de réponse avec Hélix, habitat groupé autogéré installé depuis trente-deux ans à Meylan.
Concevoir et gérer ensemble un habitat, mutualiser les coûts de construction et créer des espaces communs. Tel est le cœur d’un projet d’habitat participatif.
Un habitat où les relations vont bien au-delà du voisinage classique. Outre les lieux communs où se réunissent les habitants à l’occasion de fêtes et de moments conviviaux, les chambres d’amis, l’espace de bricolage ou bien encore la buanderie peuvent également faire l’objet de mutualisation.
Certains habitats groupés optent même pour des sessions collectives de nettoyage et de bricolage. Les habitants d’Hélix à Meylan essaient, par exemple, de se réunir une fois par mois pour des travaux communs. Ils ont par ailleurs décidé d’organiser une assemblée générale annuelle pour gérer des questions qui concernent tout le monde, comme les assurances ou encore le système de répartition des charges.
« L’habitat participatif est différent de la vie en communauté »
« Pour réussir un projet d’habitat participatif, il faut admettre qu’on n’est pas tous pareil, qu’on n’a pas envie de faire la même chose », confie Robert, un des habitants d’Hélix. « Il faut cependant vouloir faire des choses ensemble. » Son voisin Gilles le rejoint : « Si on fonctionne encore aujourd’hui, c’est parce qu’il y a une notion de collectif. »
Bien que le maître-mot soit « collectif », il ne s’agit pas pour autant de se diluer dans le groupe. « L’habitat participatif est différent de la vie en communauté », soulignent les habitants d’Hélix. Avant de rejoindre ce projet, certaines familles ont d’ailleurs vécu cette expérience qu’ils ne voulaient pas reproduire dans l’habitat partagé.
Ici, le but est de « faire l’architecture qui favorise la rencontre sans en faire le passage obligé ». Paul, habitant d’Hélix et architecte du projet, précise : « Créer l’habitat participatif c’est créer l’architecture qui va faciliter la relation de voisinage. »
HÉLIX : UN NOM TOUT TROUVÉ
Le nom « Hélix » n’est pas venu tout de suite. Cependant, ils reflète bien l’histoire du projet. « Hélix est le nom d’une race d’escargot. C’est une bête qui porte sa maison sur son dos », explique Paul, en ajoutant avec le sourire : « Hélix est également le nom grec de la spirale, figure qui fait tourner en rond tout en s’éloignant du point de départ. Cela correspond bien à notre projet, parce que pendant longtemps on a tourné en rond, mais petit à petit on a avancé ».
Pas un habitat comme les autres, mais un projet de vie
Les mots clés associés à l’habitat participatif ? « Écoute », « respect », « collectif » et « confiance ». Bien que l’habitat groupé permette de collectiviser, de mutualiser des coûts et d’avoir plus de services, tout n’est pas rose.
Pour Hélix, les difficultés ont commencé bien avant la pose de la première pierre. Un architecte extérieur a d’abord travaillé sur le projet, en concertation avec sept familles réunies autour de l’idée d’habitat groupé. Premier frein : le projet de construction est retoqué par la mairie, la hauteur des bâtiments étant jugée trop importante. Et ceci malgré de nombreuses concertations entre l’architecte et les futurs habitants et les avertissements de ces derniers en matière de précautions à prendre (y compris la hauteur des toits).
Suite à cela, le collectif a donc décidé de confier la suite de la réalisation du projet à Paul, l’une des personnes du groupe, elle-même architecte. Engagé dans le projet qui lui tenait à cœur, ce dernier a conçu, en concertation avec d’autres futurs habitants, un projet prenant en compte les goûts et les besoins de chacun.
Ainsi, les logements individuels ont-ils été personnalisés dès la construction. La preuve ? « Explique-moi donc pourquoi tu n’as pas pu faire des murs droits, comme tout le monde ! », s’est étonnée la mère de Robert, un des habitants, lorsqu’elle a visité la maison de son fils pour la première fois.
Il y a bien des frottements et des incompréhensions dans la vie de tous les jours, reconnaissent les habitants. Mais il faut apprendre à les gérer avec le respect. « Le conflit » a par exemple éclaté lorsqu’une famille a décidé de partir vivre ailleurs et donc de vendre sa maison, il y a dix-huit ans. Car bien que chacun soit propriétaire de son logement individuel, selon la charte de l’habitat participatif, on ne peut pas vendre son bien à une personne extérieure sans que sa candidature soit acceptée par le groupe.
« Quand quelqu’un entre dans le groupe, il faut qu’il y ait une appréciation réciproque, que la personne adhère au projet », expliquent les habitants d’Hélix. La famille sélectionnée pour rejoindre le projet il y a dix-huit ans adhérait au projet « de manière intellectuelle et non pas en terme de vécu ». Bien que les valeurs d’habitat groupé leur fussent proches, ils n’avaient pas contribué à construire le projet d’habitat participatif.
Avec trente-deux ans d’expérience de vie dans un habitat groupé auto-géré, comment résumer ce vécu ? « Plus j’avance en âge, plus je me félicite de ne pas avoir eu confiance dans les gens qui croyaient savoir mieux que moi ce qui est bon pour moi », confie Robert avec un sourire.
Yuliya Ruzhechka
UN QUARTIER CONSTRUIT DANS UN ESPRIT DE CONCERTATION
« L’idée d’Hélix est née d’un groupe de réflexion au sein du
mouvement La vie nouvelle, à la fin des années 1970 et au début des années 1980 », raconte Robert.
Le quartier Béalières de Meylan est le fruit des concertations et des réflexions sur l’habitat alternatif, la démocratie locale et le développement durable. En 1972, le préfet a créé ici une zone d’aménagement différée.
L’Atelier public d’urbanisme a ensuite contribué au développement du quartier, tout en gardant l’esprit des concertations citoyennes et des réflexions communes. Ceci a permis « d’installer des principes fondateurs, tels que la préservation des paysages, la diversité des formes d’habitation, la mixité sociale, la construction d’équipements publics et de commerces, de privilégier la place du piéton par rapport à l’automobile, etc. », précise le conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de l’Isère.
Aujourd’hui, Hélix est une copropriété de sept lots. Chacune possède un appartement individuel de 110 – 120 m² et a accès a tous les espaces mutualisés : salle commune, chambre d’amis, buanderie (seulement trois familles ont fait le choix de partager cet espace), cave et atelier.
À ses débuts, Hélix « était une famille avec vingt enfants au total. S’ils sont partis aujourd’hui pour faire leur vie, ils gardent tous un très bon souvenir de l’habitat participatif. »