REPORTAGE – Une quinzaine de militants issus de la Coordination des intermittents et précaires de l’Isère, de l’Union syndicale précaires solidaires, et de Nuit debout Grenoble ont mené une action surprise, ce lundi 30 mai. Objectif : mettre la pression sur la CFDT et le Medef, qui doivent se prononcer sur le nouvel accord concernant les droits de l’assurance-chômage des intermittents du spectacle et précaires. Quatre militants ont fini au commissariat…
Ce lundi 30 au matin, une quinzaine de militants issus de la Coordination des intermittents et précaires de l’Isère (CIP38), de l’Union syndicale Précaires solidaires et de Nuit debout Grenoble est bien décidée à mener deux actions revendicatrices et non-violentes. L’une se déroule à la CFDT, à la bourse du travail ; l’autre au Medef Isère.
Objectif de la manœuvre : mettre la pression sur ces deux syndicats, qui doivent se prononcer, ces jours-ci, sur le nouvel accord concernant les droits de l’assurance-chômage des intermittents du spectacle et précaires.
Or, la CFDT tout comme le Medef, sont en mesure d’opposer leur droit de véto et de faire capoter l’accord qui a pourtant fait consensus entre syndicats des employeurs et syndicats des salariés de la branche Spectacle, le 27 avril dernier. Un fait rarissime qui mérite d’être souligné. « Cet accord est historique », rappellent d’ailleurs à l’envi, les intermittents du spectacle et précaires. « Il présente des avancées et de meilleures garanties pour les chômeurs », considèrent-ils.
« C’est une vision de la société pour laquelle on se bat »
Une jeune femme, Cléo, se qualifiant de « travailleuse précaire dans le milieu du spectacle », rappelle un point dont « les médias ne parlent pas assez ».
« Nous ne défendons pas que nos intérêts ! C’est une vision de la société pour laquelle on se bat, un projet global qui consiste à protéger les personnes, dans un monde libéral soumis aux aléas du marché. »
Le contrat à durée indéterminée étant en voie de raréfaction, le travail tend en effet à devenir de plus en plus intermittent pour un nombre toujours plus grand de salariés. Aussi, cela ne fait pas l’ombre d’un doute, tant pour les militants du CIP 38 que pour l’Union syndicale des précaires solidaires : « Cet accord peut ouvrir la voie à une meilleure protection des précaires de toutes les branches d’activité », plaident-ils.
La mascotte du jour : un gros crayon
Le happening commence dans les locaux de la CFDT. Lucien, militant du CIP 38 est chargé du grand stylo plume : la mascotte du jour. Ce crayon doit symboliquement permettre à un responsable de la CFDT Isère de signer un courrier (préparé par le CIP 38) demandant à la « commission exécutive ainsi qu’au Bureau de la CFDT » de signer les nouveaux droits à l’assurance-chômage des intermittents et précaires du spectacle.
Ce n’est pas gagné… car le responsable en question n’est pas dans les locaux, mais à Lyon. Et il s’avère bien difficile de le joindre au téléphone.
Les militants décident alors de squatter, le temps qu’il faudra, une salle où des délégués CFDTistes d’établissements du secteur santé et social sont en formation toute la journée. A défaut d’avoir le responsable départemental au téléphone, Guillaume Paul, militant du CIP38 et meneur de l’action, contacte par téléphone Francis Gomez, l’un des administratifs de l’Union départementale 38 de la CFDT.
La communication du portable mis sur haut parleur est audible par tous. Rapidement, Francis Gomez intime l’ordre aux militants de sortir de la salle de formation… « Non !, lui rétorque Guillaume Paul. C’est le principe même d’un mouvement social ! Nous ne partirons pas tant que nous n’aurons pas eu au téléphone ou vu le responsable ! »
« La numéro 2 de la CFDT ne peut pas supporter les intermittents ! »
Toujours pas de Lionel Picollet à l’horizon. En l’absence du secrétaire général de l’Union départementale de la CFDT, les militants doivent se contenter d’un dernier entretien téléphonique avec… un ancien responsable de la fédération CFDT de la communication, du conseil et de la culture. Quel poste occupe-t-il aujourd’hui ? La liaison téléphonique est assez mauvaise et on ne comprend pas très bien. En revanche, à la surprise générale, ce militant affirme que – selon ses informations – la CFDT devrait accepter l’accord.
« Pouvez-vous nous confirmer cette information à 100 %, afin que nous puissions la transmettre à l’ensemble des CIP en France ? », tente Guillaume Paul. Le CDFTiste n’ira pas jusque-là.
Côté militants, on préfère donc rester prudents : « Nous avons trop souvent été déçus pour y croire tout à fait. La numéro 2 de la CFDT ne peut pas supporter les intermittents. Selon elle, il faudrait que nous sortions de Pôle emploi et que notre assurance-chômage soit prise en charge par le ministère de la Culture ! Mais on est des salariés comme les autres ! », s’agace le militant caméraman.
« Un contrôle des papiers d’identité au nom de l’état d’urgence »
Une fois l’action à la CFDT terminée, les militants quittent la bourse du travail et se rendent vers leur deuxième destination du jour : le Medef, 66 boulevard Maréchal-Foch. Moins chanceux cette fois, ils trouvent porte close. Ils ont beau tambouriner à la porte, aucun interlocuteur ne daigne leur ouvrir pour échanger avec eux. De guerre lasse, la bande de militants pacifistes décident de s’accorder une pause et de partir “débriefer” dans un kebab tout proche.
« Quatre cars de policiers sont alors arrivés dans la rue, témoigne Nathalie, l’une des militantes du CIP 38. Des policiers sont entrés dans le kebab. Ils ont procédé à un contrôle des papiers d’identité, au nom de l’état d’urgence ! »
Et d’accuser le Medef d’avoir prévenu la police. Quatre militants, qui n’avaient pas leurs papiers d’identité sur eux, ont été emmenés au commissariat. « C’est vrai qu’on était super dangereux avec notre crayon ! », ironise Nathalie. Bien qu’elle n’ait vraiment pas le cœur à rire…
Séverine Cattiaux