TROIS QUESTIONS À – Le 9 janvier dernier, un éboulement au mont Granier (1 933 m), dans le massif de la Chartreuse, emportait plus 100 000 m³ de roches. Rebelote le 29 avril puis ce samedi 7 mai, où 30 000 m³ ont dévalé la montagne… Si l’érosion naturelle des Alpes explique en grande partie une telle instabilité, les chercheurs s’interrogent sur cette succession d’événements impossible à corréler à des circonstances météorologiques exceptionnelles. Explications de David Amitrano, chercheur à l’IS Terre-Université Grenoble-Alpes.
Le 9 janvier 2016, le pilier nord-ouest du mont Granier s’éboulait, charriant avec lui plus de 100 000 m³ de roches. Le 7 mai, c’était au tour du versant est… Quelles en sont les causes ?
Nouvel éboulement au mont Granier, le 7 mai 2016 : l’érosion et seulement l’érosion ? © David Amitrano/IS Terre-UGA
Il s’agit d’érosion au sens large. Nous sommes dans un relief actif, avec des rivières qui creusent les vallées et des montagnes qui montent. L’érosion permet de compenser ce différentiel, en enlevant de la matière.
Il n’y a rien d’exceptionnel. On observe des éboulements de plus de 10 m³ tous les trois jours sur la falaise du Saint-Eynard. Et, dans le cas du Granier, il s’agit d’un secteur assez fracturé, prédisposé aux éboulements.
Mais il y a d’autres paramètres qui se rajoutent. On parle de fatigue du matériau. Les montagnes s’effondrent sous leur propre poids, à cause des fractures qui se propagent dans la roche. D’autres phénomènes peuvent être des facteurs aggravants, comme les fortes pluies qui mettent les fractures sous pression et les écartent. Le gel en surface aussi, qui va bloquer les issues de l’eau…
Mais ce sont des manifestations très générales. Le Granier n’a pas connu, ces derniers mois, de périodes très froides, ni très pluvieuses. S’il y avait vraiment eu des facteurs aggravants, on aurait eu des répercussions sur la Dent de Crolles. Or, il ne s’est rien passé à la Dent de Crolles…
Film granier ISterre de David Amitrano.
C’est un phénomène complexe et très hétérogène. On sait que le mont Granier est plus fracturé. En revanche, difficile d’expliquer pourquoi. Et pourquoi plus que les autres. En janvier, l’éboulement s’est produit côté ouest, en mai, côté est. Et on a du mal à relier les deux…
On n’a pour l’instant pas de réponses, et c’est d’ailleurs l’objet de nos recherches à l’IS Terre, en lien avec les chercheurs du laboratoire Edytem (université de Savoie).
La hausse des températures, notamment l’été, a‑t-elle un impact ?
Pour les falaises de haute altitude, la hausse des températures a un impact très clair, en faisant fondre la glace qui maintient la roche. Mais le Granier culmine à quelque 1 900 mètres d’altitude. Il n’y a pas à proprement parler de périodes de gel et elles ont été moins intenses cette année.
Les éboulements sont des phénomènes naturels que l’on connaît depuis longtemps déjà. Autour de Grenoble, en 2011, un éboulement du Néron menaçait des maisons. On a dû dynamiter des blocs mais on était sur des volumes de 3000 à 4 000 m³. Au Granier, on n’est plus du tout sur le même ordre de grandeur. Sur de tels volumes, on ne peut rien faire. Il faut juste ne pas être au mauvais moment au mauvais endroit !
Peut-on prévoir ces phénomènes via notamment les enregistrements sismiques ?
On ne peut pas à proprement parler de prévention, même si l’on a constaté samedi dernier [le 7 mai, ndlr] que six éboulements avaient précédé l’éboulement majeur. On n’était toutefois pas en mesure d’imaginer sa taille.
Et pour ce qui de l’éboulement de janvier, il était absolument imprévisible. Prévoir le lieu, la date et l’heure, on en est loin !
Propos recueillis par Patricia Cerinsek