FOCUS – En septembre 2015, le lauréat de la catégorie « Gros projet » du premier budget participatif de la ville de Grenoble se voyait octroyer la somme de 250.000 euros en vue de financer une grande aire de jeux sur la place Saint-Bruno. Alors que la deuxième édition du budget participatif s’achève, qu’en est-il de l’avancement de ce projet qui vise à changer tant les usages que l’image de la place ?
« Les habitants et usagers de Grenoble ont jusqu’au 5 mai prochain pour déposer une idée de projet », rappelle Pascal Clouaire, adjoint à la Démocratie locale de la ville de Grenoble. La période de dépôt des dossiers pour cette deuxième édition du budget participatif est ainsi sur le point de s’achever… Et l’on se demande bien, pendant ce temps, ce que deviennent les neuf projets lauréats du premier budget participatif voté en septembre dernier. Qui s’est partagé les 800.000 euros de dotation globale ?
Quid notamment du lauréat de la catégorie « Gros projet », intitulé « Améliorer le square de la place Saint-Bruno » ? Ce dernier est le mieux loti de tous, avec une somme de 250.000 euros. Joëlle Boenigen, porte-parole du collectif Saint-Bruno Citoyen, est l’une des instigatrices du projet retenu. « Notre réflexion avance ! », assure-t-elle, avant d’en dévoiler un peu plus : « Il s’agira d’une grande aire de jeux, dans l’esprit de celle de l’écoquartier de Bonne, pour les enfants de 4 à 12 ans. Elle viendra compléter l’offre de jeux existante qui s’adresse aux plus petits. »
Autre élément du projet également confirmé : cette nouvelle aire viendra bien s’installer sur l’espace de pelouse inutilisée, au centre de la place Saint-Bruno.
Inutilisée… en tout cas par les enfants. Car bon nombre de propriétaires de chiens trouvent l’endroit bien pratique pour laisser leur animal faire leurs besoins. « C’était vraiment dommage de laisser les choses en l’état et de ne pas exploiter cet espace », commente Joëlle Boenigen.
Pour le reste – détails du contenu du projet, mise en œuvre… –, le mode opératoire se définit au sein d’un groupe de travail réunissant techniciens de la Ville, élus, collectif et Union de quartier Berriat – Saint-Bruno.
Un jeu pour enfants « innovant » et sur mesure…
« On a affaire à des techniciens qui ont des idées », se réjouit Joëlle Boenigen en évoquant la façon dont se tiennent les ateliers de travail mis en place par la Ville. Quant au Collectif, il a tenu bon sur son souhait de construire « un projet innovant, autrement dit un jeu sur mesure et non pas issu d’un catalogue ». La Ville va ainsi faire appel à un concepteur de jeux pour aider le groupe de travail à mettre au point un cahier des charges.
Les ateliers ont par ailleurs permis de préciser la façon d’impliquer les riverains, via un petit questionnaire et un concours de dessins qui a associé habitants et enfants, du 11 au 23 avril dernier.
Les réponses, sur les types de jeux et la thématique souhaitée, vont alimenter la définition de l’aire de jeux. « Nous espérons passer l’appel d’offres avant l’été », lance Joëlle Boenigen.
Autre participant au groupe de travail : l’Union de quartier Saint-Bruno. « Globalement, le travail mené dans ces ateliers est positif, affirme son président, Bruno de Lescure. Certes, cela va coûter un peu d’argent de faire appel à un concepteur de jeux… Ce sera bien de consulter à nouveau la population quand les trois propositions seront connues [après l’appel d’offres, ndlr]. »
Pascal Clouaire se montre, pour sa part, particulièrement enthousiaste au vu des premières avancées : « Ce projet est exemplaire, il dénote d’une vraie démarche de la part d’habitants qui ont envie de s’approprier l’espace public. La Ville fait le chèque et donne du pouvoir pour agir […] C’est une innovation en terme de fonctionnement démocratique. Les citoyens peuvent transformer la ville. »
Objectif : changer l’image de la place Saint-Bruno
Au-delà de l’envie d’installer une aire de jeux pour les plus grands, l’idée du collectif Saint-Bruno Citoyen est de se réapproprier la place. « Nous voulons changer l’image de la place, y apporter plus de vie, en dehors du marché », confie Joëlle Boenigen.
Pascal Clouaire et Sonia Yassia, élue du secteur, renchérissent : « Une nouvelle dynamique va être lancée par ailleurs. Il y a de nouveaux usages à trouver. La venue d’un ring de boxe avait été une bonne idée… Nous allons organiser des cycles d’animation avec les commerçants. La gestion urbaine de proximité sera également renforcée. »
Si moult efforts sont entrepris par la Ville, c’est bien parce que le square, et plus largement la place Saint-Bruno, pâtissent aujourd’hui d’une mauvaise image.
En cause, la baisse de la qualité du marché Saint-Bruno, un manque de propositions d’embellissement, des difficultés de circulation, un sentiment d’insécurité et même un risque réel pour la sécurité des personnes, comme l’attestent des faits graves, relativement récents.
« Attention à ne pas boboïser le quartier ! »
Certes, les élus – et encore moins le collectif d’habitants qui propose l’aménagement de nouveaux jeux d’enfants – ne peuvent résoudre, seuls, ces problèmes tous imbriqués.
« Il est sûr que les problèmes sociaux ou économiques ne se règlent pas avec un projet d’aménagement, admet Bruno de Lescure. Cependant, il ne faut pas non plus avoir une vision catastrophique de ce square, ni de la place Saint-Bruno, qui n’est pas Chicago… Quoi qu’on en dise, ce square n’est pas déserté et plutôt bien utilisé par les gens dans la journée, même en dehors du marché. »
L’Union de quartier Berriat – Saint-Bruno réclame en revanche une étude approfondie sur tous les usages de la place, condition sine qua non de la mise sur pied d’un programme d’aménagement cohérent à moyen et long terme pour ce secteur. « Mais sans tout bouleverser. Attention à ne pas boboïser le quartier ! », prévient le président de l’union de quartier. Un courrier a été adressé en ce sens à la Ville le 17 mars dernier. Il demeure pour l’heure sans réponse.
Séverine Cattiaux