REPORTAGE PHOTO. La manifestation du 31 mars a sans aucun doute rassemblé le plus grand nombre de personnes depuis le début de la mobilisation citoyenne nationale contre le projet de loi El Khomri. Une manifestation en particulier marquée par de nombreuses confrontations entre la police et les manifestants, jusque tard dans la soirée, suite à l’annulation de la projection du film Merci Patron ! à l’anneau de vitesse.
Ce n’est qu’une fois arrivé parc Paul Mistral, point de ralliement de la manifestation, que la fumée des grillades a remplacé celle des pétards, fumigènes et lacrymogène. Le tout dans une ambiance calme et solidaire : une assemblée générale étudiante d’un côté, des jongleurs de l’autre.
Un peu plus loin, un groupe d’étudiants en géographie installe un « arbre porteur de paroles » et se prépare à animer un atelier de seed bombes, plantation de bulles d’argile avec des semences à l’intérieur.
Une installation qui ressemble plus à une festivité organisée par la Ville qu’à une manifestation de « On en a marre ! », slogan régulièrement repris depuis la première manifestation contre la loi El Khomri.
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« Au moins 200 CRS »
Vers 19 heures, la nuit tombe et, comme dans le conte de Cendrillon, le rassemblement se transforme… Et pour cause : la projection du film Merci Patron ! a été annulée par la Ville pour raison de sécurité, et les manifestants restés parc Paul Mistral chassés avec des grenades lacrymogènes. « Il y avait au moins 200 CRS. Ils ont gazé les manifestants qui se sont dispersés par la suite », témoigne Pascal, présent sur place.
La police ayant bloqué l’accès à l’anneau de vitesse, les manifestants dispersés décident de partir en cortège improvisé. « Ils ne nous ont pas laissé rester et occuper le parc pour faire la projection tranquillement. On va donc occuper la rue maintenant », explique Thomas, qui avoue que le plan d’action s’improvise au fur et à mesure de l’avancement du cortège. Les groupes de manifestants se dispersent alors dans la ville. Plusieurs confrontations avec la police auront lieu dans la soirée.
Environ 300 personnes rejoignent d’abord l’avenue Alsace-Lorraine, puis le cours Berriat. Vers 21 heures, à Chavant, le groupe décide d’avancer vers l’hôtel de police. « Libérez nos camarades ! », réclament-ils, car une dizaine des personnes arrêtées à l’anneau de vitesse sont alors en garde à vue.
L’hôtel de police étant protégé par un barrage des forces de l’ordre, plusieurs grenades lacrymogènes sont lancées pour empêcher les manifestants d’avancer. Quelques-uns ripostent avec des bouteilles en verre, avant de se disperser, la fumée piquante des gaz lacrymogènes faisant son effet.
« On voulait juste regarder un film ! Et puis la police a commencé à charger même des personnes assises par terre, vraiment au hasard. » Les personnes devant l’hôtel de police échangent leur perception de cette journée riche en émotions et en projectiles. Certaines s’inquiètent du sort de leurs camarades et essayent de les joindre sans succès en appelant les hôpitaux et le commissariat. Aucune information ne filtrera, tant sur le nombre des manifestants blessés que sur celui des personnes qui passeront la nuit en garde à vue.
Un des manifestants présent du côté de la CGT a été également arrêté. Après une heure d’entretien avec lui, son avocat confirme que son client passera la nuit au commissariat, avec une audition prévue le lendemain matin : « Il ne comprend vraiment pas pourquoi il s’est fait arrêter. »
« Des arrestations musclées », selon la sénatrice Annie David
Sur place, Annie David, sénatrice de l’Isère membre du groupe Communiste républicain, citoyen (CRC) qui a participé à la manifestation le matin même, a fait le déplacement. Partie du parc Mistral après les prises de parole, elle a reçu quelques heures après un appel des syndicalistes lui rapportant des « arrestations musclées » à l’anneau de vitesse.
En tant que sénatrice parlementaire, elle peut en effet entrer dans tous les lieux de privation de liberté, comme par exemple une cellule de commissariat. « Il y a eu des arrestations musclées et des jeunes gens mis en garde à vue. C’est pour cela que je suis venue voir ce qui s’était passé ce soir. »
« J’ai pu rencontrer tous les jeunes qui ont été arrêtés, même si je peux juste les voir, leur dire “bonjour” et leur demander si ça va. » De quoi rassurer leurs camarades qui les attendaient dehors, sans nouvelles. Aucune des personnes arrêtées rencontrées par la sénatrice n’a été blessée.
Cette dernière a son avis sur le déroulement des événements. « La manifestation, quand elle est arrivée à l’hôtel de police, n’était pas violente. Ce sont les forces de l’ordre qui ont lancé des projectiles avec des gaz irrespirables et ont couru après des personnes qui se sont dispersées. »
Annie David ne cache ainsi pas son étonnement : « J’ai dit au patron de l’hôtel de police que ce n’était pas comme ça qu’on pouvait calmer la manifestation et que si on voulait que les choses dégénèrent, on faisait comme ça. »
Vers 22 h 30, manifestants et forces de l’ordre se perdent de vue. Seule une vingtaine de personnes resteront sur les marches de l’hôtel de police.
Yuliya Ruzhechka
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Suite aux « violences policières et à la répression massive déployée hier par la préfecture contre l’initiative de la nuit debout et la projection du film merci patron », Solidaires Isère propose un rassemblement ce vendredi 1er avril, à 18 heures place de la préfecture.
De nouveaux rassemblements citoyens sont par ailleurs prévus les 5 et 9 avril prochains.