FOCUS – Trois mois après les émeutes d’octobre 2015, quinze suspects, sur les dix-sept recherchés, ont été interpellés à l’aube, ce lundi 18 janvier à Moirans. Un vaste coup de filet mené par près de 300 gendarmes qui visait notamment le campement de gens du voyages situé près de la gare. L’occasion pour Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, d’annoncer un certain nombre de mesures en Isère et à Grenoble.
« Quiconque ose défier l’autorité de l’État, quiconque conteste le droit des Français à vivre en sécurité doit s’attendre à être poursuivi et interpellé afin d’être traduit devant la justice et être puni pour les actes qu’il a commis. » Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, a joué la carte de la fermeté, ce lundi 18 janvier dans les salons de la préfecture de l’Isère, en préliminaire de son discours.
Le ministre avait tout spécialement fait le déplacement à Moirans, puis à Grenoble, suite au coup de filet qui s’est déroulé à l’aube dans la commune iséroise, ce lundi 18 janvier. L’occasion pour ce dernier de revenir sur les accusations de laxisme et les vives critiques qu’il avait essuyées au lendemain des événements.
Des scènes d’émeute avaient en effet secoué les abords de la gare de Moirans le 20 octobre 2015. Des membres de la communauté des gens du voyage exigeaient alors la libération de prison d’un des leurs afin qu’il puisse assister aux obsèques de son frère.
Restaurant mis à sac, pneus et véhicules incendiés, trafics routier et SNCF bloqués, dégâts et dégradations divers, forces de l’ordre agressées…
Une violence extrême qui avait alors très fortement choqué les riverains et, au-delà, les habitants de la ville, dont son maire, Gérard Simonet. Beaucoup avaient critiqué les autorités, leur reprochant d’avoir préféré privilégier le retour au calme plutôt que de procéder immédiatement à des arrestations.
Quinze suspects interpellés
Au moment des événements, faisant face aux critiques, le gouvernement avait vivement réagi en affirmant qu’il refuserait toute complaisance. Il entendait ainsi le démontrer près de trois mois plus tard, à travers une opération de grande envergure, suite à la progression de l’enquête.
Ce lundi 18 janvier, dès potron-minet, une descente de police visant principalement des gens du voyage du campement situé en contrebas de la gare de Moirans a ainsi été menée par un escadron du Groupement de gendarmerie départemental piloté par la Section de recherche de Grenoble.
Les policiers agissaient dans le cadre d’une information judiciaire contre X ouverte le 12 novembre 2015 par le parquet de Grenoble. Au final, quinze suspects – sur les vingt personnes recherchées – ont été interpellés. Certains ne feraient pas partie de la communauté des gens du voyage.
Selon Jean-Yves Coquillat, le procureur de la République, qui s’est exprimé lors d’un point presse à la caserne de gendarmerie Offner à Grenoble, « les principaux suspects ont été arrêtés et certains objets intéressant l’enquête ont été saisis ».
Des gardes à vue ont été prononcées et les auditions sont en cours. Pour les enquêteurs, il s’agit désormais d’établir les responsabilités des uns et des autres et de les déférer, le cas échéant, devant la justice.
« L’état de droit, ce n’est ni le vacarme ni les déclarations à l’emporte-pièces »
L’occasion pour Bernard Cazeneuve de prendre une petite revanche en invoquant la fermeté républicaine. « À celles et ceux qui, dès le lendemain de ces événements intolérables, ont dénoncé dans l’emballement et la précipitation la prétendue passivité de l’État, je veux dire que l’État a répondu sans faiblesse », a déclaré le ministre de l’Intérieur.
Et de poursuivre. « À ceux qui se permettent de mettre en cause les forces de l’ordre au motif que les enquêtes ne progresseraient pas assez vite et réclament des interpellations hasardeuses […] je veux rappeler que l’état de droit ce n’est ni le vacarme ni les déclarations à l’emporte-pièces […] et que seule l’application stricte et confiante de la loi et des moyens de contrainte qu’elle confère doit nous servir de boussole ».
« C’est une belle journée pour l’ordre républicain ! », s’enflamme dans un communiqué Jean-Pierre Barbier, le président du département de l’Isère.
« Ce lundi, en Isère, l’État a répondu à l’exigence de fermeté face à celles et ceux qui portent atteinte à l’ordre public. »
Plus de moyens pour la sécurité des Français
Pour asseoir et consolider cette exigence de fermeté de l’État, Bernard Cazeneuve en convient, les bonnes intentions ne suffisent pas, il faut aussi des moyens. « C’est la raison pour laquelle nous avons consenti depuis 2012 un effort sans précédent dans les recrutements au sein de la police et de la gendarmerie, avec 500 emplois créés par an dans ces deux forces », explique-t-il. Plus de 1.400 créations nettes d’emplois consacrés à la lutte anti-terrorisme ont ainsi été décidées par le Premier ministre en janvier 2015.
Ajoutez à cela 900 autres emplois au titre du plan de lutte contre l’immigration clandestine en septembre dernier et enfin 5.000 emplois au titre du pacte de sécurité annoncé par le président de la République devant le congrès, à Versailles, en novembre.
« Alors que les forces de police avaient perdu plus de 13.000 emplois, nous en aurons créé plus de 9.000 d’ici à la fin du quinquennat », s’est félicité Bernard Cazeneuve.
De fait, plus de 4.600 élèves gardiens de la paix sortiront chaque année des écoles, en 2016 et en 2017. « Ils étaient 488 en 2012 », relève le ministre. Pour la gendarmerie, les écoles permettront de renforcer les unités de 3.970 sous-officiers en 2016 et de 3.560 en 2017.
Renforcement des effectifs policiers en Isère
Quid de la politique d’affectation de ces nouvelles ressources humaines ? Le ministre l’assure, il sera tenu compte des spécificités propres à chaque territoire. « En raison des événements récents et en présence d’une délinquance liée au trafic de drogue qui s’enkyste dans certaines zones urbaines du département et, en particulier, dans l’agglomération grenobloise, il était indispensable que ce territoire puisse bénéficier rapidement de cet effort en création d’effectifs supplémentaires », annonce “le premier flic de France”.
À l’échelon de l’Isère, 74 gendarmes viendront renforcer les unités de gendarmerie implantées dans le département, notamment à Grenoble et à Pontcharra.
« Selon la même logique de montée en puissance et de répartition stratégique des forces de sécurité, je porterai spécifiquement nos efforts sur Grenoble et son agglomération dans le contexte difficile auquel elles doivent faire face », promet Bernard Cazeneuve qui « estime juste qu’on puisse leur donner, enfin, les moyens de travailler ».
Grenoble : une exception nationale en matière d’infractions
Dans la ligne de mire du ministre, les quartiers de la Villeneuve, de Mistral et de Teisseire, « où sévissent des problèmes endémiques de sécurité […] de luttes pour les territoires de vente, entraînant de nombreux règlements de comptes ». Bernard Cazeneuve en veut pour preuve les chiffres de l’année 2015 où le nombre d’infractions sur la voie publique commises à Grenoble a été plus important que dans la plupart des bassins démographiques équivalents. Soit 17.113 infractions constatées contre 11.350 en moyenne ailleurs.
Selon le ministre de l’Intérieur, la situation constatée dans l’agglomération grenobloise, en décalage avec la situation nationale, « constitue le marqueur d’une spécificité qui appelle une réponse déterminée et adaptée ».
Un constat qui a décidé Bernard Cazeneuve à passer à la vitesse supérieure. C’est ainsi qu’après la mise en place de la zone de sécurité prioritaire (ZSP) en 2013, sera déclinée à Grenoble « la méthode de l’approche globale » déjà mise en œuvre avec un certain succès à Marseille notamment.
Quarante policiers supplémentaires sur la circonscription de Grenoble
C’est donc trente policiers supplémentaires qui renforceront cette année les effectifs des forces de police dans la circonscription de Grenoble. Douze policiers seront affectés à la brigade spécialisée de terrain (BST), ce qui portera désormais à quatre le nombre d’unités d’intervention et permettra ainsi d’assurer une capacité d’action sur l’ensemble de la ZSP. Et en particulier sur le quartier Mistral.
Huit autres policiers rejoindront les brigades anti-criminalité (Bac) de jour et de nuit afin de densifier leur présence sur le terrain et de perturber la mise en place de points de vente de drogue dans les quartiers sensibles.
Ces mêmes brigades bénéficieront dans un même temps d’un accroissement très significatif de leurs équipements, à en croire le ministre. À ces nouveaux effectifs viendront s’ajouter cinq policiers supplémentaires au sein de la compagnie départementale d’intervention et cinq autres qui intègreront les équipes de la Sûreté départementale pour renforcer les services d’investigations. Soit au total quarante policiers de plus sur le bassin grenoblois.
Joël Kermabon
À lire aussi sur Place Gre’net :
Émeutes de Moirans : « Il y a eu un avant, il y aura un après »