ENTRETIEN – Le collectif Tricycle, gestionnaire du Théâtre 145 et du Théâtre de poche, s’est récemment ému de l’intention de la municipalité grenobloise de reprendre en régie directe les deux salles dès septembre 2016*. Une annonce qui ne fait que renforcer l’inquiétude des acteurs grenoblois quant au projet culturel de la Ville. Corinne Bernard, l’adjointe à la culture, tente de déminer le terrain.
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Corinne Bernard, 45 ans, est adjointe aux cultures au sein du groupe Rassemblement citoyen, de la gauche et des écologistes, une des composantes de la coalition de gauche constituée autour d’Éric Piolle, le maire de Grenoble. Ce n’est d’ailleurs pas son seul mandat, puisqu’elle est entrée en politique en 2010 comme conseillère régionale du groupe Europe écologie – Les Verts (EELV). Une institution où elle occupe, entre autres, le poste de vice-présidente de la commission culture.
Mandats auxquels il faut aussi ajouter celui de conseillère communautaire à Grenoble-Alpes Métropole. Toujours chef de gare à Clelles mais en congé sans solde pour assumer ses différentes fonctions, l’élue, fortement investie dans le projet culturel grenoblois, s’est rapidement trouvée confrontée à la résolution de la quadrature du cercle budgétaire. La baisse des dotations de l’État a en effet réduit sa marge de manœuvre et, notamment, les subventions accordées aux acteurs culturels.
Depuis, contre vents et marées, Corinne Bernard tente d’imprimer sa marque et ses convictions face à un secteur culturel quelque peu circonspect sur les politiques engagées et bien décidé à ne pas lui faire de cadeaux.
Place Gre’net : Pourquoi avoir décidé de reprendre le Théâtre 145 et le Théâtre de poche en régie directe ?
Corinne Bernard : Nous avons un projet ambitieux pour la culture à Grenoble et, en particulier, pour le théâtre. Notre projet pour le théâtre municipal de Grenoble est de mieux l’utiliser pour la pratique et la création et de le rendre accessible tant aux scènes locales que nationales. Nous avons trouvé normal d’appliquer ce principe sur d’autres lieux. Dans un cadre budgétaire contraint, nous avons dit au collectif que nous lui réitérions notre confiance mais qu’à l’issue de cette année de programmation nous reprendrions en gestion directe les deux théâtres pour être en lien avec le théâtre municipal.
Que ce soit clair, nous ne fermerons pas de salles en 2016. Mais les contraintes budgétaires sont si fortes que, pour ne pas les fermer, nous préférons les reprendre en régie directe. Le projet du collectif est bon mais il est coûteux.
Le but de la politique culturelle municipale est de fédérer et de faire confiance. À cet effet, dès le budget 2016, nous allons mettre en place un fond d’aide à la création.
Pour le gérer, ce ne seront pas les politiques qui seront autour de la table – lesquels n’ont pas vocation à choisir l’artistique, comme je l’ai souvent dit et répété – mais notamment tous les programmateurs, les gens du théâtre municipal, de la Direction des affaires culturelles, du conservatoire…
D’autres y prendront également place, comme la directrice de l’Espace 600, la MC2, le théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas… L’objectif ? Avoir plus de visibilité et voir ensemble ce qui va se passer au Théâtre de Poche, au 145 et au théâtre municipal.
Le collectif Tricycle évoque, dans un communiqué publié sur son site le 9 octobre dernier, « une décision unilatérale prise sans que [le collectif ait] pu construire avec la Ville le minimum de dialogue propice au devenir de ce qui a été mis en place ». Qu’en est-il ?
C’est un peu dur de leur part de dire ça. Mais c’est une situation tellement dure à vivre pour eux que je peux comprendre. Dire que c’est unilatéral… oui et non ! Je les ai rencontrés plusieurs fois, dans mon bureau et sur le site quand je l’ai visité. Il y a une dizaine de jours, je les ai à nouveau reçus pour leur faire connaître notre décision. De plus, ils ont été en lien fréquent avec la Direction des affaires culturelles pour travailler sur le volet technique.
Leur bilan est bon, je le répète, mais on ne peut pas continuer. On peut et on veut poursuivre avec les artistes. On a ainsi tendu la main aux compagnies qui constituent le Tricycle pour qu’elles nous accompagnent sur le fond d’aide à la création. Aujourd’hui, ils ne sont pas unanimes et je dirais qu’à situation exceptionnelle, réactions exceptionnelles.
Vous auriez évoqué des problèmes de fonctionnement. Pouvez-vous préciser ?
On peut me faire dire plein de choses, ils en disent d’autres… Le sujet est que les salles sont publiques et doivent le rester. Maintenant, sur le fonctionnement, c’est un collectif qui travaille énormément avec la ville de Grenoble. Nous sommes la tutelle la plus importante du projet qu’il porte. En plus de la subvention de la Ville et de la mise à disposition gracieuse des locaux municipaux, la municipalité a mis trois de ses agents à leur disposition.
A mon sens, ce qui aurait dû être plus efficient, c’est le lien avec le théâtre municipal et, ça, on peut dire que c’est un problème de fonctionnement.
D’autre part et pour être plus précise, je ne crois pas au bénévolat [le collectif est composé d’artistes bénévoles, ndlr]. On ne peut pas, d’un côté, défendre le régime des intermittents du spectacle et, d’un autre, favoriser le bénévolat. Ce qui était un peu compliqué aussi c’est l’insuffisance des aides qu’ils attribuaient aux compagnies. Du coup, elles revenaient vers la Ville pour obtenir le complément. Mais je n’ai pas envie de regarder en arrière. Allons de l’avant et soyons ambitieux ! Avec eux je l’espère. Et c’est bien du théâtre qu’il y aura dans ces lieux-là.
Dans un autre communiqué, le Syndicat national des arts vivants (Synavi) monte au créneau. « Ce qui arrive au Tricycle est significatif d’une dérive politique au nom du “populaire”. Cela n’est pas admissible d’une municipalité qui défend la transparence et le débat public », lance le syndicat…
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