REPORTAGE VIDÉO – Depuis une semaine et jusqu’au 12 juillet, les 27e Rencontres du jeune théâtre européen se déroulent à Grenoble. Un événement organisé par le Centre de création de recherche et des cultures (Créarc) qui s’ouvre, au-delà de l’Europe, au reste du monde. Ces rencontres sont ponctuées de représentations théâtrales mais aussi de cafés-débats et d’ateliers, au cours desquels tous ces jeunes comédiens sont invités à « inventer la liberté ».
Peut-être les avez-vous rencontrés ces derniers jours au détour d’une rue du centre-ville, souvent en groupe, badge autour du cou et tee-shirts rouges estampillés aux couleurs de l’événement.
Ils sont grecs, belges, québecois, anglais, slovènes, allemands, italiens, espagnols, roumains, français, algériens ou encore – une première – vietnamiens. Ce sont les jeunes comédiens des nombreuses compagnies participant aux seize spectacles gratuits programmés dans le cadre des 27e rencontres du jeune théâtre européen.
« La première des choses que l’on pourra dire sur cette édition 2015, c’est qu’elle restera dans les records de température ! » Pour Romano Garnier, directeur du Créarc, ce n’est qu’une demi-plaisanterie. S’il est vrai que la température dans les salles de spectacle a parfois atteint des sommets du fait de la canicule, l’ambiance et la chaleur des échanges entre jeunes comédiens n’ont pas contribué à la faire baisser. Car échanges et dialogue sont bien les maîtres-mots de ces rencontres, à ne surtout pas confondre avec un festival, soulignent les organisateurs.
En forme de premier bilan, voici une visite guidée commentée par Romano Garnier, à la découverte des multiples facettes de ces 27e Rencontres.
Réalisation Joël Kermabon
Quid de la barrière de la langue ?
Évoquant les spectacles en salle présentés par les différentes troupes, le directeur du Créarc ne cache pas son étonnement. « Nous avons pu voir une diversité de choses assez incroyables ! Avec, notamment, des formes très chorégraphiques, des musiciens sur scène, du jeu d’acteur, quelque chose d’extrêmement riche ! » Et de poursuivre : « Une diversité qui s’est exprimée aussi avec des pièces plus contrastées, dépouillées, sans décors, sans costumes, avec simplement le cœur comme base de travail scénographique ».
Autre particularité de ces rencontres : la diversité des cultures et donc des langues. Toutes les pièces sont jouées dans la langue des pays dont sont originaires les comédiens. Une barrière qui pourrait, de prime abord, apparaître comme une difficulté et rebuter le spectateur. Mais il n’en est rien.
« Pour moi, c’est tous les ans une manière de voyager sans quitter Grenoble. Je vais voir toutes les pièces ! », nous confie une spectatrice, juste avant la représentation d’une pièce en espagnol. Et de poursuivre : « Même si je ne comprends pas tout, je profite de la beauté du jeu des acteurs et je parviens à me faire une idée ». Pour autant, les spectateurs ne sont pas livrés à eux-mêmes puisqu’un synopsis de la pièce, en français et en anglais, leur est fourni avant chaque spectacle.
Une conscience européenne
En fil rouge de ces rencontres, l’émergence dans la jeunesse d’une conscience politique et sociétale européenne, dans un monde où l’intolérance et le fanatisme tentent de s’imposer.
Comment faire face à ces menaces ? Comment préserver la liberté d’expression ? Comment construire une société respectueuse des droits de l’Homme ? Autant d’interrogations prises très au sérieux par le Créarc.
« Il y a une vraie crise de valeurs sur ce qui a fondé la construction européenne. Si l’on n’y prend pas garde et si on ne corrige pas le tir, tout cela risque de voler en éclats », martèle avec conviction Romano Garnier.
Et de s’inquiéter : « Si cela continue comme ça, malheureusement ce seront les extrêmes et les nationalismes qui ressurgiront en Europe ». Une dimension prise en charge, selon lui, par les jeunes de l’Union européenne et d’ailleurs qui trouve sa traduction dans l’esprit insufflé à ces rencontres par les comédiens.
Ce n’est donc pas un hasard si ces thèmes on été abordés lors d’un grand débat intitulé « L’homme de théâtre face au totalitarisme, hier et aujourd’hui ». La grande parade-spectacle de clôture de ce samedi 11 juillet ne sera pas en reste puisqu’elle reprendra dix des vingt-quatre pièces écrites par Bertolt Brecht dans son œuvre Grand-peur et misère du IIIe Reich. Une manière d’inscrire résolument ces Rencontres du jeune théâtre européen dans « une dynamique de réflexion, de partage et de citoyenneté ; un laboratoire pour l’avenir ».
Joël Kermabon
UN CAUCHEMAR LOGISTIQUE ?
220 comédiens, 17 metteurs en scène, 3960 repas, 1620 petits-déjeuners, 440 cartes de tramway et 1620 nuits d’hébergement ! Des chiffres impressionnants laissant supposer un cauchemar logistique pour les organisateurs. Sur ce point, Romano Garnier se veut rassurant. « Comme nous en sommes à la 27e édition, nous avons désormais acquis un certain savoir-faire. Nous avons la chance de pouvoir collaborer avec le Crous, qui loge l’intégralité des participants à un prix défiant toute concurrence ! »
Pour la restauration, des partenariats mis en place avec des restaurateurs permettent aux participants de partager des repas dans la convivialité. Par ailleurs, les salles de spectacle sont toutes situées le long d’une ligne de tram, « ce qui nous a beaucoup simplifié la vie car cela facilitait tous les déplacements », se félicite le directeur du Créarc.
« Enfin, notre équipe composée de bénévoles et de professionnels compétents est très performante et surtout très rodée. » Et ce dernier de conclure, satisfait : « Tout se passe donc très bien ! ».