UNE Lost river poster

Lost River : dans l’antre lugubre de Ryan Gosling

Lost River : dans l’antre lugubre de Ryan Gosling

BLOG CINÉMA – La toute pre­mière fois de Ryan Gosling s’ap­pelle Lost River. Thriller fan­tas­tique aux néons sombres et nour­ris de nom­breuses ins­pi­ra­tions, un essai concluant pour l’ac­teur qui, der­rière la caméra, espère cas­ser son image de posterboy.

Si vous ne connais­sez pas le beau Ryan Gosling, c’est que vous vivez pro­ba­ble­ment dans une grotte. Ne croyez pas que j’aie quelque chose contre mais, par pitié, sor­tez un peu ! Cela vous fera du bien.

Il est vrai que le Canadien de 34 ans n’a pas pour habi­tude de se dévoi­ler. J’en veux pour preuve cette inter­view hila­rante. Que ce soit à tra­vers ses rôles pour le grand et le petit écran ou dans les maga­zines people, ses allures de jeune pre­mier à la psy­ché inson­dable sont connues de tous. Nicolas Winding Refn, le Danois pro­vo­ca­teur à l’o­ri­gine de Drive et Only God Forgives, en a fait sa muse pour le plus grand bien du cinéma d’au­teur. Il est aujourd’­hui la coque­luche d’Hollywood, se voyant pro­po­ser denom­breux rôles : pour Shane Black, pour Adman McKay, pour Terrence Malick.

Mais alors ? Qu’est-ce qui a bien pu pous­ser Gosling à mettre en stand-by sa car­rière d’ac­teur et à pas­ser der­nière la caméra ? Peut-être l’en­vie de cas­ser son image de pos­ter­boy, qui sait ? Varier les plai­sirs, peut-être ! Ou, plus sim­ple­ment, s’ou­vrir de nou­velles voies. Après tout, de nom­breux acteurs fran­chissent le pas et sont désor­mais recon­nus, accla­més, adulés.

Lost RiverPoster

Ryan Gosling mérite-t-il une ova­tion pour Lost River ? Réponse.

Dans l’antre lugubre

LostRiverChristinaHendricks

Billy (Christina Hendricks). DR

Dans la ban­lieue sinis­trée de Détroit, une famille connaît des dif­fi­cul­tés finan­cières. Billy, la mère inter­pré­tée par Christina Hendricks, cherche un tra­vail. Par chance, son ban­quier Dave (Ben Mendelsohn) a un poste à pour­voir. Cependant pas à la banque, comme la logique l’au­rait voulu, mais dans un caba­ret miteux à la devan­ture ter­ri­fiante. Billy n’a d’autre choix que d’ac­cep­ter, espé­rant rem­bour­ser sa dette.

Tout en essayant d’ai­der sa mère à obte­nir de l’argent, le fils aîné Bones (Iain De Caestecker) s’at­tire les foudre de Bully (Matt Smith), qui s’est auto­pro­clamé maître de la ville depuis que ses habi­tants sont presque touts par­tis. Pour se faire, il pille le cuivre de mai­sons déla­brées pour le revendre ensuite au plus offrant. L’ancien Seigneur du Temps n’ap­pré­cie guère… et c’est le moins qu’on puisse dire.

LostRiverBonesLac

Bones (Iain De Caestecker) découvre le lac mau­dit. DR

Billy entame une longue des­cente aux enfers, s’a­ven­tu­rant d’a­bord dans le sous-sol du caba­ret puis plus pro­fond encore, jusque dans les abysses les plus sombres. Selon Rat (Saoirse Ronan), voi­sine de Bones et mys­té­rieuse gamine aux che­veux noirs, toute la ville est mau­dite. Jour et nuit, elle s’oc­cupe de sa grand-mère neu­ras­thé­nique qui en sait quelque chose mais refuse de par­ler depuis la mort de son com­pa­gnon. Pour lever la malé­dic­tion, il appar­tient à un élu de remon­ter un objet à la sur­face d’un lac inquié­tant. Dans Lost River, l’eau dis­si­mule et le feu puri­fie. La nature reprend ses droits sur la Terre en ruine.

Lost River semble un film très per­son­nel tant Ryan Gosling y a livré de son vécu. Sa mère céli­ba­taire, pour com­men­cer : « Les hommes la sif­flaient, ils fai­saient des tours autour d’elle, c’é­tait assez effrayant », confie-t-il à la presse. Ensuite, son regard sur Détroit, ville au pay­sage presque apo­ca­lyp­tique, tant la misère y fait sa loi ; avant même d’a­voir débuté la pro­duc­tion, l’ac­teur devenu réa­li­sa­teur fil­mait déjà à l’aide d’une caméra RED des équipes de démo­li­tion en train de détruire des foyers. Et enfin, l’ex­ploi­ta­tion de son ima­gi­naire, pro­fon­dé­ment ancré dans les eigh­ties, le cinéma hys­té­rique et fan­tas­tique : Rambo, Les Goonies, etc.

Néons aveu­glants

Lost River contient un défaut com­mun à la plu­part des pre­miers films : le manque de per­son­na­lité. Il est nor­mal qu’un néo­phyte n’ayant jamais tenu une caméra de sa vie imite ses pairs, ne serait-ce que pour se ras­su­rer. Mais ici, les réfé­rences sont plus que des réfé­rences : vio­lence esthé­ti­sée, atmo­sphère oni­rique voire sur­réa­liste, poé­sie cap­tu­rée dans le quo­ti­dien… l’on retrouve ses élé­ments dans les ciné­mas res­pec­tifs de Nicolas Winding Refn, David Lynch et Terrence Malick.

LostRiverBenMendelsohn

Dave (Ben Mendelsohn) est loin d’ins­pi­rer confiance. DR

Mais ceci est par­fai­te­ment assumé. En racon­tant le des­tin hasar­deux d’une famille essayant d’é­vi­ter les dan­gers de la vie tout comme de l’i­ma­gi­naire, Ryan Gosling a voulu tou­cher le plus large public pos­sible. Les contes sont uni­ver­sels. Il y a des Lost River par­tout. Et c’est pré­ci­sé­ment ce que tend à prou­ver ce pre­mier film, à la fois lugubre et poé­tique, rétro et moderne.

Nonobstant, un grand nombre de cri­tiques déplorent un visuel trop mar­qué, trop irréel. À les lire, les néons aveuglent l’his­toire qui a pour but d’ex­po­ser du misé­ra­bi­lisme. Certes, il aurait été plus cohé­rent de cap­tu­rer le mal­heur d’une famille de manière plus tor­tu­rée mais force est de consta­ter que la majeure par­tie du film se déroule de nuit, par mau­vais temps qui plus est, ce qui n’embellit jamais le tra­gique. Seuls les pas­sages dont on peut tirer du posi­tif sont éclai­rés et char­mants. Comme cette magni­fique scène d’ex­po­si­tion ryth­mée au son vin­tage d’un gra­mo­phone encore en état de marche, qui ne man­quera pas de ren­voyer à The Tree of Life, primé à Cannes en 2011.

LostRiverRedaKateb

L’acteur fran­çais Reda Kateb fait une court appa­ri­tion. DR

Pour finir, Lost River fait montre d’un sym­bo­lisme évident, ce qui, à tra­vers ses per­son­nages, lui per­met de déve­lop­per des thèmes de société : la misère sociale (les pré­noms de Bones, Bully et Rat n’ont pas été choi­sis au hasard), la femme forte à tra­vers Billy, les légendes et croyances à tra­vers la malé­dic­tion du lac et le décor post-apo­ca­lyp­tique. Ce sont d’exubérants clins d’œil adres­sés au spec­ta­teur mais com­ment trai­ter un thème sans l’illus­trer ? Cinématographe signi­fie « écrire avec du mou­ve­ment ». Le cinéma est donc un art visuel.

Cela ne fait aucun doute, Gosling a sué sang et eau pour nous offrir une expé­rience inédite. Il s’est peut-être égaré à réfé­ren­cer ses pairs mais son ambi­tion reste louable et, sur­tout, très appré­ciable dans le pay­sage ciné­ma­to­gra­phique actuel. Poursuivra-t-il dans cette voie ? Nous ne pou­vons que le sou­hai­ter ! D’autant qu’il semble déjà tra­vailler sur un autre pro­jet de long métrage. En atten­dant, il ne vous reste plus qu’à vous rendre au cinéma pour décou­vrir Lost River !

Maxime Ducret

LostRiverAfficheLost River

Un film de Ryan Gosling, avec Christina Hendricks, Iain De Caestecker, Saoirse Ronan, Matt Smith, Eva Mendes, Ben Mendelsohn, Barbara Steele et Reda Kateb (États-Unis)

Genre : thril­ler fantastique

Durée : 1 heure 45 min
Sortie en salles le 8 avril 2015

Séances : cinéma La Nef, 18 bou­le­vard Edouard Rey à Grenoble.

Tél. : 04 76 46 53 25

M. Ducret

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

Tribune libre: "Montrons notre reconnaissance ainsi que notre amour au cinéma Le 6 Rex"
Tribune libre : « Montrons notre recon­nais­sance ainsi que notre amour au cinéma Le 6 Rex »

TRIBUNE LIBRE - Alors que le cinéma grenoblois historique le 6 Rex va fermer ses portes le mardi 26 mars 2024 à minuit, le militant Lire plus

Un festival de films ibériques et latino-américains à Grenoble ? C’est bien le festival Ojoloco qui revient pour sa 12e édition.
Le fes­ti­val Ojoloco met à l’hon­neur le cinéma ibé­rique et latino-amé­ri­cain dans l’ag­glo­mé­ra­tion grenobloise

ÉVÉNEMENT - Un festival de films ibériques et latino-américains Ojoloco revient à Grenoble pour sa 12e édition, du mardi 19 au dimanche 31 mars 2024. Lire plus

Crédit : © Gilles Ragris / FTV
Le res­tau­rant joux­tant le cinéma Pathé d’Échirolles tota­le­ment détruit par un incen­die, une enquête ouverte

EN BREF - Un violent incendie s'est déclaré dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16 février 2024 dans le restaurant Obrigado Rodizio jouxtant Lire plus

Le cinéma de genre oriental à l'honneur de l'édition 2024 du Maudit festival
Le cinéma de genre orien­tal à l’hon­neur de l’é­di­tion 2024 du Maudit festival

ÉVÉNEMENT - C'est parti pour une nouvelle édition du Maudit festival, un rendez-vous des cinéphiles dédié "à la contemplation de chefs d’œuvre aussi variés qu’insoupçonnés", Lire plus

Le corps "messager fou de l'âme" à l'honneur de la saison janvier-mai de la Cinémathèque de Grenoble
Nouvelle sai­son à la Cinémathèque de Grenoble sur le corps « mes­sa­ger fou de l’âme »

EN BREF - La Cinémathèque de Grenoble lance sa nouvelle saison janvier-mai 2024 avec une séance jeudi 18 janvier. Le thème dominant? "Le corps, apprivoiser Lire plus

Le Festival Jeunes Bobines est de retour à Lans-en-Vercors du 25 au 30 décembre
Le fes­ti­val Jeunes Bobines est de retour à Lans-en-Vercors pour sa 35e édition

ÉVÉNEMENT - Le festival Jeunes Bobines de Lans-en-Vercors fête sa 35e édition du 25 au 30 décembre 2023. Au programme : plus de quarante films Lire plus

Flash Info

Les plus lus

Agenda

Je partage !