ÉVÉNEMENT – Festival phare du printemps grenoblois, les Détours de Babel revient pour une 5e édition, du 14 mars au 3 avril 2015, avec toujours le même mot d’ordre : soutenir la création musicale. Placée sous le signe de l’exil, cette édition proposera 80 rendez-vous musicaux dans différents lieux de Grenoble et de l’Isère. Benoît Thiebergien, directeur du festival, lève le voile sur la programmation.
Faut-il encore présenter les Détours de Babel ? Née en 2011 de la fusion du Grenoble Jazz Festival et des 38e Rugissants, cette manifestation qui a déjà de belles années derrière elle ouvrira ses portes le 14 mars prochain, avec pas moins de 80 concerts et rendez-vous musicaux. Pour cette 5e édition, l’équipe du festival a décidé d’aborder une nouvelle question de société, celle de l’exil, et de laisser libre cours à l’interprétation des 43 compositeurs et 181 musiciens invités.
L’exil, fil rouge du festival
Les Détours de Babel est tourné depuis toujours vers la création musicale. Une caractéristique qui le différencie des autres festivals et en fait son succès depuis tant d’années. « C’est un festival de musiques du monde et nous-mêmes en faisons partie. La création musicale concerne toutes les esthétiques. Elle est transfrontalière » explique Benoît Thiebergien, directeur de l’événement.
D’ailleurs, qu’il s’agisse de jazz, d’arts sonores, de musiques occidentales, actuelles ou dites “du monde”, toutes ont leur place cette année dans la programmation et aborderont chacune à leur manière, la question de l’exil. Un phénomène qui n’est pas seulement géographique mais « intérieur, spirituel, social ou culturel » ajoute-t-il. Cette thématique, qui sera le fil rouge du festival, sera « traité de manière différente selon les projets » artistiques et musicaux.
Des représentations dans des musées et bibliothèques
Au-delà de sa thématique annuelle, les Détours de Babel se caractérise aussi par sa mobilité. « Nous avons souhaité varier les lieux de représentation » précise Benoît Thiebergien. Le festival se déroulera ainsi dans les musées, bibliothèques, espaces publics et communes rurales de l’Isère.
Cette année, l’équipe renouvellera l’expérience du brunch dominical, les 22 et 29 mars au Musée dauphinois, avec au programme, entre une tasse de café ou de thé et des viennoiseries, de grands solistes traditionnels tels que les musiciens du groupe hongrois Sentimento Gipsy Paganini, le Malien Ballaké Sissoko ou le spécialiste du doudouk arménien Araïk Bartikian.
Un grand bal des exilés clôturera la journée du 21 mars, à la Source de Fontaine, avec aux commandes les collectifs Dyade A&D et Les Barbarins fourchus. Des salons de musique prendront aussi place à la Maison de l’international.
Un grand projet participatif
Une installation plastique et sonore de grande envergure sera installée du 22 mars au 6 avril au Musée dauphinois. Conçue par Isabelle Carrier et Jérôme Ruillier, « ce projet fédérateur » se compose de 250 silhouettes, réalisées par les habitants qui ont aussi enregistré des heures de témoignage, dans le cadre d’ateliers avec les MJC partenaires de Grenoble, Voiron et Fontaine.
Ces silhouettes peintes par les passants sont apparues pour la première fois dans les rues de Voiron en janvier 2014 pour soutenir une jeune lycéenne menacée d’expulsion. Elles investiront, le temps du festival, l’agglomération grenobloise pour raconter leurs histoires d’exil.
Maïlys Medjadj
A la rencontre de Jasser Haj Youssef, artiste invité des Détours de Babel 2015
Jasser Haj Youssef est l’invité d’honneur des Détours de Babel. Le violoniste et compositeur tunisien, au programme du baccalauréat musique 2015, participera pour la première fois au festival grenoblois. « C’est un musicien, une personnalité musicale que j’avais repéré et l’alchimie a fait le reste » explique Benoît Thiebergien. « Jasser Haj Youssef est un artiste transculturel, à la croisée de différentes cultures, de plusieurs esthétiques. Il est proche de ses racines orientales, joue de la viole d’amour et du jazz. Je lui ai passé commande d’une œuvre pour le chœur académique, qui regroupe des lycéens d’Isère, Savoie et Haute-Savoie » ajoute-t-il.
Une belle opportunité pour le musicien âgé de 35 ans, spécialiste de la viole d’amour, qui a d’ailleurs intégré cet instrument dans la composition. « C’est une écriture mystique qui s’inspire du chant de l’église avec des sonorités Soufie. La pièce est basée sur un tempo lent afin de prendre le temps de travailler et ressentir les choses » explique-t-il. Il s’est aussi inspiré de la question de l’exil dans cette composition. « Il y a plusieurs manières de voir ce thème. Ce peut être un exil intérieur, une solitude par rapport à la famille, aux amis, dans la vie professionnelle. J’ai donc pris cela en considération quand j’ai composé pour le chœur académique. »
Loin de s’arrêter à cette création, Jasser Haj Youssef travaille en parallèle avec les Musiciens du Louvre Grenoble. Une grande première pour ce musicien très prometteur qui n’avait jamais écrit pour des musiciens baroques. « J’ai ainsi composé une musique en clin d’œil à Bach, la sonate et la musique ancienne » commente-t-il. Cette œuvre sera présentée le 19 mars à l’Odyssée d’Eybens. Le public pourra aussi le retrouver en solo, avec sa viole d’amour, lors d’un brunch, le 22 mars au Musée dauphinois et pour une représentation, le 2 avril, à la Maison de l’international.
Un budget en baisse
Côté budget, le festival doit aussi faire face à une diminution des subventions de la Ville de Grenoble. « La municipalité a diminué de 20 % ses dotations dès 2014. En revanche, tous les autres partenaires institutionnels continuent à nous soutenir » précise Benoît Thiebergien. « Même si cette baisse a amené à un déficit, nous allons essayer de le contenir sur cette année 2015 et tenter de retomber sur nos pattes » conclut le directeur du festival.