Viérise, salariée et Caroline Heysch dans le restaurant A l'Affut à Grenoble © Delphine Chappaz - placegrenet.fr

A l’af­fût, un café res­tau­rant social et interactif

A l’af­fût, un café res­tau­rant social et interactif

REPORTAGE – Au cœur du quar­tier Notre-Dame, sa devan­ture donne le ton. Le café res­tau­rant A l’Affût se veut « social et inter­ac­tif ». Et Caroline Heysch, qui a porté le pro­jet, ne s’en tient pas qu’aux mots. Sur le ter­rain, elle s’at­telle depuis plus d’un an à déve­lop­per un lieu ouvert au sens large, où entraide et soli­da­rité sont les maîtres-mots.

Il n’est plus très loin de midi quand Caroline Heysch arrive du mar­ché alors que Viérise, sala­riée à temps par­tiel, s’af­faire dans la petite cui­sine de l’Affût. Le café res­tau­rant est encore vide mais les pre­miers clients ne vont pas tar­der. C’est donc dans un calme légè­re­ment élec­trique que Caroline offre un peu de son temps pour par­ler d’elle, de ses moti­va­tions et des dif­fi­cul­tés ren­con­trées face à une telle entreprise.

Viérise et Caroline Heysch- crédit photo Delphine Chappaz - Café restaurant A l'affût

Viérise, sala­riée, et Caroline Heysch. © Delphine Chappaz

Le bis­trot, clé de voûte du lien social

« J’ai le goût des trans­mis­sions sociales et j’aime l’his­toire des gens. » Après une car­rière dans les sciences humaines, c’est donc vers l’é­co­no­mie soli­daire et sociale que Caroline se tourne. Et si elle s’o­riente vers la piste des lieux d’ac­cueil, c’est qu’elle a déjà son idée en tête. « Il faut tou­cher les gens par du concret. Et rien de mieux qu’un petit bis­trot pour cela ! ».

A l'Affût, café social et interactif - Crédit Photo Delphine Chappaz

A l’Affût, café social et inter­ac­tif. © Delphine Chappaz

Une for­ma­tion Arobase en poche, elle rachète un petit res­tau­rant grec de la rue Très-Cloître, en juillet 2013, et ouvre A l’Affût en sep­tembre de la même année. « C’est un quar­tier très por­teur pour les échanges sociaux, avec une popu­la­tion mélan­gée, exac­te­ment ce que je sou­hai­tais ». Pour concré­ti­ser son pro­jet, elle s’en­toure d’une équipe de jeunes gens inté­res­sés par l’é­du­ca­tion populaire.

« Il fal­lait mon­ter quelque chose ici qui soit en phase avec notre souci d’ou­ver­ture sociale et de lutte contre les dis­cri­mi­na­tions. C’est notre prio­rité. Décloisonner les géné­ra­tions et les groupes sociaux pour construire une société plus juste et plus écolo. C’est une ouver­ture au sens large » tient à pré­ci­ser Caroline.

Le pro­jet prend alors très vite une forme hybride, où deux struc­tures se com­plètent au sein du même lieu. Ainsi, outre le res­tau­rant A l’af­fût qui est une société par actions sim­pli­fiées (SAS), l’as­so­cia­tion le Raffut gère en paral­lèle un volet animation.

Un équi­libre fragile

Après un an et demi de fonc­tion­ne­ment, Caroline Heysch et son équipe sont satis­faits de la fré­quen­ta­tion de leur bis­trot soli­daire, avec une moyenne de 15 à 20 cou­verts chaque midi pour une capa­cité de 35 et, sur­tout, une mixité sociale au ren­dez-vous. Il faut dire que les prix res­tent très acces­sibles : entrée ou soupe pour 3,5 euros, demi-assiette ou assiette de tapas pour 4 euros, plat du chef pour 8 ou 9 euros…

Crédit photo Delphine Chappaz - Café restaurant A l'affût

© Delphine Chappaz

Deux à trois sala­riés à temps par­tiel tra­vaillent en cui­sine. « Leurs temps de tra­vail se che­vauchent et ça nous per­met d’être ouverts au maxi­mum. » La gérance reste néan­moins très com­pli­quée et la péren­nité du res­tau­rant fra­gile. « Moi, en tant que gérante, je ne me paie pas » pré­cise Caroline. « On entend par­ler d’al­lè­ge­ments de charges mais ça ne se pro­duit jamais. L’économie fran­çaise a un peu de mal avec les petites entre­prises. Elle pousse les gens à la case chô­mage et ne favo­rise pas du tout les petits pro­jets comme le nôtre. Il faut oser le dire… »

Même si quelques sub­ven­tions sou­tiennent le ver­sant ani­ma­tions, toutes ne sont pas gra­tuites. « Sinon, on cou­le­rait » déclare tout bon­ne­ment Caroline. Une réa­lité qui rat­trape les meilleures inten­tions. « Tout le monde ne com­prend pas qu’il faut consom­mer pour faire vivre un café. Aujourd’hui, nous sommes dans des échanges les plus gra­tuits pos­sibles, mais on ne peut pas s’en sor­tir si tout est tou­jours gratuit. »

Une cagnotte solidaire

Principe de la cagnotte solidaire - credit photo Delphine Chappaz - Café restaurant A l'affût

Principe de la cagnotte soli­daire. © Delphine Chappaz

Côté bar, l’é­ta­blis­se­ment a adopté le concept d’une cagnotte soli­daire qui fait de plus en plus d’é­mules dans les petits com­merces de proxi­mité. « Quand vous payez votre consom­ma­tion, vous avez la pos­si­bi­lité de mettre l’é­qui­valent dans un pot qui per­met­tra d’of­frir un café à quel­qu’un d’autre » explique Caroline. « Ici, nous le fai­sons aussi pour une soupe, un repas, la moi­tié d’un repas ou un des­sert. Ce sec­teur vient d’être classé zone prio­ri­taire, au même titre que la Villeneuve. Les gens qui pro­fitent de la cagnotte sont par­fois en situa­tion critique. »

La demande s’est ins­tal­lée pro­gres­si­ve­ment au cours de la pre­mière année, par le bouche à oreille et un tra­vail en réseau avec des asso­cia­tions cari­ta­tives. En par­ti­cu­lier avec le res­tau­rant soli­daire Nicodème (cf. enca­dré), situé à deux pas. « On ne peut pas stig­ma­ti­ser les gens, ni affi­cher « gra­tuit » sur la vitrine car c’est ambigu » concède Caroline.

« Quand une per­sonne vient de la part de quel­qu’un, nous savons tout de suite qu’il s’a­git d’une consom­ma­tion soli­daire. C’est plus facile. Quelquefois, ça peut être un SDF qui demande si nous avons des restes. Nous lui offrons alors un sand­wich ou une soupe. C’est à nous de les mettre à l’aise. » Parfois, ce sont des étu­diants qui font appel à cette aide ponc­tuelle, pré­cise Caroline.

Salle de restaurant de l'Affût - Crédit Photo Delphine Chappaz

Salle de res­tau­rant de l’Affût. © Delphine Chappaz

A l’oc­ca­sion des fêtes, la cagnotte est sym­bo­li­que­ment vidée. Cette année, elle contri­bue à l’or­ga­ni­sa­tion d’un pot soli­daire de Noël, sur la place d’à côté. « La cagnotte n’est pas une caisse noire. Elle doit res­ter vivante. Ce soir, elle va aussi pro­fi­ter à ceux qui ne poussent pas la porte d’un café » insiste la gérante, qui accueille déjà les pre­miers clients de la pause déjeu­ner. Rendez-vous est donc pris à la tom­bée de la nuit pour le pot solidaire.

“Intégrer au maxi­mum les gens du quartier”

17 h 30 : bien que l’hi­ver soit doux, le petit bra­sero est le bien­venu pour réchauf­fer les mains en cette fin d’a­près-midi. Salariés de L’affût et béné­voles ont dis­posé sur les tables, à côté de jeux en bois, des bois­sons chaudes, du panet­tone, des man­da­rines… Et, au pied de l’arbre de la petite place, des déco­ra­tions de Noël mêlées aux branches de sapin et de houx, mises à la dis­po­si­tion des visi­teurs. Mais déjà les pla­teaux de jeux en bois attirent quelques passants.

pot solidaire du 16 décembre 2014 dans la rue Très Cloîtres, organisé par le Café restaurant A l'affût- crédit photo Delphine Chappaz

Pot soli­daire du 16 décembre 2014 dans la rue Très Cloîtres. © Delphine Chappaz

« Nous pro­po­sons aussi des soi­rées concerts, des cinés débats, des soi­rées de dis­cus­sion autour d’un thème, ou bien des soi­rées jeux et même des slams avec un poète du quar­tier », pré­cise Basile Diaz, le jeune pré­sident de l’as­so­cia­tion le Raffut, qui compte une dizaine de béné­voles actifs. « Nous essayons d’in­té­grer au maxi­mum les gens du quartier. »

Catherine Ostin de l'association Le mieux vivre ensemble et Caroline Heysch gérante de l'Affût lors du pot solidaire du 16 décembre- crédit photo Delphine Chappaz

Catherine Ostin de l’as­so­cia­tion Le mieux vivre ensemble et Caroline Heysch, gérante de l’Affût, lors du pot soli­daire du 16 décembre. © Delphine Chappaz

Comme à l’ac­cou­tumé, l’as­so­cia­tion a tra­vaillé en réseau. Le Centre de loi­sir enfance et famille de Grenoble (Clef) a prêté les jeux. L’association Le mieux vivre ensemble a apporté le goû­ter. Sa pré­si­dente, Catherine Ostin, est très atta­chée à ren­for­cer la cohé­sion sociale au tra­vers d’ac­tions de soli­da­rité et de proxi­mité. Comme les cafés et baguettes soli­daires, qui fleu­rissent depuis un an à Grenoble, selon le prin­cipe de la cagnotte soli­daire. « Une dizaine de cafés et quatre bou­lan­ge­ries le pro­posent, dont celle du Fournil Notre-Dame » se réjouit-elle.

Parfois, l’offre et la demande se ren­contrent. D’autres fois, la demande ne suit pas. C’est pour­quoi les cagnottes ont servi à pro­po­ser le pot soli­daire du moment où, peu à peu, des per­sonnes se ras­semblent autour d’un vin chaud, d’un thé ou d’un chocolat.

Dans cette cha­leu­reuse ambiance, Basile parle d’un pro­jet pour 2015 : « nous aime­rions opti­mi­ser l’é­norme mur gris, sans fenêtre et pas très joli d’en face ». En effet, de l’autre côté de la rue, en face du res­tau­rant, se dresse sur quelques dizaines de mètres le mur d’en­ceinte du musée de l’Ancien Évêché. « Nous sou­hai­te­rions en faire un espace d’ex­pres­sion pour les gens du quar­tier, soit en col­lant des pho­tos, soit en écri­vant des mes­sages des­sus ou en y fai­sant des pro­jec­tions. Nous sommes en train de construire le pro­jet et de deman­der les auto­ri­sa­tions. » Ce ne sont donc pas les idées qui manquent…

Delphine Chappaz

Crédit Photo Delphine Chappaz

© Delphine Chappaz

Fermé pen­dant les vacances de Noël, L’Affût rouvre ses portes le 5 jan­vier prochain.

Crédit Photo Delphine Chappaz

Programmation de jan­vier 2015 

7 jan­vier : enre­gis­tre­ment public de l’é­mis­sion radio Pris d’Asso avec Cap Berriat, de 18 h 30 à 20 heures. Le thème : « l’in­for­ma­tique en liberté », l’o­pen source a révo­lu­tionné la pro­priété industrielle.
14 jan­vier : Amal se pro­duira pour un concert de musique arabo-anda­louse à 20 heures.

Le Nicodème, café associatif

Le Nicodème, place Claveyson - Credit photo Le Nicodème

Le Nicodème, place Claveyson – © Le Nicodème

Commander un plat du jour à 2 euros et un des­sert à 0,5 euros « fait mai­son » c’est pos­sible au café asso­cia­tif le Nicodème.

Situé non loin de l’Affût, sur la place Claveyson, l’é­ta­blis­se­ment est plus ancien, puisque l’as­so­cia­tion qui lui a peu à peu donné sa forme actuelle existe depuis 1986. Il s’a­git du Centre chré­tien de dis­cus­sion et d’é­change. Sa voca­tion est émi­nem­ment sociale dans la mesure où il fait par­tie du « Collectif des asso­cia­tions lut­tant contre l’exclusion ».

Son fonc­tion­ne­ment est aussi un peu dif­fé­rent de l’Affût puisque le café asso­cia­tif n’embauche aucun sala­rié. Tous les postes sont pour­vus uni­que­ment par des béné­voles, qui se relaient à la demi-jour­née. Ils assurent la pré­pa­ra­tion des repas, le ser­vice, l’a­ni­ma­tion des acti­vi­tés de l’a­près-midi, le ravi­taille­ment, ainsi que le bri­co­lage nécessaire.
Le matin une bri­gade de cinq ou six béné­voles pré­parent les repas pour la cin­quan­taine de clients atten­dus chaque midi.
L’après-midi, d’autres béné­voles pro­posent des consom­ma­tions ainsi que des acti­vi­tés, les mar­dis et jeu­dis une fois par mois : pro­jec­tions de films, après-midi musi­caux, confé­rences, lotos, ate­liers pein­ture ou à thèmes divers etc.

Le Nicodème est ouvert le lundi de 12 à 14 heures et les autres jours de 12 à 18 heures, sauf les same­dis et dimanches.

DC

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