FOCUS – Depuis cinq ans, le collectif Entropie propose des ateliers d’auto-production d’objets et édite des notices de fabrication, en libre accès. Objectif : se réapproprier les techniques de production et les savoir-faire. Mais aussi mettre un coup de rabot à l’obsolescence programmée des objets.
Entropie propose des ateliers d’auto-constructions. Ici, une éolienne © Entropie.
Quel est le lien entre le four solaire adapté à la restauration collective de La P’tite Marmite à Grenoble, les tables et chaises du café associatif Le Barathym à La Villeneuve et des ruches faites sur mesure par un apiculteur ?
Tous ces objets proviennent du collectif Entropie. Depuis cinq ans, l’association grenobloise propose des ateliers d’auto-production et édite des notices de fabrication en libre accès. Chaises, tables, armoires et étagères mais aussi marmite norvégienne ou lombri-composteur… Tout est conçu en interne.
« On ne va pas inventer la poudre, souligne Lucas Courgeon, chargé de porter la bonne parole de l’association. On prend pour modèle ce qui existe déjà. Le four solaire s’inspire par exemple de ce que l’on trouve dans le commerce, mais adapté à la sauce Entropie ! ».
L’esprit “libre”
De ce travail de recherche et de conception, le collectif a fait un catalogue de vingt objets. Tiré à cent exemplaires, le premier opuscule a vite été épuisé. Un second catalogue est donc dans les cartons, en pré-commande sur une plate-forme de crowdfunding.
Au détour des locaux, installés en partie à Cap Berriat, une chaise signée du designer Mathieu Gabiot a été réadaptée par Entropie. C’est là que les quatre salariés, dont un designer et un architecte, mettent leurs idées en commun.
Car ce n’est pas tant dans l’objet que se distingue le collectif que dans le postulat de base, pétri de convictions écologiques et, plus largement, sociétales.Les notices sont ainsi conçues et publiées sous licence Art Libre. C’est-à-dire qu’elles peuvent être librement copiées, diffusées, corrigées et même commercialisées.
Une mise en commun qui n’est pas sans rappeler le principe des ateliers ouverts des Fab lab… version artisanale. L’objectif étant bien de se réapproprier les objets. « Si on sait comment réaliser un objet, on sait le réparer ».
Un atelier dans le Trièves en 2015
Au travers du design libre, l’association entend interpeller les citoyens-consommateurs en se réappropriant les techniques de production et les savoir-faire.
La chaise Scala du designer Mathieu Gabiot adaptée par Entropie © Patricia Cerinsek
Court-circuiter les circuits traditionnels pour dénoncer les affres du capitalisme ? « Le modèle capitaliste est générateur d’inégalités et de violences. Entropie est dans la proposition d’alternatives, avec l’objectif de mettre plus de démocratie au sein du travail ».
En attendant, l’association fait son chemin. Pour continuer d’élaborer ses objets, un atelier installé dans le Trièves devrait sortir de terre au printemps 2015. Et d’autres notices sont dans les cartons pour fabriquer étagères, commodes et tables escamotables.
A l’heure où un amendement écologiste, voté dans le projet de loi sur la transition énergétique, prévoit de sanctionner l’obsolescence programmée, Entropie propose une parade. Prêt(e) à relever le défi ?
Patricia Cerinsek