ENTRETIEN - Figure de plus en plus incontournable de l’entrepreneuriat grenoblois, Mathieu Genty, cofondateur de l'espace de coworking Cowork in Grenoble et initiateur de l'accélérateur de startups le Phare, vient de lancer une école de l'entrepreneuriat. Un nouveau challenge.
Vous avez créé Cowork In Grenoble à l'aube de l'année 2013. A quelle demande souhaitiez-vous répondre ?
Mon passé m'a permis de me rendre compte que beaucoup de choses avaient été mises en œuvre pour les technologies à Grenoble mais que, dans le même temps, les startups autour du web, de l'innovation marketing ou de la rupture par l'usage quittaient la région pour se lancer. Au mieux à Lyon, sinon à Paris ou Londres. Il y a largement ce qu'il faut ici mais il fallait que la communauté se rende compte qu'elle existait, qu'elle était importante. Il m'a alors semblé qu'il manquait un lieu pour qu'elle se regroupe.
Vous avez ensuite lancé le Phare, un accélérateur de startups. Et aujourd'hui c'est une école de l'entrepreneuriat qui voit le jour. A qui cela est-il destiné ?
Il n'y a pas de profil type d'entrepreneur, tout le monde peut l'être. Mais aujourd'hui être formé à l'entrepreneuriat est compliqué. Il y a très peu de structures. Ce qui existe et fonctionne bien, ce sont des cursus académiques mais pour lesquels il faut des diplômes au préalable. A Grenoble, pour accéder à un master d'entrepreneuriat, il faut ainsi un bac + 5. C'est une barrière à l'entrée qui prive la ville de richesses et d'intelligence. Chaque personne ayant les bonnes bases peut en réalité créer localement son emploi et des richesses.
Quel est votre point fort par rapport à des formations délivrées par d'autres structures ?
L’intérêt majeur de notre école réside dans le fait que nous sommes nous-mêmes en ce moment entrepreneurs. Autre fait d'importance qui nous différencie : nous avons adopté la technique du lean startup, dont l'idée est d'avancer petit à petit sans avoir d'objectifs à trop long terme. Créer un business plan à trois ans, dans un monde où l'on ne sait pas ce qui se passera dans trois mois, où les banques centrales n'arrivent pas à prédire les fluctuations économiques, cela paraît fou… Dernier avantage : nous avons chacun nos compétences que nous mettons à disposition et souhaitons partager.
Un premier cours a eu lieu le 23 avril dernier. Quel bilan en tirez-vous ?
Cette première session a fonctionné au-delà de nos espérances. Quarante personnes étaient présentes, alors que c'était notre premier événement payant avec des développeurs, des travailleurs sociaux, des e-commerçants… des profils très variés, de tous âges, de toutes origines sociales. C'est ce que nous recherchions.
Les Grenoblois sont-ils entrepreneurs ?
Il me semble. Nous sommes à une époque où le salariat en entreprise n'apporte plus la sécurité financière ou intellectuelle qu'il a pu apporter. Aujourd'hui, il y a beaucoup de plans de départs volontaires, de licenciements dans les grands groupes. On observe une crispation dans les entreprises. La marche qui était jusqu'alors élevée entre le salariat et la création de son propre emploi se réduit petit à petit. D'autant qu'il est maintenant plus simple d'entreprendre.
Il y a pourtant toujours des barrières psychologiques en France. Pour beaucoup, créer son entreprise semble insurmontable…
L'objectif de notre première session était justement de dédramatiser l'entrepreneuriat. Lancer une PME de cinquante salariés tout de suite n'est pas une obligation. On a aussi voulu relativiser la notion d'échec. Se tromper n'est pas grave, il faut juste savoir s'adapter. J'irais même plus loin : on ne crée rien de grand sans avoir commis d'erreurs !
Cowork In Grenoble, le Phare, une école de l'entrepreneuriat. Quels sont vos prochains défis ?
Nous nous sommes montés comme une startup. La colonne vertébrale du projet est lancée. Il faut maintenant que nous stabilisions notre business model. Nous aidons les gens à créer leur emploi, à se développer… Nous les accueillons lorsqu'ils travaillent encore seuls. En bout de chaîne, il manque un hébergement quand cela commence à fonctionner, qu'ils ont des salariés. Le coworking n'est plus forcément adapté, à ce moment-là. Nous avons donc envie de créer un hôtel de startups pour apporter toujours la même valeur à ces entreprises mais aussi leur permettre de travailler confortablement en équipe.
Texte et photos : Nils Louna
L'école de l'entrepreneuriat, comment ça marche ? Des formations sont proposées chaque mercredi soir et se déroulent en trois temps : une partie théorique, une phase de réseautage où chacun échange, puis les futurs entrepreneurs présentent par petits groupes l'avancement de leur projet et évoquent les étapes suivantes. « Nous restons ancrés dans le réel » assure Mathieu Genty. Le tarif est de 200 euros mensuels et l'entreprise peut éclore en trois mois.