CRITIQUE – La compagnie Les Montures du temps interprète au Théâtre de Poche Le ciel dans la peau, texte poétique d’Edgard Chias, dénonçant le féminicide au Mexique. Après deux représentations jeudi 7 et vendredi 8 novembre, la dernière de cette coproduction du Tricycle – Grenoble aura lieu ce samedi à 20h30.
Odille Lauria est seule sur scène, schizophrène dans les multiples rôles qu’elle interprète. Seule dans un bus imaginaire, elle incarne une jeune fille mexicaine, Esther. Le personnage principal est suivi par un homme. Une menace pèse sur elle. Esther s’interroge. Cet inconnu est-il un amoureux timide ? Un tueur ? Tout en réfléchissant, elle lit une histoire. Celle d’une princesse, durant l’époque de Salomon. Une discussion est censée s’engager entre la Mexicaine d’aujourd’hui et la princesse de jadis. Cependant, l’échange ne fonctionne pas. Le présent lit le passé. La communication est verticale et gêne le dialogue. Elle s’enserre dans les pages du livre et n’arrive pas à s’en défaire. Puis Odille Lauria se précipite au milieu du public, criant « l’Amérique latine est festive, non ? » en distribuant des canettes de bières. Puis s’en renverse une sur le corps en décrivant un viol. « Le ciel dans la peau dénonce le phénomène du féminicide au Mexique » d’après la description du feuillet. Certes, la critique est forte. Mais l’accroche du spectateur est vulgaire. Une véritable harangue sous couvert de l’impliquer dans la pièce. Dans “Le ciel dans la peau”, l’auteur Edgar Chias dévoile un texte d’une grande finesse. Il est incisif et rapide. La dénonciation du féminicide est marquante. Mais l’actrice, seule, prend toutes les formes. Si elle se donne à la scène, souvent, les personnages sonnent faux. Parfois, elle incarne Esther, parfois elle caricature la jeune princesse. Ainsi, la comédienne donne-t-elle un style clownesque au scribe ou au roi de l’époque de Salomon. Des caricatures. Odille Lauria n’arrive à détacher les différents rôles qu’avec des grimaces. Le monologue semble être une tâche trop lourde sur ses épaules. Car la pièce dénonce mais manque d’engagement. Sur le fond, tout d’abord : le féminisme est très présent mais trop léger. Elle harangue avec force, prend le visage de la révolte. Mais elle se répète, la rendant tapageuse et creuse. Sur la forme, ensuite : dans l’ajout de vidéo qui n’est pas mis en valeur. Et dans le sable qui tombe du plafond. Une chute de poudre fine, comme un rêve qui coule, apparition cependant trop fulgurante. Enfin, les chœurs montrent la volonté de faire, une fois encore, participer le spectateur. Mais pour quelques pauvres minutes. Comme un alibi, plutôt qu’une réelle démarche. Jean-Baptiste AuducLe ciel dans la peau
D’Edgar Chias – Trad. Boris Schoemann –
Compagnie Les Montures du Temps