Pratiquer Yoga, c’est faire l’expérience de soi. Le pratiquant est tout à la fois l’expérimentateur et l’objet expérimenté, tant dans le corps que le mental ou bien encore dans l’émotionnel. Dans sa finalité, le Yoga permet de se voir, de se comprendre… voire de s’aimer. Ce qui, vous en conviendrez, requiert parfois une certaine dose de courage. Car il serait plus facile de fermer les yeux que de voir son image dans le miroir du tapis !
La posture corporelle
C’est le début, la base de toute pratique. Espace de transformation (étirement, relaxation, renforcement, etc.), c’est aussi et surtout un lieu d’écoute de ce que dit le corps. Un espace d’observation du corps tel qu’il est et non pas du corps tel que je le pense. Point besoin d’être souple pour commencer le Yoga. Il n’y a pas de but à atteindre. Ce n’est jamais une compétition, ni une pratique élitiste.
Alors pourquoi pratiquer ? C’est parce que le corps parle pendant la posture et que le langage du corps est dix fois plus accessible, plus facile à comprendre que le langage de l’intellect. Le corps ne triche jamais, ni avec les mots, ni avec les maux. Encore faut-il prendre le temps de voir et de ressentir.
Le yoga s’adapte à toutes les personnes, à toutes les situations de vie. La santé ou la souplesse du corps n’est pas un requis préalable, car ce n’est pas la qualité de la posture qui compte, c’est la qualité de conscience de la posture. Ce n’est pas réussir une posture qui m’intéresse, c’est l’avoir éprouvée (être passé par l’épreuve), et puis savoir ou ça coince, et au contraire savoir ou ça coule.
Je n’entends le frigo que lorsqu’il s’arrête. Je ne vois l’autre que quand il est parti. Le Yoga est fait pour que nous entendions totalement la Vie avant qu’elle ne s’arrête. Les orientaux nomment cet état d’écoute totale : l’éveil. Le Yoga l’appelle : le Samadhi.
Un contre-sens couramment répandu
A lire la presse grand public, il y aurait des pratiques ou des techniques qui permettraient de se protéger des choses désagréables de la vie. Parmi d’autres, le Yoga en serait un exemple. Ce n’est pas mon expérience. Il est mensonger de promettre une vie sans maladie, sans souffrance, une béate zénitude en assise sur un petit nuage. Ce sont des intentions de publicistes et donc des propos manipulateurs. Ce sont les mêmes logiques publicistes qui vous vendent le foie gras à Noel et la cure amincissante en janvier.
Méfiez-vous des promesses miraculeuses dans le domaine de la santé. L’homme est une entité en voie de développement, minuscule organisme dans le cosmos, extrêmement démuni et vulnérable. Le Yoga n’est pas une thérapie, mais un formidable accompagnateur, amplificateur de thérapies.
Certes le bien-être existe. Chacun de nous l’a déjà rencontré, ici ou là, un jour ou l’autre. Mais ce n’est – heureusement – pas une marchandise. On ne peut pas l’acheter. Le bien-être est un cadeau de la Vie, une énergie à aimer dans le temps présent, un instant certes précieux mais toujours éphémère. Le désir du bien-être permanent est toujours source de souffrance.
Car la Vie est Une, et elle ne peut pas se couper en deux. C’est notre mental qui parle en terme duel. La vie dépasse notre langage. Il est impossible de la circonscrire entre bien-être et mal-être. Il est vain de tenter de la réduire à une posture, une technique, une formule.
Assise, observation, immobilité, méditation
Yoga, c’est agir dans le temps et dans l’espace (asana), puis, par contraste, s’arrêter d’agir. Et là, ressentir, comparer et regarder. Yoga, c’est être un moment complètement et intensément dans l’action. Puis s’immobiliser, regarder le théâtre de la Vie et en tirer les leçons. C’est alors le temps de la méditation.
Méditer, c’est l’opposé de « avoir tout le temps le nez dans le guidon ». C’est regarder l’image de soi sur l’écran de la vie. Si le projecteur est posé sur une table vibrante, l’image sera continuellement brouillée, ininterprétable. Mais s’il est posé sur un support immobile, l’image sera claire et facilement interprétable.
Méditer, c’est poser le mental sur un support immobile. Méditer, ce n’est pas dormir. C’est au contraire être attentif, regarder intensément le film, voir que ce n’est qu’un film, sortir de la salle et, enfin, s’éveiller à ce qui est. Les savants appellent cela l’état de Conscience.
Et la respiration
Comme la posture, la respiration relie le monde intérieur au monde extérieur. Inspirer, expirer. Expansion, relaxation. Recevoir, donner. Absolument personne ne peut échapper à cette alternance. En tout cas, pas plus de trois minutes.
La respiration est la seule de nos fonctions physiologiques qui peut être activée volontairement ou involontairement. C’est en ce sens qu’elle est un outil d’étude privilégié en Yoga, un outil toujours disponible, inaliénable, facilement compréhensible. La respiration est donc un de nos plus grands professeurs.
Pratiquer pour apprendre, se connaître, se responsabiliser
La pratique régulière du Yoga nous amène donc à la conscience du corps, de l’esprit, des émotions. Sans cette conscience, nous sommes un robot, une marionnette. Et non pas un acteur de la vie.
Le Yoga cible la question de la conscience. La question du « qui m’agite ? » Qui ou quoi me manipule et empêche mon libre arbitre ? Qui ou quoi me met en marche ? Qui ou quoi est le pilote dans l’avion ? Qui en est le vrai maître ? Qui sont mes vrais maîtres ? De qui ou de quoi est-ce que « je » dépends dans ma vie ?
Parmi les maîtres qui m’apprennent la vie, ce peuvent être l’extase, le plaisir, la souffrance, la maladie, la pesanteur terrestre, l’écoulement du temps, la filiation, la création artistique, l’émotion, la vieillesse, la mort, etc.
Le Yoga nous apprend à établir avec tous ces maîtres une relation d’apprentissage du genre « maître à disciple » et non pas une relation de dépendance du type « maître à esclave » . Cela s’appelle la liberté !
Pratiquer Yoga, c’est accepter de se mettre régulièrement et volontairement dans une situation d’apprentissage, c’est s’entraîner à se voir, à voir l’autre, la nature, l’univers. C’est accepter d’ouvrir les yeux et enfin cesser de « fuir » ce qui fait peur pour, enfin, réussir à soutenir l’insoutenable.
Finalement
Après tout, chacun son destin ! Chacun est libre de partir dans son atelier personnel, de dériver sur son fleuve mythique, de sauver le monde de la haine ou de la malnutrition, de construire des usines ou des cathédrales, de s’asseoir en lotus et de méditer pendant des mois. Il n’y a rien de mal à vous mobiliser dans la quête du mode de vie qui vous convient le mieux.
Car, quoi qu’il en soit, la vie vous fera passer par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Alors, pour cette rentrée, Yoga ou pas Yoga ? La réponse est terrible et magnifique : peu importe !
André Weill
Un chemin du Yoga Un homme curieux pénètre pour la première fois dans une salle de yoga et questionne le professeur. « Si je commence à pratiquer le yoga, quel fruits vais-je en retirer ? » lui demande-t-il. « Tous les fruits auxquels votre cœur aspire depuis longtemps ! » lui répond le professeur. Et, en lui tendant un petit carnet, il l’invite à noter les bénéfices les plus incroyables qu’il souhaite obtenir. L’homme, agréablement surpris de cette proposition, prend le carnet et note avec enthousiasme ses vœux les plus chers : « Je désire trouver ici la sérénité, le calme et la paix. Je désire trouver ici l’amour, la santé, la sagesse. Et puis aussi la guérison de mes addictions. La libération de mes peurs. Une vraie vie d’homme, pleine et entière, lumineuse, sans mensonge ni trahison. Sans guerre, sans violence, sans tsunami. » Les yeux un peu gonflés, l’homme sent son corps se détendre, sa poitrine s’ouvrir et respirer librement. Il sent son cœur battre. Dans le temps silencieux qui suit, il perçoit une chaleur inconnue l’envahir. Derrière ses yeux fermés, filtre la douce lumière de l’espoir. Avec émotion, il veut rendre le petit carnet au professeur, mais se ravise et reprend l’écriture : « Tout ça, je ne le veux pas juste pour moi. Mais aussi pour ma femme, mes enfants, ma famille, mes amis… Et, pourquoi pas, aussi pour mes ennemis. Pour tous les copains du boulot, pour tout le monde dans mon quartier. Pour tous les Grenoblois, pour tous les Français. Et même pour les étrangers. Partout en Europe, en Afrique, en Asie… Au Nord comme au Sud, sur la terre entière, dans tout le ciel, dans tout l’univers. » Le professeur se régale silencieusement et, modestement, remercie le ciel de lui avoir envoyé un élève si motivé. Puis il conclut l’entretien : « Il faut néanmoins que je vous précise une chose. Ici, dans la salle de yoga, ne se trouve aucun des fruits merveilleux que vous cherchez. Ici, vous trouverez les semences, l’eau, un arrosoir et quelques outils de jardinage. Et une carte. Chaque semaine vous apprendrez à vous servir des outils et à lire la carte. Et puis, un jour, de manière imprévisible, vous découvrirez le chemin qui vous emmènera jusqu’à votre verger. » André Weill