REPORTAGE - Policiers, urgentistes, transporteurs, veilleurs de nuit… Ils sont nombreux à travailler alors que les autres dorment. Découvrez leur quotidien et partez en immersion dans cet univers parallèle, à travers une série de portraits-reportages. Premier de cette série, JC Vittu, DJ résident depuis sept ans dans une discothèque grenobloise.
21h, le 3 août 2013 : JC Vittu s'apprête à dîner avec sa fille, sa compagne et deux collègues, venus le rejoindre avant qu'il n'entame sa nuit de travail à 23 heures à l'Ambiance Café. Il y exerce comme DJ quatre nuits par semaine, avec une coupure les lundis, mercredis et dimanches. Ses horaires : 22h-5h du mardi au vendredi et 23h-6h le samedi.
Ce Grenoblois d'origine a commencé le DJing à 17 ans. « J’ai obtenu un BEP de plomberie pour faire plaisir à ma famille » précise-t-il. « Mais, passionné de musique, j'ai tout de suite décidé de suivre ma vocation ». Une passion sans doute héritée de son père, chef d'orchestre, et de sa mère, chanteuse. « C’est d'ailleurs mon père qui m'a enseigné les bases du rythme. »
A 42 ans, il compte désormais 21 ans de travail de nuit. Après avoir sorti deux singles en 1994 et obtenu le titre de Champion de France de Djing en 1996, dans le cadre du championnat organisé par le Disco Mix Club, JC Vittu a exercé dans de gros clubs à Paris et à Lyon, mais aussi en Espagne. Il a depuis enregistré une compilation en 2009.
C’est grâce à son expérience et à ses compétences qu’il arrive à tenir dans ce milieu. « Je suis toujours à la recherche du plaisir des clients. Je les connais bien ». En bon professionnel, il est capable d’anticiper leurs besoins. « Je prends beaucoup de plaisir à exercer mon métier », assure-t-il.
Un plaisir qui se ressent sur la piste. Cette nuit-là, de nombreux clubbers viennent d'ailleurs régulièrement le saluer et le remercier. Conscient de son efficacité, son patron lui laisse carte blanche. « Ma seule exigence est qu’on ne me prenne pas la tête pour la musique parce que je connais mon boulot. »
« Il faut être fait pour la nuit »
Seul aux manettes dans sa cabine, JC Vittu mixe en direct des morceaux qu'il a préparés durant la journée. Et il peut compter sur la solidarité de ses collègues qui le considèrent comme « le grand frère ». Prévenants, les serveurs viennent ainsi régulièrement le voir et lui donner à boire. Tous le savent : l'ambiance et le bon déroulement de la soirée dépendent de lui.
« Il faut être fait pour la nuit », assure-t-il. Lui a toujours su qu’il l’était. « J'ai essayé de bosser de jour mais je préfère travailler la nuit. J'aime cette ambiance et la sensation d’être différent, décalé ». Il lui arrive tout de même d’assurer quelques prestations de jour, mais elles sont peu nombreuses et triées sur le volet. Son heure préférée ? La fin de soirée, vers 5 heures. « J'apprécie le calme, le silence et la ville déserte ».
Après sa prestation, il lui faut une à deux heures pour décompresser. JC dort ensuite entre 4 et 6 heures. « Je me lève généralement vers 12h30, mais n’hésite pas à faire une sieste si mon corps me le réclame. Je récupère bien et n'ai aucun problème de santé. Je ne me sens pas usé par son travail. » JC fait par ailleurs régulièrement du sport en salle pour se maintenir en forme et pouvoir assurer ses nuits de travail. « J'essaye aussi d’avoir une alimentation équilibrée et de faire attention à l’alcool », précise-t-il.
Un métier entre tentations et contraintes
« Il existe beaucoup de tentations dans le milieu de la nuit : les filles, l'alcool, les drogues… ce qui peut rendre la vie de couple difficile », reconnaît le DJ. Il garde pourtant la tête froide. Et si sa compagne travaille également de nuit, elle n'est pas issue du milieu des clubbers.
Depuis longtemps divorcé, le quadragénaire garde sa fille de 15 ans en alternance. « Lorsqu'elle était petite, j'ai toujours su trouver une personne de confiance pour les gardes de nuit ». Maintenant, la jeune fille est autonome. Mais s'il profite d'elle la journée, il se sent un peu en marge par rapport à ses proches, n'ayant pas souvent pu participer aux fêtes et repas familiaux. « Les dimanches en famille n’existent pratiquement pas ». Quant aux vacances, elles sont de courte durée, avec seulement dix jours de congés payés par an.
« Le métier devient de plus en plus dur », constate JC Vittu, qui s’inquiète de sa démocratisation, avec notamment le phénomène électro et la médiatisation des DJs comme David Guetta. « Aujourd'hui, tout le monde peut aller s’acheter deux platines, déplore-t-il. Beaucoup se lancent dans ce métier, sans connaissances particulières, en cassant les prix. »
Reportage photo (cf. portfolio ci-dessous) : Véronique Serre
Rédaction : Muriel Beaudoing et Paul Turenne
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