Ambroisie : alerte allergie

Ambroisie : alerte allergie

DECRYPTAGE – En Rhône-Alpes, 15 à 20 % de la popu­la­tion serait aller­gique au pol­len d’am­broi­sie. L’Isère est le deuxième dépar­te­ment le plus tou­ché de France par cette plante exo­tique deve­nue très enva­his­sante. Si des lois sont dans les car­tons et que la lutte s’or­ga­nise dou­ce­ment, les moyens font, eux, cruel­le­ment défaut. Et pen­dant ce temps, l’es­pèce pro­gresse et atteint désor­mais les zones de montagne.
Ambroisie à feuilles d'armoise / Ambroisie élevée. © sanu 2011

Ambroisie à feuilles d’ar­moise / Ambroisie éle­vée.
© sanu 2011

Elle a sa jour­née, inter­na­tio­nale qui plus est. Depuis 2012, l’am­broi­sie à feuilles d’ar­moise revient sur le devant de la scène chaque pre­mier samedi de l’été (soit cette année, le samedi 22 juin). Pour ceux, et ils sont de plus en plus nom­breux, qui sont aller­giques à son pol­len très léger et par­ti­cu­liè­re­ment aller­gi­sant, c’est l’en­nemi végé­tal numéro un.
Entre 15 et 20 % de la popu­la­tion de Rhône-Alpes y seraient aller­giques. Et entre 195 000 et 258 000 per­sonnes ont béné­fi­cié de soins en rap­port avec cette aller­gie en 2011. Ce qui a repré­senté des coûts esti­més entre 14 et 20 mil­lions d’eu­ros. 40 000 hec­tares de sur­faces de Rhône-Alpes seraient aujourd’­hui conta­mi­nés, fai­sant d’elle la région la plus tou­chée de France.
Quant à l’Isère, c’est le deuxième dépar­te­ment de France le plus infesté, après la Drôme. Dans un inven­taire réa­lisé en 2006, les bota­nistes de l’as­so­cia­tion gre­no­bloise Gentiana ont ainsi relevé la pré­sence d’am­broi­sie dans 342 des 533 com­munes isé­roises. La plante s’é­tend du nord-ouest de l’Isère jus­qu’à l’ag­glo­mé­ra­tion gre­no­bloise et les abords du Vercors. Plus au Sud, elle gagne Bourg d’Oisans et le Trièves.
Répartition de l'ambroisie en Rhône-Alpes. © Ministère du Travail 2011

Répartition de l’am­broi­sie en Rhône-Alpes. Cliquer sur l’i­mage pour l’a­gran­dir.
© Ministère du Travail 2011

Le mal pro­gresse. Vite. Cette espèce, en pro­ve­nance d’Amérique du Nord intro­duite en France au XIXe siècle, a déjà envahi les plaines culti­vées et gagne du ter­rain chaque année. Elle couvre ainsi 800 hec­tares sup­plé­men­taires par an en Rhône-Alpes, soit la sur­face d’une com­mune. Déjà très bien connue des scien­ti­fiques, elle fait tou­jours l’ob­jet d’une sur­veillance rapprochée.
Feuille d'ambroisie. © ambroisie.info

Feuille d’am­broi­sie. © ambroi​sie​.info

Se mul­ti­plient ainsi les études en labo­ra­toire, les repé­rages sur le ter­rain, les mesures de la qua­lité de l’air, du réseau de sur­veillance, les tra­vaux de l’Observatoire natio­nal… Sans comp­ter les arrê­tés pré­fec­to­raux, plans dépar­te­men­taux et actions com­mu­nales. Pas suf­fi­sant tou­te­fois, à en croire Philippe de Goustine, pré­sident de l’as­so­cia­tion Stop ambroi­sie. « Cela fait vingt ans que l’on fait des mesu­rettes », déplore-t-il. « Vingt ans que l’am­broi­sie pro­gresse, que le nombre de malades s’ac­croît. Tous les trois ans, il y a des études fouillées, tous les trois ans, la situa­tion s’ag­grave, et tous les trois ans, on conti­nue de faire de l’in­for­ma­tion ! »
Bientôt clas­sée nuisible ?
Il faut dire que la plante est tenace. Une espèce inva­sive que beau­coup, asso­cia­tions comme élus, vou­draient d’ailleurs voir clas­sée nui­sible pour mieux l’é­ra­di­quer. Celle-ci pousse en avril, fleu­rit de fin juillet à mi-sep­tembre et rejette un maxi­mum de pol­len vers la mi-août. C’est à ce moment-là que les aller­gies se déclenchent. Et il est alors trop tard pour agir.
Arrachage de plants d'ambroisie. © lentilly.info

Arrachage de plants d’am­broi­sie.
© len​tilly​.info

Pour éra­di­quer la plante, on n’a pour l’ins­tant rien trouvé de mieux que de l’ar­ra­cher ou de la cou­per. Une pre­mière fois avant la flo­rai­son qui démarre à la mi-juillet ; puis idéa­le­ment une seconde fois avant que ses graines n’entrent en contact avec le sol, où elles peuvent dor­mir pen­dant plu­sieurs années. Des mesures longues, fas­ti­dieuses, coû­teuses finan­ciè­re­ment comme en moyens humains.
Inapplicables ? « Dans toute la région Rhône-Alpes, les pré­fets ont pris des arrê­tés qui obligent tout pro­prié­taire et exploi­tant à détruire les plants d’am­broi­sie sous peine de sanc­tion pénale », constate Philippe de Goustine. « Mais qui doit faire appli­quer cette sanc­tion ? Le maire ? Ca n’a pas de sens ! Les pou­voirs de police doivent rele­ver de l’Etat ».
C’est le sens de la pro­po­si­tion de loi, dépo­sée en avril der­nier par le comité par­le­men­taire de suivi du risque ambroi­sie, emmené par le député UMP de l’Isère Alain Moyne-Bressand. Celle-ci vise à rendre obli­ga­toire et per­ma­nente la lutte contre l’am­broi­sie. Et ce sur tout le ter­ri­toire. Inscrite dans le deuxième plan natio­nal Santé Environnement 2009 – 2013, la lutte contre cette plante est, en effet, deve­nue un enjeu de santé publique.

Plants d'ambroisie. © chatonico.fr

Plants d’am­broi­sie. © cha​to​nico​.fr

De son côté, la Direction géné­rale de la santé tra­vaille sur un pro­jet de loi englo­bant toutes les espèces recon­nues nui­sibles à la santé humaine, dont l’am­broi­sie. Quant à l’as­so­cia­tion Stop ambroi­sie, elle a été reçue au minis­tère de la Santé, fin mai. La prise de conscience pro­gresse donc, mais la lutte est encore bal­bu­tiante. Et pen­dant ce temps, l’am­broi­sie fait son che­min. Avec, der­rière, le spectre d’une situa­tion à la hon­groise, où 50 % de la popu­la­tion est allergique.
L’ambroisie gagne la montagne
« On est sur un pro­ces­sus très long », résume Philippe de Goustine. « On tourne en rond et l’am­broi­sie, elle, avance très vite ». Qui plus est, la plante prend de l’al­ti­tude. Elle a été vue à 1600 mètres. C’est son record. Et il n’est pas rare de la croi­ser à 1000 mètres, même si c’est en quan­tité moindre qu’en plaine, ce qui limite son impact.

Fleurs d'ambroisie. © ambroisie.info

Fleurs d’am­broi­sie. © ambroi​sie​.info

L’espèce aurait donc une cer­taine capa­cité géné­tique à s’a­dap­ter à l’en­vi­ron­ne­ment. C’est une des hypo­thèses sur les­quelles tra­vaille Sébastien Lavergne, cher­cheur au Laboratoire d’é­co­lo­gie alpine de Grenoble (Leca) de l’Université Joseph-Fourier.
Restent tou­te­fois plu­sieurs zones d’ombre. Pourquoi une plante devient-elle enva­his­sante hors de son milieu d’o­ri­gine ? « Pour l’am­broi­sie, on pense qu’elle a été intro­duite seule, sans ses enne­mis natu­rels », avance le cher­cheur. « La plante croît donc plus vite. Elle inves­tit moins de res­sources dans sa défense et plus dans sa crois­sance ». Et, pour l’heure, pas grand-chose ne l’arrête…
Car l’es­pèce n’a pas de véri­tables enne­mis natu­rels en Europe. Il y a bien un petit coléo­ptère, du nom d’ophraella com­muna, capable de limi­ter sa crois­sance, mais la piste des méthodes de lutte bio­lo­gique com­mence à peine à être explo­rée. Là aussi, il fau­dra du temps. Sera-t-il trop tard ? Sûrement car, pour beau­coup, il est impos­sible d’é­ra­di­quer l’am­broi­sie. Tout juste pourra-t-on conte­nir son développement.

Ambroisie en bord de route. © developpement-durable.gouv.fr

Ambroisie en bord de route. © deve​lop​pe​ment​-durable​.gouv​.fr

Quelle solu­tion alors pour les aller­giques ? « Déménager, c’est ce que les méde­cins recom­mandent », rap­porte Philippe de Goustine. Ou se faire désen­si­bi­li­ser. La méthode est semble-t-il effi­cace… mais longue et coû­teuse. Et elle ne règle pas le pro­blème agri­cole, alors que les agri­cul­teurs enre­gistrent jus­qu’à 60 % de pertes sur cer­taines cultures comme le tour­ne­sol qui pousse en même temps que l’am­broi­sie. En atten­dant, ne reste plus qu’à arracher…
Patricia Cerinsek

Patricia Cerinsek

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