VIDEO – Avec sa lampe torche, l’artiste Jadikan invente, dessine, crée et bricole. Pour réaliser une œuvre d’art, il lui suffit d’un peu d’obscurité et d’un appareil photo numérique. Lors de la Nuit des musées, sa technique a impressionné les Grenoblois, le temps d’une soirée, où il a brossé le portrait lumineux de dizaines de volontaires.
Il expose actuellement ses clichés à la Maison des Arts Plastiques Rhône-Alpes, à Lyon. Zoom sur le lightpainting, un art de la lumière… et du mouvement.
Propos recueillis par Emeline Wuilbercq
Retour sur la Nuit des musées :
« Lors de la Nuit des musées, l’idée était de réaliser une performance, de prendre rapidement les gens en photo pour qu’ils découvrent la pratique du lightpainting. Cela leur permet de comprendre à la fin sur le cliché qu’il n’y a rien autour d’eux mais que ce sont les mouvements qui font cette photographie. »
Informations pratiques :
Exposition du 23 mai au 8 juin 2013 à la Maison Arts Plastiques Rhône-Alpes (MAPRA) à Lyon
Ouverture : mardi et samedi 14h30 – 18h30
Du mercredi au vendredi 10h – 12h30 et 14h30 – 18h30
Plus d’informations sur le site de la MAPRA.
Place Gre’net : Qu’est-ce que le lightpainting ?
Jadikan : Le lightpainting, c’est peindre à la lumière. Cela vient de l’étymologie même de « photographie ». « Photo » signifie lumière et « graphie » écrire. C’est un système de pose longue en photographie dans un endroit sombre avec certaines lumières. Ce n’est pas de l’instantané comme souvent aujourd’hui avec les appareils photos numériques.
D’où vient cette technique ?
Les premiers essais datent de la fin du XIXe siècle. Le lightpainting est apparu en même temps que la photographie. Des gens ont commencé à utiliser de la lumière pour prendre leurs clichés dans la pénombre. Par exemple, l’artiste Franck Guilbert a voulu suivre le mouvement des travailleurs à la chaîne et mis des lumières sur les bras des ouvriers. La photographie de l’albanais Gjon Mili représentant Pablo Picasso dessinant un centaure avec de la lumière dans un atelier d’Aubagne en est une autre illustration. Il y a eu quelques essais en noir et blanc au début du siècle. Ensuite, la couleur est arrivée. Puis le numérique a changé la donne. Aujourd’hui, on peut apprendre plus facilement, être plus précis, la logistique est moins lourde. Il y a de plus en plus de gens qui s’y mettent. Moi, j’en ai fait ma spécialité depuis sept ou huit ans.
Peut-on dire que le lightpainting est une nouvelle forme artistique ?
Totalement. La base du lightpainting, c’est la photographie mais cela regroupe beaucoup de choses. C’est une véritable performance. Quand on prend la photo, l’obturateur reste ouvert pendant plusieurs minutes. Pendant ce temps-là, se joue une chorégraphie avec différentes sources lumineuses. On éclaire une partie du lieu, on change de lampe, de couleur, puis on éclaire une autre partie. On ne voit pas ce qu’on fait dans le noir, il faut savoir ce que l’on veut créer avant de l’exécuter. Cela nécessite beaucoup d’entraînement et de travail pour connaître les outils. Il faut avoir des bases solides en photographie. Après, la chorégraphie est millimétrée, répétée.
En quoi le numérique est-il un atout pour cette technique ?
L’avantage de l’arrivée du numérique, c’est que l’on peut voir directement ce que l’on fait sur l’appareil. En observant le résultat, on peut décider d’éclairer différemment ou bien répéter quasiment à l’identique mais avec de petites nuances pour être plus précis. J’essaie de pousser le médium un peu plus loin, d’ouvrir de nouvelles portes en permanence. C’est pour cela qu’il s’agit selon moi d’une nouvelle pratique artistique. Il n’y a pas de maître à penser, pas de personnes qui ont tout essayé. On peut découvrir, créer ses propres outils, ses pinceaux pour utiliser différents éclairages. La pièce noire est le canevas. La lumière est comme un pinceau qui enlève les zones d’ombre afin de faire apparaître quelque chose de réel ou d’irréel en ajoutant des éléments, en changeant la couleur, les perspectives.
As-tu des endroits de prédilection pour faire du lightpainting ?
Ce que j’aime bien, c’est les lieux avec un peu de patine, qui ont du vécu. Je travaille la nuit, longtemps après le coucher du soleil. J’aime bien aller dans ces endroits laissés à l’abandon car il n’y a pas de lumière. Cela me donne des conditions optimales pour travailler. L’idéal est de se retrouver à 2 heures du matin dans une friche industrielle abandonnée. C’est une sensation particulière, on réinvestit les lieux. Personne n’est là, personne n’a été là pendant des années. Soit on a trouvé une petite porte pour entrer, soit on a grimpé sur un mur et on se retrouve dans cet endroit. Puis, on le transforme sans vraiment toucher à sa structure. L’idée est d’utiliser les subtilités du lieu, de le mettre en valeur, de l’éclairer pour créer une œuvre originale.