FACE CAMERA – Premier employeur du département avec plus de 11 500 professionnels répartis sur trois sites, le CHU Grenoble Alpes est en pleine mutation. L’hôpital amorce en effet un projet de modernisation de grande ampleur, tout en gérant des défis quotidiens allant des urgences saturées à l’adaptation aux violences urbaines. Rencontre avec Monique Sorrentino, directrice générale du Chuga, à l’occasion d’un Face caméra réalisé dans les locaux de Place Gre’net.
Avec un site principal à Michallon et deux autres à Échirolles et Voiron, le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes est aujourd’hui engagé dans une ambitieuse modernisation, soutenue par une enveloppe de 220 millions d’euros annoncée par le ministère de la Santé. Un dossier sur lequel est revenue Monique Sorrentino, directrice générale du Chuga.
Baptisé projet CIME – pour Créer, Innover, Moderniser Ensemble – ce plan de modernisation du CHU s’inscrit dans une stratégie de transformation sur dix ans. Objectif : rénover le site de Michallon, construit dans les années 70, devenu inadapté aux pratiques actuelles. « Il n’y a pas de sécurité incendie conforme, il n’y a pas de douches dans les chambres. Et puis, surtout, les organisations ne sont plus du tout adaptées à l’évolution des techniques », souligne Monique Sorrentino.
« On va ainsi reconstruire un gros tiers du CHU », selon Monique Sorrentino
L’opération, évaluée au total à 560 millions d’euros, démarre par une première grosse tranche qui se terminera en 2030, avec une grande extension sur le parking actuel. Suivra une rénovation progressive de chaque tour de l’hôpital jusqu’en 2035.
Une approche qui se veut progressive et adaptable. « On va ainsi reconstruire un gros tiers du CHU et on pourra à nouveau s’ajuster avant de lancer les autres tranches », précise Monique Sorrentino. La flexibilité du projet, avec des clauses de revoyure, permettra ainsi d’ajuster les besoins en fonction de l’évolution des soins : « Peut-être qu’on aura besoin de plus de lits d’hospitalisation […], peut-être de plus de blocs opératoires. »
Monique Sorrentino, directrice générale du CHU Grenoble-Alpes, lors d’un face caméra à Place Gre’net. Photo : placegrenet.fr
Si les 220 millions d’euros abondés par l’État couvrent une large part de ce projet, le reste devra être financé par des moyens internes et de l’endettement. Rien d’inhabituel pour la directrice générale, qui souligne le soutien public particulièrement important pour cette modernisation. « On n’a jamais eu un tel niveau d’aide et je tiens à remercier le Ségur de la Santé qui, à la sortie du Covid, a permis de trouver des financements pour moderniser l’ensemble des hôpitaux en France », rappelle-t-elle.
Urgences : une organisation pérenne autour du 15
Depuis 2021, certains services d’urgence du territoire fonctionnent en mode adapté la nuit, faute d’urgentistes en nombre suffisant. Les patients doivent désormais composer le 15 avant de se déplacer – une mesure initialement temporaire, devenue la norme. « Je ne pense pas qu’on reviendra en arrière », avance Monique Sorrentino.
« C’est vraiment le 15 qui est le mieux à même de savoir vers quelle structure vous orienter. » La directrice générale insiste également sur les efforts de coordination faits entre les acteurs de santé, publics comme privés, et la mise en place de filières spécifiques, notamment avec les infirmières d’accueil et d’orientation, pour mieux gérer les flux.
Concernant les critiques récurrentes portant sur l’accueil des personnes âgées aux urgences, la directrice défend un travail de fond, particulièrement en matière de prévention. « Il y a énormément d’actions mises en place en amont », détaille-t-elle, « où on essaye d’articuler encore mieux qu’avant les liens entre le social, le médico-social et le sanitaire. » Et de citer un projet mené avec La Poste pour dépister la fragilité des personnes âgées à domicile. « On essaye d’adapter au mieux la prise en charge afin d’éviter que les choses ne s’aggravent et que le dernier recours ne soit l’hôpital. »
Violences urbaines : le Chuga préparé aux situations exceptionnelles
Le CHU doit aussi désormais faire face à une autre réalité : celle des violences liées aux trafics dans l’agglomération grenobloise. Des blessures graves, parfois causées par des armes de guerre de type kalachnikov voire, début 2025 par une grenade, doivent ainsi être prises en charge en urgence.
« On a ce que nous appelons des plans de situation sanitaire exceptionnels », explique Monique Sorrentino. « L’hôpital a parfaitement bien fonctionné la nuit [de l’explosion de la grenade], avec beaucoup d’interventions chirurgicales et d’expertises différentes disponibles H24. »
« Le CHU est non seulement une ville dans la ville, mais une ville qui ne dort jamais. » Cette permanence de soins 24 heures sur 24 et sept jours sur sept repose sur un équilibre délicat. « Le travail de nuit ou de week-end ou de jours fériés, en fait, représente 75 % du temps de travail », souligne-t-elle.
« C’est pour ça que la question de l’attractivité est vraiment très importante et que le sujet de permanence de soins – c’est-à-dire quand est-ce qu’on demande à des personnes de ne pas être avec leur famille le samedi, le dimanche, etc. – est un vrai sujet sur lequel on travaille avec le plus de précision, le plus de souplesse possible pour que ce soit tenable pour les équipes. »
Un hiver sous le signe de la traumatologie et de la grippe
La saison hivernale reste une période particulièrement dense pour le CHU, entre traumatologie liée au ski, grippe saisonnière et afflux touristique. La coordination avec les cliniques, le Samu ou les médecins de montagne demeure ainsi essentielle.
« Chaque fois, on essaye de travailler sur la prévention […] par exemple, pour éviter que les grands-parents qui accompagnent leurs petits enfants au ski ne glissent sur un trottoir glacé », illustre Monique Sorrentino.
Celle-ci profite de l’occasion pour rappeler l’importance de la vaccination contre la grippe, encore trop négligée : « Probablement que nous aurions pu écourter ou supprimer certaines hospitalisations si la population s’était vraiment bien vaccinée » ; juge-t-elle. Quant au Covid, c’est devenu une maladie parmi tant d’autres, juge la directrice. « On a passé cette crise terrible », se félicite-t-elle.