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La longue route vers la France des réfugiés ukrainiens. DR

Réfugiées ukrai­niennes à Grenoble : « Nous avons toutes laissé nos vies en Ukraine »

Réfugiées ukrai­niennes à Grenoble : « Nous avons toutes laissé nos vies en Ukraine »

TÉMOIGNAGES - Depuis le début de la guerre en Ukraine, près de trois millions de réfugiés ont fui leur pays. Pour leur venir en aide, les autorités, associations et collectivités de toute l'Europe tentent d'assurer leur accueil dans les meilleures conditions possibles. Avec, en parallèle, des initiatives personnelles telles que celle de la famille Grange, qui a accueilli dans son appartement de Grenoble jusqu'à huit réfugiés ukrainiens dont quatre enfants. Rencontre avec ces nouveaux venus.

Après quatre jours de périple, ils ont fini par arriver à Grenoble dans la nuit du 1er au 2 mars, à 4 heures du matin. Anastasia, 33 ans, Tatiana, 39 ans et ses deux enfants, Kira et Mariia, ainsi que Oksana, mère d'Anastasia et d'Alexander, âgés de 14 et 16 ans, ont fui l'Ukraine en passant par la Moldavie, la Roumanie, la Hongrie, la Slovénie et enfin l'Italie5La route qui menait à Lviv près de la frontière polonaise était saturée et les temps d'attente trop longs, ce qui a justifié ce choix.. Leur point de chute : un appartement, rue de Bonne à Grenoble. Celui de leurs amis français Simon, Jeanne et leurs cinq enfants.

Le périple à travers l'Europe depuis l'Ukraine du petit groupe de réfugiés ukrainiens. © K-To-G

Le périple à travers l'Europe depuis l'Ukraine du petit groupe de réfugiés ukrainiens. © K-To-G

« Nous avons toutes laissé nos vies en Ukraine. Nous sommes parties juste avec un sac, tout comme énormément de monde. C'est extrêmement difficile de se retrouver dans cette situation », témoigne Anastasia. « J'avais peut-être envie de partir en vacances, d'autres d'acheter un appartement ou de s'investir dans leur travail pour leur avenir. Et, soudain, tout s'est brutalement arrêté du jour au lendemain », se désole-t-elle. Avant d'ajouter: « Nous n'étions absolument pas prêtes pour ça ! »

« Il y a les bombes sur les routes, c'est très compliqué de sortir des villes »

Anastasia, gestionnaire de production, habitait Kiev depuis son enfance avec sa mère Tatiana, journaliste. Sa grand-mère ne pouvant plus marcher, elle n'a pas pu partir d'Ukraine. De plus, « il y a les bombes sur les routes, c'est très compliqué de sortir des villes », rappelle la jeune femme.

Quant à Natalia, également originaire de Kiev, elle a dû abandonner son métier de coiffeuse dès les premières sirènes d'alerte. Son père est, lui aussi, resté en Ukraine, dans une petite ville. « Quand nous avons l'occasion de parler avec lui, il dittout va bien” mais nous savons bien qu'il essaie de nous rassurer », rapporte Anastasia. Qui indique par ailleurs que les communications avec les familles ou les amis restés au pays sont très difficiles et aléatoires.

« Aujourd'hui, nous pouvons les joindre mais pendant deux ou trois jours, c'était impossible ». À titre d'exemple, Micha, l'ami de Tatiana, ne parvenait pas à joindre sa mère et sa grand-mère à Marioupol, une ville du Sud-Est de l'Ukraine dévastée et assiégée par l'armée russe.

“Nous avons laissé nos vies en Ukraine” témoigne une réfugiée à Grenoble. Les longues attentes dans les abris après le retentissement des sirènes en Ukraine. DR

Les longues attentes dans un abri après le retentissement des sirènes en Ukraine. DR

Dans cette même ville, l'un des habitants possédant un puits a vu presque 1 000 personnes défiler pour y prendre un peu d'eau, celle-ci étant totalement coupée à Marioupol. « Durant six jours, mon frère qui habite une petite ville située près de Kiev n'a pas pu sortir de son abri, même pour prendre de l'eau », raconte Natalia. Vraisemblablement à cause des snipers6Le sniper est un tireur d'élite utilisé dans divers contextes pour effectuer des tirs “chirurgicaux” sur de longues distances afin d'éliminer des ennemis.. Deux exemples parmi d'autres de la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les habitants de certaines villes ukrainiennes. Qui font également face à la difficulté de s'en extirper, les couloirs humanitaires étant très peu respectés par l'armée d'invasion de Vladimir Poutine.

Un blog devenu une association pour accueillir d'autres réfugiés d'Ukraine

« Je connais Anastasia et Tatiana depuis maintenant plus de vingt ans. Ce sont des amies et j'étais allé voir Tatiana à Kiev l'année dernière, relate Simon. Dès les premiers bombardements, elle m'a demandé de venir la chercher elle et ses enfants, ainsi qu'Oksana et les siens. C'est comme ça que tout a commencé. »

“Nous avons laissé nos vies en Ukraine” témoigne une réfugiée à Grenoble. Au premier plan, Natalia, 35 ans, qui a rejoint le petit groupe le 9 mars après être passée par Cracovie et Vérone. aux côtés d'Anastasia. © Simon Grange

Au premier plan, Natalia, 35 ans, qui a rejoint le petit groupe le 9 mars après être passée par Cracovie et Vérone. aux côtés d'Anastasia. © Simon Grange

« Nous avons alors fait un appel aux dons auprès de ma famille et des amis pour les accueillir, les héberger et qu'ils puissent disposer de tous les produits de première nécessité », rapporte-t-il. « J'ai été très agréablement surpris de tous ces gens qui nous ont aidés à chaque fois que nous avons demandé de l'aide."7Anastasia et Natalia n'habitent désormais plus rue de Bonne. Après un studio financé grâce aux dons devenu trop petit, elles viennent de visiter un appartement pour y habiter toutes les deux ensemble. Quant à Tatiana, Kira et Micha, ami de Tatiana arrivé trois jours après, ils ont emmenagé dans un autre appartement du centre-ville. Tandis que Mariia, la grande fille de Tatiana, reste dans l'appartement de Simon. Un premier temps informel avant de déposer, le 4 mars 2022, les statuts d'une association nommée K-To-G, destinée à « réunir ces dons et faire venir d'autres personnes et structurer tout ça plutôt que faire au jour le jour ». Par KTG entendez Kiev To Grenoble, le nom du blog en ligne créé au début de cette initiative.

Quid des autres associations iséroises qui viennent, elles aussi, en aide au réfugiés d'Ukraine ? « Pour l'heure, par manque de temps, nous ne sommes pas du tout en lien. Mais, dans l'idéal, maintenant que nous sommes une association, et dans l'objectif de nous développer, il faudrait qu'on les rencontre », reconnaît volontiers Simon.

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Joël Kermabon

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