FOCUS – Un entretien en direct avec deux magistrats ? C’est ce que proposaient Éric Vaillant et Jacques Dallest, respectivement procureur de la République et procureur général près de la cour d’appel de Grenoble, au cours d’un échange en visioconférence ouvert à tous, organisé le lundi 22 novembre dans le cadre des États généraux de la justice. Un exercice auquel les deux magistrats se sont adonnés sans langue de bois.
Exercice inhabituel pour le procureur de la République de Grenoble Éric Vaillant et le procureur général près la cour d’appel de Grenoble Jacques Dallest : les deux magistrats invitaient les citoyens qui le désiraient à un échange sous forme de questions-réponses en visio, le lundi 22 novembre entre 14 et 15 h 30. Un rendez-vous organisé dans le cadre des États généraux de la justice, lancés en octobre 2021.
Objectif de l’initiative, rappelé par Jacques Dallest en préambule ? « Consulter la population et recueillir leurs opinions, leurs avis, leurs propositions sur le monde un peu particulier de la justice qui est souvent dans l’actualité et souvent critiqué ». Prévus jusqu’au mois de février 2022, les États généraux doivent aboutir à un « état des lieux » accompagné de propositions pour améliorer la justice du quotidien, qu’elle soit pénale ou civile.
Des échanges sans langue de bois
Si les participants à la réunion se sont montrés (relativement) discrets, amenant parfois les deux magistrats à endosser le rôle d’animateurs, les questions n’en ont pas moins démontré un réel intérêt du public pour la justice. À commencer par son fonctionnement : ses moyens ou son indépendance vis-à-vis du pouvoir. Tandis qu’un internaute était pour sa part simplement curieux de savoir à quoi ressemble la vie quotidienne d’un magistrat.
Des questions auxquelles Jacques Dallest comme Éric Vaillant ont répondu sans langue de bois. Les moyens ? « On en manque toujours ! On court après des effectifs parce que les contentieux sont en augmentation et qu’il faut des personnes pour les traiter », a expliqué Jacques Dallest. L’indépendance ? « Elle existe mais elle reste fragile. C’est pourquoi je milite pour qu’elle rentre de plus en plus dans les textes », a pour sa part indiqué Éric Vaillant.
Quant à la vie quotidienne d’un magistrat, celle-ci se compose de beaucoup de réunions… et peut être bouleversée à tout moment par un événement d’importance. « C’est aussi pour ces grosses affaires que l’on fait ce métier. Pour se confronter à des affaires qui ont de la résonance pour l’opinion publique, qui suscite la réflexion des uns et des autres », a confié Éric Vaillant.
Une justice trop laxiste à Grenoble ?
Mais sans surprise, la question de la délinquance à Grenoble s’est également posée. Avec, en toile de fond, la suspicion d’une justice grenobloise trop « laxiste ». « Ça me fait toujours un peu mal d’entendre que la justice grenobloise est laxiste. Il y a besoin de règles, et ces règles il faut qu’on les respecte ! », a répliqué Éric Vaillant. Qui a signé un joli lapsus, en rappelant que la justice « ne se rend pas sur un claquement de droit ».
Le procureur a par ailleurs mis les points sur les i : « On ne peut pas envoyer tout le monde en prison. Même si on construit encore plus de prisons et qu’on envoie encore plus de monde en prison, on ne pourra pas envoyer tout le monde en prison. » Et de rappeler que la justice dispose d’un éventail de réponses pénales, par exemple le suris probatoire ou les travaux d’intérêt général. « C’est le travail des magistrats d’essayer de déterminer la sanction pour tel ou tel dossier. C’est là que l’on rend une justice humaine », estime Éric Vaillant.
Jacques Dallest a rappelé, pour sa part, que ceux qui prônent une justice expéditive sont eux-mêmes très soucieux du respect de leurs droits quand un accident de parcours les amène devant l’institution. Un paradoxe qui s’observe pour le simple citoyen… comme pour des élus, voire d’anciens présidents de la République. Quand cela se produit, « on est content de trouver un avocat, des policiers qui respectent la procédure, et d’avoir une justice », a conclu le magistrat.