FOCUS – Le terrain de Grenoble-Le Versoud devient le premier aérodrome en France à être doté d’une procédure d’approche IFR (aux instruments, sans visibilité directe) dédiée aux hélicoptères. De quoi faciliter le travail des spécialistes du secours en montagne qui opèrent en hélicoptère biturbine Dragon 38. Tout en compliquant celui des usagers en vol à vue (VFR).
Il aura fallu trois ans de travail et d’échanges entre la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) et la Sécurité civile pour que le terrain de Grenoble – Le Versoud obtienne cette qualification : la nouvelle procédure d’approche IFR (vol aux instruments et pas à vue) impliquant une série de manœuvres prédéterminées.
L’aérodrome accueille la base hélicoptère de la Sécurité civile de Grenoble, créée en 1957. Il s’agit de « la première base hélicoptère en France dédiée au secours ». Elle emploie toute l’année cinq pilotes et cinq mécaniciens opérateurs de bord. Ces spécialistes du secours en montagne opèrent au moyen d’un hélicoptère biturbine EC 145, surnommé Dragon 38. Un appareil jaune et rouge que l’on voit régulièrement dans le ciel grenoblois.
Un second hélicoptère du même type l’accompagne, basé à l’altiport de l’Alpe‑d’Huez durant les six mois de haute saison touristique. L’activité de la base hélicoptère est essentielle, avec « près de 1 400 missions chaque année ». Soit 40 000 secours depuis la création de la base.
Une procédure innovante liée à une évolution technologique récente
La nouvelle procédure d’approche aux instruments IFR « Point In Space – PinS » est dédiée aux hélicoptères des opérateurs autorisés. Pour l’instant, seuls les pilotes de la Sécurité civile de Grenoble et d’Annecy l’emploient. Mais à terme, elle pourrait bénéficier à d’autres. La gendarmerie, par exemple.
Son intérêt ? Lors de la formation d’une « mer de nuages » dans la vallée, il est impossible de percer la couche de stratus en respectant les règles du vol à vue. Et celle-ci bloque techniquement l’accès au Grésivaudan par le ciel de l’automne au printemps.
Durant les 60 dernières années, « les pilotes s’adaptaient en cherchant des trous pour descendre dans la vallée, ce qui fai[sai]t perdre du temps et du kérosène », a ainsi expliqué Renaud Guillermet, chef de la base, au journal Aerobuzz.
Techniquement, il s’agit d’utiliser l’instrumentation de l’hélicoptère et la compétence des pilotes pour pouvoir, à l’aide de points GPS précis, traverser les nuages. Et ainsi pouvoir déposer les blessés en un temps record au CHU. L’hélicoptère doit respecter une vitesse dans l’air et une pente de descente données. Il doit également posséder un équipement de pointe lui permettant une grande précision latérale dans le vol.
Une procédure encore en développement à Grenoble-Le Versoud
Cependant, s’il est possible d’approcher le Versoud aux instruments, le terrain, lui, n’est pas IFR. Il permet d’atterrir de jour uniquement et pendant les heures de présence des contrôleurs du Versoud. La procédure détermine donc un point appelé MAPT, où le pilote prend la décision finale. Soit il interrompt son approche si les conditions de vol à vue ne sont pas réunies, soit il rentre au CHU ou à la base.
Cette hauteur de décision est fixée à 1200 pieds (à peu près 365 mètres du sol), ou 200 pieds (60 m) au-dessus du tour de piste. Dragon 38 doit donc être sorti de la couche à cette hauteur.
Si la mer de nuages va jusqu’au sol, il n’est donc toujours pas possible d’atterrir complètement aux instruments. Dans la pratique, cependant, Renaud Guillermet déclare que les « temps de transit vers et depuis la zone de travail sont assez courts. De l’ordre de vingt minutes et jusqu’à trente minutes pour des missions considérées comme très longues. »
Les pilotes peuvent désormais traverser sans hésitation jusqu’à 4000 pieds (1200 m) de stratus, avec une sécurité accrue. La nouvelle procédure permet à la fois d’économiser du temps, du kérosène et les ressources mentales du pilote et de l’opérateur. Pour l’instant, elle ne permet l’approche que dans deux sens mais de nouveaux développements sont prévus. L’idée est, par la suite, « d’abaisser les minimas et de passer sous les 1 200 ft de MDH (Hauteur minimale de décision). Et de réaliser des approches avec guidage sur plan de descente (LPV) »
Et peut-être, à terme, de créer des départs IFR. Cependant, « malgré les points GPS publiés, il est nécessaire de connaître l’environnement du Versoud de manière très précise. » Et désormais, les pilotes en VFR (pilotage à vue) vont tout de même devoir être prudents. Malgré la vigilance du mécanicien opérateur, une attention accrue à la radio est en effet souhaitable. Puisque l’hélicoptère peut maintenant surgir des nuages.
Pas d’amélioration des nuisances sonores aux Eaux Claires
Dragon 38 se pose fréquemment à la CRS des Alpes, qui se situe dans le quartier des Eaux Claires, sur l’avenue Rhin-et-Danube. De quoi excéder certains habitants du fait du bruit généré par les pales de l’hélicoptère, qui parfois se pose de nuit. Ou bien de façon répétée, comme en témoignait récemment Bruno Ferrand, citoyen grenoblois : « Hier soir à 21 h 15, puis 21 h 38, puis 22 h 16 !? »
Celui-ci insiste sur le fait que ce terrain ne se situe pas sur le « plus court chemin pour aller
à Belledonne ou en Chartreuse… »
La Compagnie républicaine de sécurité (CRS) des Alpes et le le Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) assurent alternativement le secours en montagne. Ces deux unités travaillant de concert avec la Sécurité civile, les départs hélicoptères sont aussi bien à Grenoble qu’au Versoud ou à l’altiport d’Huez.
Eventuellement au poste de La Bérarde en été. Reste qu’en inter-saison « les secouristes restent basés au Versoud et à Grenoble. » Et que l’hélicoptère doit donc s’y rendre régulièrement…