FOCUS – Ce mercredi 14 octobre, le président de la République s’exprimait sur la situation sanitaire et économique au cours d’une allocution très attendue. Il a annoncé un couvre-feu de 21 heures à 6 heures dans neuf métropoles, dont celle de Grenoble, pour quatre semaines reconductibles.
C’est au cours d’une interview avec Anne-Sophie Lapix (France 2) et Gilles Bouleau (TF1) qu’Emmanuel Macron a rendu publiques les dernières mesures de lutte contre l’épidémie de Covid-19.
Une présentation qui a débuté sur un ton se voulant rassurant. « Nous n’avons pas perdu le contrôle. Nous sommes dans une situation préoccupante, qui impose que nous ne soyons ni inactifs, ni dans la panique. »
Et le président de rappeler que la France n’est pas seule à faire face à cette épreuve. « Cette deuxième vague remonte partout en Europe. […] L’Allemagne est quinze jours derrière nous. Les Pays-Bas, l’Espagne sont dans une situation encore plus critique. »
Le virus, qui a fait 30 000 victimes durant la première vague et 2 000 depuis, tue selon l’OMS, 0,6% des personnes touchées. Principalement les plus fragiles. Les personnes de plus de 65 ans et celles qui ont des comorbidités. Emmanuel Macron n’a toutefois pas manquer d’insister sur le fait qu’il « y [avait] des formes sévères à tous les âges. » En effet, « en ce moment, la moitié des personnes en réanimation pour cause de Covid ont moins de 65 ans », a‑t-il indiqué.
« Ce virus est dangereux et grave pour tout le monde »
D’où ce message, martelé à l’envi : « Ce virus est dangereux et grave pour tout le monde. » Avec chaque jour, 20 000 nouveaux cas en moyenne et 200 personnes entrant en réanimation.
« On doit protéger les plus précaires. On doit protéger nos soignants », insiste-t-il. En rappelant que, même s’ils ne souhaitent pas se protéger du Covid à proprement parler, ces cas obèrent les capacités du système hospitalier dans toutes ses composantes. Et réduisent d’autant l’offre de soins.
En Île de France, cette situation a déjà mené à des déprogrammations d’opérations pour d’autres raisons de santé. Emmanuel Macron avertit : « Les services de réanimation sont dans une situation qui n’est pas soutenable. La différence entre maintenant et mars, c’est que la situation n’a pas décollé à ce point. Mais nos services hospitaliers sont dans une situation plus préoccupante qu’alors. »
Car, si le virus était alors très majoritairement circonscrit aux régions Grand Est et parisienne, il est désormais partout. « Nous n’avons pas de lits cachés. C’est pourquoi nous devons prendre des mesures plus strictes pour reprendre le contrôle. »
Une situation variable selon les régions
La situation varie toutefois en fonction des régions. En effet, au 10 octobre, dix départements étaient dans le rouge du point de vue du taux d’incidence. Avec plus de 250 habitants sur 100 000 positifs au Covid-19. Tandis que d’autres, comme la Guyane, étaient dans le vert (en-dessous de 50).
En Isère, les chiffres de la semaine (tableaux ci-contre) viennent de tomber.
Après la (relative) pause de la semaine 40, le taux de tests Covid positifs repart à la hausse en semaine 41. Il atteint 16.6% en moyenne, avec une certaine variabilité selon les centres de test, alors que le nombre de tests réalisés, en hausse constante, atteint 9500 par semaine.
Couvre-feu et état d’urgence sanitaire national
Suite à la présentation d’un décret en Conseil des ministres, ce mercredi 14 octobre, l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire français est rétabli. Et ce à partir de minuit dans la nuit du vendredi 16 au samedi 17 octobre.
L’utilité de cette décision ? Une fois adoptée, cette procédure exceptionnelle permet de prendre toutes les mesures nécessaires et « strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ». Le couvre-feu, au sujet duquel des rumeurs couraient déjà depuis plusieurs jours, est par ailleurs mis en place.
« Ça a marché en Guyane », déclare le président. Et, plus généralement, « la réduction des contacts sociaux a fonctionné », notamment « en Mayenne ». Un couvre feu qui s’applique à la région Île-de-France et à huit métropoles : Grenoble, Lille, Lyon, Aix-Marseille, Montpellier, Saint-Étienne et Toulouse.
S’il débutera à minuit dans la nuit de vendredi à samedi pour quatre semaines, Emmanuel Macron parle déjà de le prolonger jusqu’au 1er décembre. « Six semaines, c’est le temps qui nous paraît utile », déclare-t-il ainsi. Et après ? « Si pendant six semaines on tient le couvre-feu, si on est collectivement responsables d’un engagement de réduction des contacts sociaux… », il sera peut-être possible de le lever.
Le but n’est pas d’éliminer toute vie sociale, assure-t-il solennellement. « Ce qu’on veut attraper, avec ce couvre-feu, ce sont les parties, les anniversaires, les soirées festives. » À 21 heures, tous les restaurants, bars, cinémas… fermeront donc. Il n’y aura cependant pas une « interdiction de circuler entre 21 heures et 6 heures du matin. Il y aura une stricte limitation ».
Une limitation qui implique contrôles et amendes. « Une amende de 135 euros, la même que pour les masques. En cas de récidive, c’est 1500 euros. » Les forces de l’ordre seront donc mobilisées… « de manière proportionnée ».
Objectifs affichés : que « ces 20 000 cas passent à 3 à 5000 cas » et réduire les entrées en réanimation. Les déplacements régionaux ne seront, eux, pas limités. Pas plus que l’offre de transports en commun, sur lesquels il n’y aura aucune restriction. D’autant que certaines personnes vont continuer à travailler de nuit, munies d’autorisations spécifiques.
Le président appelle au respect du couvre-feu et au bon sens
« Si on ne veut pas prendre dans quinze jours, trois semaines, des mesures encore plus dures », il faudra respecter ce couvre-feu, met en garde Emmanuel Macron. Avec comme maître-mot de cette interview « le bon sens », revenu à maintes reprises dans son discours.
Et s’il a précisé ne pas vouloir infantiliser la population, le président a réclamé une véritable bulle sociale de six personnes maximum. La « règle des six ». Mais « si on a une grande famille, 8 ou 9 personnes, encore une fois, du bon sens ! On peut les voir, manger ensemble ». L’idée ? Mettre en place des mesures qui ne seraient formalisées ni dans des décrets, ni des protocoles précis. Mais « que chaque citoyenne et citoyen s’approprie pleinement ».
Les piliers de la stratégie gouvernementale
L’objectif, c’est de réduire les contacts privés qui sont les « contacts les plus dangereux ». « Avoir des gestes d’affection sans aucune précaution, ce n’est pas adapté à la période que nous vivons », précise Emmanuel Macron.
Qui mise aussi sur une meilleure gestion des tests, tant décriée jusqu’alors. Des tests antigéniques seront ainsi bientôt disponibles. Fournissant un résultat en quinze à trente minutes, ils seront réalisables en pharmacie. « On continue à innover pour aller sur des autotests, à partir du sang ou lde a salive, » a par ailleurs annoncé le président.
Deuxième axe : l’alerte. Le but est d’alerter les cas contacts, ce que l’application Stop Covid n’a jamais réussi à faire. Ou si peu, celle-ci n’ayant permis au final de ne prévenir que 493 personnes.
Et Emmanuel Macron de relativiser cet échec : « Chez nos voisins, très peu de cas ont été découverts au travers des applications », en dépit d’un nombre de téléchargements très supérieurs. Une nouvelle mouture va ainsi voir le jour. « Tous anti-Covid » proposera des informations générales aussi bien que des informations locales. Et viendra accompagnée d’un mode d’emploi. « Ça ne sert à rien de l’allumer tout le temps. Quand vous allez au restaurant, quand vous allez – quand on pourra les réouvrir – au bar, vous allumez l’appli. »
Une situation sociale de plus en plus complexe
D’un côté, il y a les jeunes, étudiants ou non. Privés de sorties, mais surtout d’opportunités d’emplois. « C’est dur d’avoir 20 ans en 2020. Je ne donnerai jamais de leçons à nos jeunes, » déclare Emmanuel Macron. De l’autre, les salariés. eux-ci ne vont subir aucune nouvelle mesure en faveur du télétravail systématique. « C’est un outil intelligent », reconnaît le président. Cependant, « si c’est une règle nationale, on réisole les gens ». Et d’ajouter que « dans un appartement, avec les enfants à la maison, cela devient vite très dur. »
Encore une fois, « il faut du bon sens ». Il faut « que les entreprises fonctionnent, que les professeurs soient en classe ». Il y aura donc probablement des négociations au cas par cas, l’idée étant d’inciter les gens à faire « deux à trois jours de télétravail par semaine ». Aucune fermeture de commerces, de services de proximité ou d’écoles n’est ainsi prévue.
Enfin, dernier groupe : les entrepreneurs, qui accusent le coup du confinement, du couvre-feu et des mesures de sécurité de plus en plus restrictives. Le gouvernement est bien conscient des conséquences de ses décisions. « On a conçu des règles qui font qu’on est très bien protégés. Il est sûr qu’il y aura des conséquences économiques pour [les secteurs de l’événementiel, de la restauration…] »
Il est question d’aider les théâtres et les cinémas à pouvoir reprogrammer. De réactiver le chômage partiel à 100 % pour l’employeur. Les prêts garantis par l’État vont pouvoir également être décalés.
Une concertation locale avec « tous les métiers concernés »
Et, dès ce vendredi 15 octobre, dans chacune des métropoles ciblées, dont Grenoble, une concertation locale va être lancée « avec tous les métiers » frappés par le couvre-feu, afin d”« améliorer la réponse économique ».
Des dispositifs de soutien supplémentaires seront par ailleurs mis en place. « Je ne veux pas que nos indépendants, nos TPE nos PME, tombent en faillite à cause du couvre-feu. »
Et le président de conclure en motivant les troupes. « J’ai besoin de chacun d’entre vous. Nous avons besoin les uns des autres. On sortira de cela en étant une nation plus résiliente. On va continuer à régler la crise climatique, re-produire des médicaments, des matériaux nécessaires, et on sortira plus forts, car on sera plus unis. »