FOCUS - Les syndicats de l'hôpital Nord de Grenoble manifestaient ce jeudi 17 septembre en face de la direction Michallon. Leur but : obtenir une répartition des emplois "plus juste" mais également la reconnaissance d'un statut spécifique pour les brancardiers du bloc opératoire.
Devant la direction Michallon au CHU de la Tronche, plus d'une cinquantaine de personnes étaient rassemblées ce jeudi sous la bannière "Stop piston !" Des personnels membres de quatre des syndicats représentés au CHU de Grenoble : l'Unsa, Sud, Force ouvrière (FO) et la CGT. La CFDT et le syndicat Defis étant quant à eux absents.
Les deux syndicats n'ont en effet pas souhaité participer au mouvement dénonçant une situation qui dure "depuis très longtemps", selon Nidhal Hamdani, responsable du syndicat Unsa.
"Jusqu'aux dernières élections, ces syndicats étaient majoritaires et verrouillaient tout... Parce que, pour organiser un mouvement comme celui-là, il faut que nous ayons la majorité des sièges. Aux dernières élections, les deux syndicats majoritaires ont chuté, et les quatre qui sont restés, ce sont les quatre présents."
"Stop piston !" à l'hôpital
Le but de cette manifestation ? Avant tout, dénoncer les injustices d'évolutions de carrières au sein de l'hôpital. "Ils créent des postes, les attribuent aux copains, ne les font pas paraître alors qu'on est dans la fonction hospitalière, dénonce Nidhal Hamdani. Alors qu'on dépend de décrets, de notes de services, de concours officiels. Ils créent des concours et ne les diffusent pas, comme la loi oblige, sur notre intranet."
L'affaire qui a déclenché la mobilisation, c'est la note de service DG/ED/20-005. En effet, suite à l'épreuve du Covid-19, certains personnels de l'hôpital de catégorie B et C ne se sentent pas reconnus. "Un ras-le-bol général se fait sentir. Cette nomination suspecte des nouveaux surveillants de garde est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase."
"Attribution d'une mission transversale supplémentaire" ou "copinage" ?
Que s'est-il passé ? "Nous nous sommes aperçu au début de l'été qu'un agent allait se voir attribuer des fonctions sans même qu'une note de service paraisse afin de laisser la même chance à tous", déclare le responsable de l'Unsa. À la suite de quoi, l'intersyndicale s'est réunie afin de "porter la question au prochain comité technique d'établissement."
La direction de l'hôpital répond sur le plan technique. "La situation individuelle évoquée ne concernait ni une création de poste, ni une vacance de poste, mais l’attribution d’une mission transversale supplémentaire à une personne déjà présente au sein du CHU, en plus de ses missions régulières." Les dispositions réglementaires applicables diffèrent donc de celles d'un concours, "que le CHU respecte par ailleurs bien évidemment."
S'agissant d'un "simple choix parmi plusieurs candidatures issues du CHU", la direction conclut à une "différence d’appréciation de la qualité des candidats retenus", tous ayant selon elle passé un entretien "de manière équitable". Elle admet la parution tardive, "en raison du Covid-19" de la note de service annonçant la vacance de cette mission. Mais déclare que celle-ci était liée "à un souci de transparence pour permettre à tous ceux qui le souhaitaient de candidater." Et conclut sur un ton définitif : "L’accusation de “copinage” ne saurait donc être entendue."
Un statut pour les brancardiers
Un groupe de brancardiers du bloc opératoire manifestaient également. Avec une formation "basique" d'agent des services hospitaliers (ASH), ceux-ci se retrouvent régulièrement en position d'aide-soignant polyvalent.
"On brancarde les patients au bloc, en salle de réveil. On fait toutes les installations spécifiques des patients en salle d'op', avec l'aide des infirmières et du médecin anesthésiste. En plus de la désinfection des salles en fin de programme et du ménage entre deux patients."
Ils souhaitent la reconnaissance d'un statut spécifique. En effet, "dans d'autres CHU, ce sont les aide-soignants qui font les installations. Il y a des équipes de ménage. Nous, on fait toutes les fonctions. Des statuts de brancardiers existent également, mais pas à Grenoble."
Pourquoi cette demande ? "Déjà du point de vue de la législation, ça serait important. On n'a pas le droit de toucher aux patients normalement. Alors que les massages cardiaques, quand ça arrive en urgence, ce sont les infirmiers de bloc opératoire qui les effectuent."
"Moi, j'avais une formation de plombier"
Autre intérêt : l'accès à une formation. Car, pour l'instant, les "anciens" forment les nouveaux. "Moi, j'avais une formation de plombier, témoigne l'un d'entre eux. Je suis rentré au CHU il y a trente ans. Maintenant, quand les jeunes arrivent, on les forme sur le tas." Il souhaiterait également qu'ils restent dans le même service. "On fait les installations de salle. Si, un coup, on nous demande de faire de l'ophtalmo, et juste après de la gastro... comment voulez-vous que les jeunes s'y retrouvent ?" Sachant que "chaque chirurgien, pour la même opération, a des installations différentes"...
Ce à quoi le CHU répond "qu’il n’existe pas de “statut” de brancardier", sans plus de détails. Et rappelle que "ces personnels ne peuvent être nommés sur le grade d’aide-soignant qui requiert un diplôme ad-hoc." Le seul statut disponible dans la fonction publique hospitalière serait donc celui d'ASH. Et la direction insiste sur le fait que cela "a été expliqué et est non contesté".
Cependant, elle ne nie pas la position polyvalente des brancardiers. Et affirme qu'une "réflexion pourra être engagée sur les missions qui leur sont confiées [de] sorte que celles-ci n’excèdent en effet pas leur position statutaire." Cela "tout en veillant à garantir pour chacun ce qui participe aussi à l’intérêt du travail".
La direction de l'hôpital refuse de revoir la nomination incriminée
La rencontre a, au final, duré pas moins de deux heures. Avec, d'un côté, les dix représentants des syndicats. Un groupe composé des représentants du personnel, ainsi que des agents des différents secteurs d’activité du CHU. De l'autre, M. Verdun, directeur des ressources humaines de l’établissement, et M. Douheret directeur des services logistiques.
"À notre grand regret, M. Villard, directeur des services techniques, était absent", observe Nidhal Hamdani.
Et la demande principale n'a pas abouti, regrette-t-il. Sur le thème de la note de service, "la direction persiste". Et déclare "que l’agent nommé était le plus compétent de tous les candidats qui ont postulé", restant "sourde face aux arguments apportés." Le groupe intersyndical n'étant pas d'accord, la direction propose un geste "pour tenter d’apaiser le malaise".
Des négociations tout de même fructueuses
L'idée serait de créer deux nouveaux postes de surveillant de garde, "afin que les agents lésés puissent avoir une nouvelle chance d’être nommés."
Mais cela ne convient pas non plus aux négociateurs, qui considèrent que cela ne fait que déplacer le problème. En effet, la proposition risque de léser l’ensemble des surveillants de garde de notre établissement, "qui auront moins de gardes sur l’année". Nidhal Hamdani regrette l'absence d'une "solution plus équitable". Par exemple, "reprogrammer en bonne et due forme une sélection plus juste avec un jury neutre, qui aurait reçu à nouveau tous les candidats qui se seraient présentés."
Quelles modalités pour le futur ?
Par ailleurs, la question du futur est posée. Quid des prochains concours, créations de postes et de leurs parutions ? Sur ce point, le responsable de l'Unsa est plus satisfait. "Le directeur des ressources humaines a bien entendu notre message. Depuis le début du mouvement, tout le personnel hospitalier reçoit sur sa boîte mail tous les concours, ce qui est une avancée majeure."
Cependant, l'impartialité du jury reste une pierre d'achoppement. "Le DRH a assuré que ce sujet serait inclus au projet social “qualité de vie au travail”." Quant à la mobilité des agents hospitaliers, elle reste une difficulté majeure. "Par exemple, pour un ASH, il est presque impossible de pouvoir postuler sur une fonction d’agent administratif, étant donné que les deux domaines ne sont pas de la même filière. Les agents techniques et logistiques éprouvent souvent des difficultés pour changer de secteur". Concernant ce type de changement, le DRH de l'hôpital a toutefois indiqué qu'il serait "inclus au projet social".
À noter enfin, les concours, vacances de postes et répartitions sur l’établissement sont au programme du "prochain CTE [Comité technique d'établissement] du 22 septembre 2020".
Laure Gicquel
Suite à la publication de l’article, le CHU Grenoble Alpes a souhaité préciser que "la procédure visée ne concernait que l’inscription sur un tableau d’astreinte d’un personnel œuvrant au quotidien au sein des services techniques et logistiques". Le Chuga rappelle une nouvelle fois qu’il ne s’agit pas d’un concours ou d’une vacance de poste.
"C’est par ailleurs la première fois que la possibilité de participer à ce tableau d’astreinte fait l’objet d’une note diffusée largement aux personnels éligibles et que ce type de procédure est soumise à un examen des candidatures et à une audition des candidats, le CHU Grenoble Alpes souhaitant vivement renforcer la transparence avec l’ensemble des personnels", fait savoir la direction.