REPORTAGE VIDÉO - Une importante opération de police (et de communication) a eu lieu ce mercredi 26 août 2020 au cœur du quartier Mistral de Grenoble. Après la diffusion de vidéos virales sur les réseaux sociaux montrant des dealers armés tenant un point de vente, l'État tenait ainsi à montrer qu'il reprend la main. Objectifs affichés de l'opération ? Sécuriser le quartier, rassurer les habitants et conforter les forces de l'ordre dans l'exercice de leurs missions.
« Ils utilisent des moyens de communication pour faire savoir qu'ils veulent occuper le territoire. Nous aussi nous nous emparons des mêmes moyens pour montrer que nous ne sommes pas impressionnés et imposer l'ordre républicain. »
En réaction à la diffusion de vidéos virales sur les réseaux sociaux, Lionel Beffre, préfet de l'Isère, a ainsi supervisé, dans la soirée de ce mercredi 26 août 2020, une importante opération de police dans le quartier Mistral à Grenoble. Accompagné de Fabienne Lewandowski, directrice de la Direction départementale de la sécurité publique de l'Isère (DDSP 38), le représentant de l'État a arpenté différents lieux de ce quartier bien connu pour son trafic de stupéfiants. Le tout en présence d'importants effectifs de police pour « sécuriser les lieux, rassurer les habitants et conforter les forces de l'ordre dans l'accomplissement de leurs missions ».
Des médias pris en charge par la préfecture pour rallier le quartier Mistral
Une opération d'envergure annoncée par Gérald Darmanin sur son compte Twitter, juste avant le déploiement policier : « Sur mon instruction directe, une opération est en cours dans le Mistral (sic), à Grenoble ». Et le ministre de l'Intérieur de conclure martialement son message en assurant que « l'État s'imposera face à l'ensauvagement d'une minorité de la société ».
En somme, une communication bien huilée et orchestrée, le préfet la qualifiant lui-même ironiquement « d'opération marketing ».
Pour preuve ? Le nombre de médias nationaux et locaux conviés à couvrir l'événement et pris en charge par les services de la préfecture pour rejoindre le quartier Mistral.
Sur place, plusieurs groupes de jeunes gens ont copieusement raillé ce déploiement de force impromptu. « C'était une vidéo pour rire ! », ont affirmé certains au groupe d'officiels et de journalistes avançant en ordre serré. Des déplacement organisés sous la surveillance constante de policiers de la Bac scrutant les étages pour prévenir d'éventuels jets de projectiles.
« Il était important de réaffirmer notre autorité sur ce territoire »
Questionné sur la fameuse vidéo pour laquelle le parquet de Grenoble a ouvert une enquête, Lionel Beffre n'y est pas allé par quatre chemins. « On voit bien que c'est une mise en scène éphémère destinée sans doute à impressionner [les trafiquants rivaux, ndlr]. Mais on voit bien qu'aujourd'hui, c'est la police qui maintient l'ordre, ce ne sont pas les délinquants ! »
Avant de préciser que, pour autant, cette opération n'avait rien d'exceptionnel, loin de là.
« Ce sont des opérations que nous faisons régulièrement [...]. Depuis le début de l'année, nous comptabilisons 160 interpellations dans ce quartier », a-t-il ajouté. Reste qu'après la diffusion des vidéos, il fallait marquer le coup.
« Il était important de réaffirmer notre autorité sur ce territoire », a enchaîné le représentant de l'État. Même tonalité pour Fabienne Lewandowski. « Nous savons depuis très longtemps qu'il y a du trafic de stupéfiants dans ce quartier, et ce bien avant la diffusion de ces vidéos. C'est un quartier sur lequel nous sommes présents tous les jours accompagnés de services spécialisés. Ils connaissent chaque habitant, chaque immeuble, chaque cave ou partie commune », explique la directrice de la DDSP de l'Isère.
Une vidéo pour impressionner des trafiquants rivaux ?
Toujours est-il que dans le contexte des règlements de comptes, dont certains mortels, qui ont ponctué l'été, la vidéo n'a pas manqué de faire réagir Éric Vaillant, le procureur de la République de Grenoble.
Lequel considère, tout comme l'a déclaré le préfet de l'Isère, qu'il pourrait s'agir d'une « mise en scène des trafiquants destinée à impressionner leurs concurrents », a-t-il déclaré à nos confrères de France 3.
« Inadmissible, poste-t-il sur Twitter. [Cela] renforce si besoin est la détermination du parquet de Grenoble à lutter contre les trafiquants de stupéfiants. »
Mais quid du bilan de l'opération au final ? Les services de la préfecture indiquent avoir « contrôlé 50 consommateurs de stupéfiants et saisi deux scooters ».
Joël Kermabon