EN BREF – Une équipe de scientifiques et de médecins grenoblois aurait trouvé un indicateur permettant de prévoir la « tempête inflammatoire » déclenchée par le Covid-19 chez certains patients. Ces personnes à risque pourraient alors bénéficier d’un traitement anti-inflammatoire en amont, en vue d’améliorer leur pronostic vital.
Les résultats des recherches débutées en mars au Centre hospitalier Grenoble-Alpes (Chuga) ne se sont pas fait attendre. L’équipe de médecins alliée aux scientifiques de l’Université Grenoble-Alpes (UGA) aurait trouvé comment anticiper l’aggravation de la maladie déclenchée par le Covid-19 (ou Sars-CoV2) conduisant à une sévère atteinte respiratoire.
Ainsi, cette semaine, le Pr Olivier Épaulard, infectiologue au Chuga qui codirige ces travaux11avec le Dr Audrey Le Gouellec et le professeur Bertrand Toussaint, biologistes médicaux au Chuga et chercheurs au sein du laboratoire Techniques de l’ingénierie médicale et de la complexité – Informatique, mathématiques, applications, Grenoble » (Timc-Imag), a annoncé qu’il serait possible de prévoir, plusieurs jours à l’avance, la « tempête inflammatoire » survenant chez les patients qui développent une forme grave de l’infection. Tempête au cours de laquelle le système immunitaire décharge ses munitions tous azimuts en direction du virus, blessant au passage gravement le tissu pulmonaire où il s’est réfugié.
Cette anticipation devrait permettre aux médecins d’administrer plus tôt un traitement actif pour tenter de juguler cet emballement des défenses immunitaires. Ce afin d’éviter, tant que faire se peut, à ces malades un séjour éprouvant en service de réanimation. Où, placés sous assistance respiratoire, ils se battent contre la mort pendant plusieurs semaines.
Ces travaux, qualifiés de « majeurs », vont être tout prochainement publiés dans une prestigieuse revue internationale.
Un « biomarqueur », l’IL6, permet d’anticiper l’aggravation de la maladie
Quel est ce paramètre ou biomarqueur permettant d’anticiper la tempête ? Il s’agit de l’interleukine 6 (IL6), une molécule informative de la famille des cytokines, libérée dans le sang par les cellules de l’organisme ayant repéré le parasite. Et ce, dans le but d’activer le système immunitaire.
Les scientifiques sont en effet parvenus à déterminer un taux sanguin d’IL6 au-delà duquel la probabilité d’un déclenchement d’une réponse immunitaire démesurée devient très élevée. Précisément entre le 6e et le 8e jour suivant l’infection.
Baptisé « seuil d’inquiétude », il est repérable dès le 3e ou 4e jour suivant la contamination du patient. Autrement dit, dans les deux à trois jours précédents le déclenchement de la fameuse tempête, autrement nommée « cytokin storm » (orage cytokinique). Une référence anglo-saxonne à la famille à laquelle appartiennent les IL6.
Le Tocilizumab, un traitement ciblant les IL6
Pour modérer l’inflammation, les médecins vont donc pouvoir prescrire un traitement actif plusieurs jours en amont de la crise. De quoi, espèrent-ils, augmenter les chances de survie de ces patients.
Même si les corticoïdes sont les anti-inflammatoires utilisés en premier recours, le Tocilizumab, bien connu pour soulager la polyarthrite rhumatoïde, est le traitement à privilégier selon cette équipe. Et pour cause, cette molécule neutralise précisément les IL6 en bloquant leur récepteur de stimulation des cellules immunitaires.
Pour obtenir ces conclusions, les travaux cofinancés par trois partenaires2Plusieurs institutions universitaires et hospitalières ont financé ces travaux. Mais pas seulement, on trouve aussi la Fondation UGA qui est parvenue à collecter début mars pas moins de 160 000 euros de dons auprès de ses mécènes. À savoir, Air Liquide, Caisse d’Épargne Rhône-Alpes, bioMérieux, MGEN, Banque populaire Aura, Compagnie de chauffage et GEG. ont débuté le 7 mars dernier, incluant dans leur protocole 200 patients Covid-19 hospitalisés à Grenoble. Les prélèvements sanguins ont été analysés à l’Institut grenoblois de biologie et de pathologie (IBP), au sein du laboratoire de Biochimie des protéines.
Véronique Magnin
1 Des travaux co-dirigés avec le Dr Audrey Le Gouellec et le Pr Bertrand Toussaint, biologistes médicaux au Chuga et chercheurs au sein du laboratoire « Techniques de l’Ingénierie Médicale et de la Complexité – Informatique, Mathématiques, Applications, Grenoble » (Timc-Imag)
2 Plusieurs institutions universitaires et hospitalières ont financé ces travaux. Mais pas seulement, on trouve aussi la Fondation UGA qui est parvenue à collecter début mars pas moins de 160 000 euros de dons auprès de ses mécènes. À savoir, Air Liquide, Caisse d’Épargne Rhône-Alpes, bioMérieux, MGEN, Banque populaire AURA, Compagnie de chauffage et GEG.