FOCUS – Quelles mesures pour les sans domicile fixe face à la crise du coronavirus ? Si le président de la République a annoncé une extension de la trêve hivernale, le détail des autres mesures promises se fait attendre. À Grenoble, Solident et Médecins du Monde ont tiré la sonnette d’alarme, rapidement soutenus par d’autres structures d’aide aux plus fragiles. En ligne de mire, notamment : la vingtaine de jeunes majeurs étrangers actuellement sans solution de logement adapté.
Comment rester confiné chez soi… quand on est sans domicile fixe ? C’est la question que pose le cabinet dentaire solidaire de Grenoble Solident et l’antenne grenobloise de Médecins du monde (MDM). Suite aux mesures annoncées par le premier ministre au soir du samedi 14 mars afin de lutter contre la propagation du coronavirus Covid-19, les deux associations ont rappelé que les personnes dépourvues de logement étaient en première ligne concernant le risque sanitaire.
Les annonces d’Emmanuel Macron n’ont pas livré de détail sur les mesures à apporter aux sans domicile fixe. © Élysée
Si le gouvernement et le président de la République ont donné des indications sur le soutien de l’État aux acteurs économiques impactés par la crise, les éléments concernant les plus précaires restent parcellaires. « La trêve hivernale sera reportée de deux mois, et je demande au gouvernement des mesures exceptionnelles, dans ce contexte, pour les plus fragiles », a déclaré le président le 12 mars. La question n’a depuis plus été abordée, ni par le président, ni par le premier ministre.
Mettre à l’abri les plus précaires
Prolonger la trêve hivernale ? « Si cette mesure est salutaire, elle n’est, à notre sens, pas suffisante pour empêcher réellement la propagation du virus et permettre aux personnes d’être confinées dignement comme l’impose la situation », s’inquiètent les associations. Qui demandent à l’État de « tout mettre en œuvre pour organiser la mise à l’abri de ces publics, dans le respect des normes sanitaires et sociales qui en découlent ».
En 2018, Médecins du Monde interpellaient les Grenoblois sur les conséquences du mal-logement. © Léa Raymond – Place Gre’net
Lancé le lundi 16 mars, l’appel de Solident et Médecins du monde a rencontré un certain écho parmi les acteurs de la solidarité. Et recevait le lendemain le soutien de nouvelles structures, depuis l’Apardap au Diaconat protestant, en passant par la Ligue des Droits de l’Homme, le Secours catholique, la Ligue de l’enseignement, la Cimade ou Le Habert Saint-Paul.
Les structures notent le ton martial résolument employé par Emmanuel Macron lors de sa seconde allocution, et choisissent de prendre le président à la lettre : « “Nous sommes en guerre” justifie que des moyens exceptionnels soient déployés en urgence pour permettre la mise à l’abri et le confinement de l’ensemble des personnes actuellement dépourvues de logement personnel et regroupées dans des habitats précaires, insalubres et dangereux pour leur santé ».
Les jeunes majeurs étrangers sans domicile fixe sans solution
Éric Piolle n’a pas dit autre chose lors de sa propre allocution – depuis l’Hôtel de Ville de Grenoble – à la suite de celle du président de la République. « Dans le cas des personnes à la rue, elles sont dans une situation de promiscuité qui favorise la propagation du virus », a fait remarquer le maire de Grenoble. En déclarant avoir interpellé les pouvoirs publics, et attendre des consignes pour leur prise en charge.
Les jeunes majeurs étrangers et leurs soutiens étaient à l’Hôtel de Ville de Grenoble lundi 16 mars © Grenoble en lutte- Facebook
Dans la journée du lundi 16 mars, la Ville de Grenoble n’a cependant pas apporté de solutions à la vingtaine de jeunes majeurs étrangers qui ont occupé durant cinq heures le hall de l’Hôtel de Ville. Ceux qui “squattaient” encore récemment l’église Saint-Paul de Grenoble avant d’être hébergés dans une aumônerie mise à disposition par le Diocèse de Grenoble-Vienne demandaient une solution de logement d’urgence adaptée aux exigences de confinement.
« Le discours est toujours le même, « ce n’est pas notre compétence ». Les équipes de la mairie avaient pourtant dit nous soutenir… Dans les actes nous n’avons vu que du mépris », décrit un témoin dans un message relayé sur Facebook. Refus similaires du côté du conseil départemental et de la Préfecture. Seules six places d’hébergement auraient été débloquées par la députée de l’Isère Émilie Chalas, poursuit le témoignage.
Dans l’attente d’une « solution rapide et adaptée »
La question des jeunes majeurs étrangers préoccupe aussi MDM et Solident. « Leur situation est extrêmement préoccupante ; d’autant que les accueils de jours de l’agglomération annoncent progressivement leur fermeture totale ou partielle », notent les structures. En décrivant des conditions de logement « dans la promiscuité la plus totale, sans accès à des produits d’hygiène, sans accès aux douches, sans approvisionnement en équipement de protection ».
Manifestation des jeunes majeurs étrangers sans domicile fixe à Grenoble le 11 septembre 2019. © Florent Mathieu – Place Gre’net
« Les maintenir une nuit de plus dans un tel endroit irait à l’encontre des recommandations médicales et gouvernementales et favoriserait des décompensations d’ordre psychologique, compte tenu du climat particulièrement anxiogène actuel », estiment encore Solident et Médecins du monde.
Qui déclarent, pour conclure, se tenir « à disposition des institutions pour organiser toute démarche de concertation visant à trouver une solution rapide et adaptée ».