Selon les chercheurs, les langues parlées auraient pu évoluer à partir d'anciennes compétences articulatoires déjà présentes chez notre dernier ancêtre commun avec les primates, il y a environ 25 millions d'années. © Caralyn Kemp et Julie Gullstrand / Laboratoire de psychologie cognitive (CNRS/AMU)

L’apparition de la parole pour­rait dater de 20 mil­lions d’années, selon des cher­cheurs grenoblois

L’apparition de la parole pour­rait dater de 20 mil­lions d’années, selon des cher­cheurs grenoblois

FIL INFO – Des cher­cheurs de l’Université Grenoble-Alpes ont mon­tré que la parole, à savoir le lan­gage parlé, ne date­rait pas de 200 000 ans mais de presque 20 mil­lions d’années ! Une décou­verte qui remet en cause une théo­rie lar­ge­ment admise depuis cin­quante ans.

C’est une décou­verte scien­ti­fique majeure. La thèse déve­lop­pée par les cher­cheurs du Gipsa-Lab contre­dit la théo­rie de la des­cente du larynx, déve­lop­pée par le cher­cheur amé­ri­cain Philip Lieberman en 1969 et lar­ge­ment admise dans la com­mu­nauté scien­ti­fique depuis. Elle sup­pose que la capa­cité à for­mer des voyelles arti­cu­lées néces­site un larynx bas, comme c’est le cas chez les humains, là où celui des singes a une posi­tion plus haute dans la gorge. C’est ce ver­rou ana­to­mique qui empê­che­rait la pro­duc­tion de voyelles dites différenciées.

Selon la théo­rie du larynx des­cendu, la posi­tion basse du larynx dans la gorge humaine condi­tionne l’ap­pa­ri­tion de la parole. © Laboratoire de psy­cho­lo­gie cog­ni­tive (CNRS/Aix-Marseille Université) et Gipsa-lab (CNRS/Grenoble INP/UGA)

Or les équipes scien­ti­fiques gre­no­bloises viennent de mon­trer que cette capa­cité n’est pas liée à une ques­tion d’anatomie mais de contrôle des muscles arti­cu­la­teurs de la langue, de la bouche et des lèvres. Des muscles iden­tiques chez les humains et les pri­mates. Ce qui ouvre de nou­velles pers­pec­tives : la parole arti­cu­lée pour­rait alors remon­ter à près de 20 mil­lions d’années !

À cette époque, notre ancêtre com­mun avec les singes avait déjà vrai­sem­bla­ble­ment la capa­cité de pro­duire des voca­li­sa­tions assi­mi­lées à la parole, les fameuses voyelles différenciées.

Même les babouins « parlent »

Les scien­ti­fiques ont même décou­vert que des babouins éle­vés en semi-liberté pro­dui­saient une dizaine de voca­li­sa­tions pou­vant être consi­dé­rées comme des proto-voyelles dif­fé­ren­ciées. Ils les ont ana­ly­sées, ont pro­cédé à une étude ana­to­mique des muscles de leur langue et modé­lisé le poten­tiel acous­tique de leur conduit vocal.

Des chercheurs grenoblois ont montré que la parole daterait de presque 20 millions d’années !

Selon les cher­cheurs, les langues par­lées auraient pu évo­luer à par­tir d’an­ciennes com­pé­tences arti­cu­la­toires déjà pré­sentes chez notre der­nier ancêtre com­mun avec les pri­mates, il y a envi­ron 25 mil­lions d’an­nées. © Caralyn Kemp et Julie Gullstrand / Laboratoire de psy­cho­lo­gie cog­ni­tive (CNRS/AMU)

Les cher­cheurs ont ainsi décou­vert que ces babouins pro­dui­saient des sons com­pa­rables aux cinq voyelles humaines : des proto-voyelles au cœur de l’émergence de la parole.

Une décou­verte tar­dive notam­ment liée au mode d’étude uti­lisé jusqu’à pré­sent : les cher­cheurs ayant démon­tré la théo­rie du larynx des­cendu se basaient sur des don­nées issues de cadavres.

Ces par­ties ana­to­miques, par défi­ni­tion immo­biles, ne pou­vaient en effet révé­ler les méca­nismes de contrôle arti­cu­la­toire ana­ly­sés par les scien­ti­fiques à l’initiative de la découverte.

Cette décou­verte s’est faite en col­la­bo­ra­tion avec le labo­ra­toire du CNRS d’Aix-Marseille, le labo­ra­toire d’anatomie de l’université de Montpellier, le labo­ra­toire d’Histoire natu­relle de l’Homme pré­his­to­rique, mais aussi avec des équipes de cher­cheurs cana­diens et amé­ri­cains. Les équipes scien­ti­fiques expliquent notam­ment leur thèse dans un article de syn­thèse paru le 11 décembre 2019 dans la revue scien­ti­fique amé­ri­caine Science Advances.

Anissa Duport-Levanti

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