Les internes de CHU mani­festent à Grenoble pour dénon­cer leurs condi­tions de travail

Les internes de CHU mani­festent à Grenoble pour dénon­cer leurs condi­tions de travail

REPORTAGE – En grève depuis le 10 décembre, des internes des CHU de Grenoble, Chambéry et Annecy ont mani­festé ven­dredi 13 décembre dans l’a­près-midi. Ils réclament l’amélioration de leurs condi­tions de tra­vail, face à l’é­pui­se­ment bien pré­sent. Et pointent les fai­blesses de leur for­ma­tion, faute de per­son­nels enca­drants en nombre suffisant.

En grève depuis le 10 décembre, les internes des CHU de Grenoble, Chambéry et Annecy ont manifesté pour l’amélioration de leurs conditions de travail.

© Raphaëlle Denis – Place Gre’net

« La der­nière grève d’internes datait de 2002 », rap­pelle Baptiste Caylar, repré­sen­tant local de l’Intersyndicale natio­nale des internes (Isni). Ce ven­dredi 13 décembre, sur 370 internes au CHU Grenoble Alpes, ils étaient 198 à avoir cessé le tra­vail. Une grève qui dure depuis le 10 décembre.

Les internes des CHU de Grenoble, de Chambéry et d’Annecy ont mani­festé en centre-ville pour récla­mer l’amélioration de leur sta­tut et de leurs condi­tions de tra­vail. Le cor­tège est parti du CHU Michallon pour se ter­mi­ner à l’hôtel de ville, en pas­sant par la préfecture.

« Des internes sou­vent obli­gés de gérer les patients eux-mêmes »

Passage obligé des études de méde­cine, l’internat peut durer de trois à cinq ans et consiste en des stages de six mois en centre hos­pi­ta­lier. Le futur pra­ti­cien reste donc sous la res­pon­sa­bi­lité d’un méde­cin “senior”… du moins en théorie.

En grève depuis le 10 décembre, les internes des CHU de Grenoble, Chambéry et Annecy ont manifesté pour l’amélioration de leurs conditions de travail.

© Raphaëlle Denis – Place Gre’net

« Lors de mon der­nier stage en inter­nat, à Thonon-les-Bains, c’était fré­quent qu’un des internes se retrouve sans son méde­cin de réfé­rence, raconte Iris, interne en méde­cine géné­rale. On devait donc gérer les patients nous-mêmes, et aller sys­té­ma­ti­que­ment voir l’un des autres méde­cins pour qu’il valide nos déci­sions, alors qu’ils avaient évi­dem­ment bien autre chose à faire ! » Une situa­tion mal­heu­reu­se­ment très commune.

© Raphaëlle Denis - Place Gre'net

Le cor­tège s’est ter­miné devant l’Hôtel de ville. © Raphaëlle Denis – Place Gre’net

« J’étais de plus en plus épuisée »

Les méde­cins en for­ma­tion assument donc de lourdes res­pon­sa­bi­li­tés, lors de jour­nées longues et éprou­vantes. Mais une telle orga­ni­sa­tion peut avoir des consé­quences très graves.

« J’étais de plus en plus épui­sée, se sou­vient Iris. Et sur une garde, un soir, un patient est arrivé avec un pro­blème aigu à l’intestin. On manque aussi de per­son­nel de radio­lo­gie, alors quand on appelle le radio­logue la nuit, on a la pres­sion de se deman­der si ça vaut le coup, sachant qu’il va enchaî­ner sur sa jour­née der­rière… On s’est donc dit que ça pou­vait attendre », pré­cise l’interne.

 © Raphaëlle Denis - Place Gre'net

Les internes ont mani­festé en centre-ville. © Raphaëlle Denis – Place Gre’net

« Le len­de­main, à 8 heures, on a diag­nos­ti­qué au patient une occlu­sion intes­ti­nale. Le chi­rur­gien qui a opéré nous a appe­lés en nous disant que c’était n’importe quoi, qu’il aurait dû être pris en charge plus tôt, en urgence. Il avait rai­son. » Après l’incident, la jeune femme décide de se mettre en arrêt mala­die. « Au final, on mal­traite les patients. »

Formation au rabais

L’Isni dénonce par ailleurs un manque de for­ma­tion lors des stages d’internat, ceux-ci étant plu­tôt uti­li­sés pour com­bler les manques de per­son­nel au sein des hôpi­taux : « Et, dans tout ça, on doit com­bler les trous // alors qu’on veut se for­mer jusqu’au bout », ont chanté les internes sur une reprise des Rois du Monde, ce ven­dredi après-midi.

« Clairement, à Thonon, je n’ai rien appris », tranche Iris. Un constat que par­tage Alex, interne à Grenoble en neu­ro­lo­gie. « Moi, je passe mon temps à faire de la pape­rasse. J’ai la sen­sa­tion d’être perdu… On n’a pas d’assistante sociale, la cadre de santé est en arrêt mala­die, alors je dois gérer les entrées, les sor­ties, les familles, trou­ver un centre de réédu­ca­tion… » Autant de situa­tions au cours des­quelles Alex ne com­plète pas sa for­ma­tion. « Pendant tout ce temps-là, je ne lis pas de résul­tats d’examen, je ne lis pas de livres. »

En grève depuis le 10 décembre, les internes des CHU de Grenoble, Chambéry et Annecy ont manifesté pour l’amélioration de leurs conditions de travail.

© Raphaëlle Denis – Place Gre’net

L’Isni pointe éga­le­ment du doigt l’épuisement de nombre d’internes. « Depuis novembre, je n’ai pas fait une seule semaine de moins de 80 heures », témoigne Alex.

Et ce, alors que les méde­cins en for­ma­tion sont payés pour 48 heures heb­do­ma­daires sans comp­ta­bi­li­sa­tion d’heures supplémentaires.

Un rythme qui peut émous­ser la voca­tion des plus moti­vés. « Quand je rentre le soir, je suis dégoûté de mes jour­nées. »

« Beaucoup d’internes se retrouvent assi­gnés. Ça ne devrait pas être le cas »

L’Isni avait déposé un pré­avis de grève illi­mi­tée à par­tir du 10 décembre. 60 % des 27 000 internes ont suivi le mou­ve­ment en France. « C’est une pro­fes­sion qui est cen­sée pou­voir se mobi­li­ser parce qu’on est étu­diants, explique Baptiste Caylar, mais mal­heu­reu­se­ment beau­coup d’internes se retrouvent assi­gnés. Ça ne devrait nor­ma­le­ment pas être le cas. »

En grève depuis le 10 décembre, les internes des CHU de Grenoble, Chambéry et Annecy ont manifesté pour l’amélioration de leurs conditions de travail. © Raphaëlle Denis - Place Gre'net

Les internes au Marché de Noël. © Raphaëlle Denis – Place Gre’net

Au CHU de Grenoble, selon le syn­di­ca­liste, quatre internes étaient aujourd’hui assi­gnés. Un aveu de fai­blesse qui prouve la néces­sité de faire tra­vailler les jeunes gens en for­ma­tion pour assu­rer le fonc­tion­ne­ment nor­mal des hôpitaux.

Baptiste Caylar, représentant local de l'ISNI. © Raphaëlle Denis - Place Gre'net

Baptiste Caylar, repré­sen­tant local de l’Isni. © Raphaëlle Denis – Place Gre’net

Une délé­ga­tion d’internes a ren­con­tré dans la fou­lée le maire Eric Piolle, éga­le­ment pré­sident du conseil de sur­veillance du CHU. « On veut l’alerter sur ce qui se passe », indique Baptiste Caylar. Eric Piolle a accepté à la suite de cet entre­tien de faire part de la situa­tion lors du pro­chain conseil de sur­veillance. Une autre mobi­li­sa­tion est d’ores et déjà pré­vue mardi prochain.

Raphaëlle Denis

RD

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