FOCUS – Des agents ont bloqué les entrées de la direction des Finances publiques, rue de Belgrade à Grenoble ce lundi 14 octobre. Dans leur collimateur, la réforme du « plan Darmanin » prévoyant un redéploiement des trésoreries et services fiscaux compensé par des ouvertures de « points de contact ». Les agents dénoncent un projet de « géographie revisitée et sacrifiée » et réclament le maintien de tous les services de proximité.
Une cinquantaine d’agents des Finances publiques en grève ont bloqué les entrées de la Direction départementale des finances publiques (DDFIP) située rue de Belgrade, ce lundi 14 octobre. Les agents s’élèvent contre la réforme de Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des comptes publics, baptisée « géographie revisitée ». De quoi s’agit-il ? Ni plus, ni moins que d’une refonte du réseau DGFIP et de ses implantations.
« Un plan de restructuration massif », estiment les syndicats, qui craignent la disparition de nombreuses trésoreries. Seront-elles remplacées par des « ersatz » de services intitulés « points d’accueil de proximité », comme le craignent certains agents ? Gérald Darmanin le dément partiellement, affirmant « [qu’il] n’y aura aucune fermeture de trésoreries en 2020 sans l’accord des élus ». En tout cas, pas de quoi satisfaire pour l’heure les agents des finances publiques en grève.
Ces derniers considèrent en effet que l’accueil y sera rudimentaire, empêchant le contact direct des usagers avec les services fiscaux. Ce dont n’a pas manqué de s’inquiéter Frédérique Puisat, sénatrice de l’Isère qui, très vite, s’est insurgée contre la centralisation des trésoreries prévue pour le département.
« L’abandon d’un certain nombre de missions et de services de proximité »
« C’est la fin de l’accueil assuré quotidiennement par des agents formés et compétents en mesure de répondre aux usagers. Notamment des conseils de qualité en matière de fiscalité, de recouvrement », critiquent les syndicats. Ce qui peut s’entendre quand on sait que ces « Maisons France service » pourraient être hébergées dans certaine mairies, bureaux de poste, banques, voire même… chez des buralistes.
Dominique Lo Monaco, secrétaire départemental CGT Finances publiques n’est pas convaincu. « Le projet présenté donne l’illusion de la multiplication de points d’accès à notre administration. Mais il se traduit en réalité par l’abandon d’un certain nombre de missions et de nos services de proximité », explique-t-il.
« Nous réclamons le maintien du réseau tel qu’il est puisque, depuis quinze ans, on l’a déjà fortement concentré », poursuit le syndicaliste. De fait, en Isère, une partie du mal est déjà fait, regrettent les syndicats. Et pour cause. Trente-sept trésoreries sont fermées et la moitié des services des impôts des entreprises doivent baisser le rideau, passant de dix à cinq. Pour les services dédiés aux particuliers, la moitié fermeront. De onze, il ne devrait en rester plus que six à l’horizon 2022.
Pas mieux à Grenoble où sur les trois ancrages du Trésor public, il n’en reste plus qu’un, celui de Rhin et Danube.« Quand on voit les queues de contribuables qui s’y forment, inévitablement ça crée des tensions à l’accueil puisqu’on ne peut pas repousser les murs », regrette Dominique Lo Monaco.
« Et oui ! Les buralistes pourront faire du recouvrement »
« En Isère, cette réforme concerne 1 549 agents, soit 30 % de l’effectif actuel », s’inquiète Isabelle Ferrucci, secrétaire départementale Finances publique de Solidaires Isère. « À terme, enchaîne-t-elle, on pourrait voir arriver des licenciements au sein de la fonction publique. » La syndicaliste dénonce même un « schéma à la France Télécom ».
« Pour supprimer des emplois dans la fonction publique, il faut restructurer et donc supprimer de plus en plus de postes. » Comment ? « En mettant en avant la dématérialisation et l’externalisation », argumente la syndicaliste.
Une externalisation dont elle s’inquiète et qui n’est pas si improbable. Ne serait-ce qu’à en croire les récentes annonces du gouvernement annonçant que les buralistes pourraient faire du recouvrement d’amendes ou encore de factures de cantines. Dès lors, de l’externalisation des missions à la privatisation, il n’y aurait qu’un pas à franchir. « On n’en est pas loin, prédit Isabelle Ferrucci. Des expérimentations sont en place dans certains départements. »
La secrétaire départementale ne se fait aucune illusion. « Comme toutes les expérimentations faites depuis des années, l’administration va les valider. Et oui ! Les buralistes pourront faire du recouvrement ! », ironise-t-elle.
Grande mobilisation des Finances publiques le 14 novembre
Toujours est-il que, ce lundi matin, les organisations syndicales devaient découvrir les modifications apportées au projet « géographie revisitée ». Avant de rencontrer le chef de cabinet du préfet pour évoquer la situation du service des finances publiques et « la destruction du réseau de proximité » annoncée.
Que vont faire les grévistes suite au mouvement de grogne ? « Continuer ce que nous faisons maintenant depuis plusieurs mois. Aller à la rencontre des collègues et en décider ensemble », répond Isabelle Ferrucci. Par ailleurs, une grande mobilisation à l’appel d’une intersyndicale doit se dérouler le 14 novembre à Paris. Dans le même temps, de nombreuses actions se dérouleront en province.
L’objectif visé ? « Être visibles et entendus par les usagers, les médias et surtout les élus », espère Isabelle Ferrucci.
Joël Kermabon