EN BREF – Une équipe de scientifiques grenoblois et allemands a mis au jour le rôle d’une toxine dans le développement de la bactérie responsable de la légionellose. La maladie, qui se transmet par l’eau tiède, fait chaque année une centaine de victimes en France. La région Auvergne Rhône-Alpes est l’une des plus touchées. En 2017, dix-neuf personnes ont succombé à Legionella.
Alors que la légionellose touche chaque année entre 1 000 et 1 500 personnes en France, entraînant le décès dans environ 10 % des cas, des chercheurs de Grenoble et de Francfort (Allemagne) viennent de faire une découverte qui pourrait bien freiner la propagation de cette maladie.
Leurs travaux ont été publiés dans la revue Nature, le 22 juillet dernier.
L’équipe de scientifiques du laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) de Grenoble et de l’Université Goethe de Francfort a ainsi découvert que la croissance des légionelles dans les cellules humaines était favorisée par une toxine, la toxine SidJ.
Son principe ? Détourner la protéine humaine Calmoduline à son propre avantage, comme le font les bactéries pathogènes capables de retourner la machinerie moléculaire contre leur hôte. Et favoriser ainsi la réplication de la bactérie.
Une porte ouverte pour mieux cibler la bactérie responsable de la légionellose
Il s’agit là d’un défi pour les chercheurs. Car la bactérie pathogène Legionella pneumophila possède plus de 300 toxines pour infecter les humains. « En raison du grand nombre de toxines, il est difficile de voir les effets de la suppression d’une ou de plusieurs de ces toxines sur les capacités d’infection à la Legionella », souligne l’EMBL dans un communiqué.
« Ceci est encore compliqué par le fait que plusieurs toxines ayant des fonctions similaires existent à l’intérieur de la bactérie. C’est pourquoi il est difficile de cibler la Legionella avec des médicaments spécifiques. »
Les scientifiques ont toutefois fini par trouver le talon d’Achille de Legionella. Non sans mal.
« SidJ n’a aucune similitude de séquence avec les protéines ayant une fonction connue, explique Sagar Bhogaraju, chef du groupe à l’EMBL. Nous avons dû recourir à des méthodes biochimiques standards et à la spectrométrie de masse pour déterminer sa fonction. »
Les chercheurs ont également découvert que la toxine était sensible aux traitements. De quoi amorcer la recherche d’une molécule médicamenteuse pour « désamorcer » Sidj et donc freiner la prolifération de Legionnella.
L’avancée est de taille. Depuis 2017, le nombre de cas de légionelloses est en augmentation en France, d’après une étude de Santé publique France. Cette année-là, 1 630 cas avaient été comptabilisés. Or, à la mi-juillet 2018, 1 085 porteurs avaient déjà été identifiés, avec une prédilection pour l’Ile-de-France et la région Auvergne Rhône-Alpes. Cette dernière fait partie des régions les plus touchées par la maladie avec 248 cas comptabilisés en 2017 dont 19 décès.
Patricia Cerinsek