FOCUS – Mis en lumière par la jeune militante écologiste Greta Thunberg, le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme sans déficience intellectuelle très mal prise en charge en France. Le tout récent collectif À fleur de peau a ainsi décidé de monter dès la rentrée un lieu d’accueil à Grenoble pour des enfants autistes Asperger et de fédérer les familles pour assurer un développement épanouissant au quotidien.
« La rentrée scolaire approche à grands pas et bon nombre de parents d’enfants autistes Asperger se retrouvent sans solution de lieu adapté pour leur enfant. » Tel est le constat préoccupant que pose le nouveau collectif À fleur de peau sur sa page Facebook en ce mois de juillet. Un collectif créé par deux Grenoblois, Sarah Loraux-Chiffard et Charlie Fert.
Certains enfants autistes Asperger iront, certes, à l’école, mais souvent à temps partiel, à l’instar de Raphaël, 7 ans, le fils de Sarah Loraux-Chiffard, cofondatrice du collectif. Fréquentant trois matinées par semaine une classe Ulis (unités localisées pour l’inclusion scolaire), Raphaël est confié le reste du temps à ses grands-parents. Une situation pas complètement satisfaisante et épuisante pour la famille.
« La plupart du temps, la maman ou le papa cesse tout bonnement de travailler »
D’autres jeunes, moins chanceux encore, seront tout simplement privés d’école, faute d’aide à la vie scolaire (AVS) ou d’accompagnement adapté. Une aberration, s’insurgent Sarah et Charlie : « Les enfants autistes Asperger ont besoin de côtoyer le milieu ordinaire », clament-ils.
Suivi éducatif avec l’association Le Tremplin Autisme Isère. © Marina B Photographie
Les alternatives pour les enfants en dehors des temps scolaires ? Très réduites… Les structures existantes type Sessad (service d’accompagnement des enfants en situation de handicap) présentent l’intérêt de prendre en charge les soins, mais les places sont rares…
« Il existe aussi des associations accueillant des autistes mais ils ont très peu de places. Ils prennent en priorité les autistes déscolarisés et non verbaux », indique Sarah. Une fois la maigre palette de solutions épuisée, les parents n’ont plus qu’à se retourner vers la famille ou des amis pour s’occuper de leur enfant. Au bout du compte, la plupart du temps, la maman ou le papa cesse tout bonnement de travailler pour s’occuper de son éducation.
« Les parents tiendront à tour de rôle une permanence »
Face à ce manque cruel de propositions d’accueil pour les enfants autistes Asperger en France, l’idée d’un accueil collectif, où les parents s’investiraient à tour de rôle, a germé dans la tête de Sarah Loraux-Chiffard, 37 ans, maman de Raphaël et assistante au CEA (Commissariat de l’Énergie Atomique).
Le nouveau type d’accueil qu’envisage le collectif À fleur de peau permettrait d’offrir un cadre à la fois structurant, bienveillant et épanouissant pour un groupe d’enfants, tout en permettant aux parents de poursuivre leur travail, au moins à quatre cinquième du temps. « Les parents tiendraient une permanence pour s’occuper des enfants dans le même esprit que les crèches parentales, compare Sarah. L’avantage que nous avons par rapport à tout autre professionnel est que nous connaissons très bien nos enfants. »
Une structure qui pourrait accueillir une dizaine de jeunes
Reste à trouver un lieu qui soit bien dans les clous au niveau des normes et surtout disponible pour la rentrée « disons dans le courant du premier trimestre », précise Sarah. Une maison des jeunes pourrait, par exemple, faire l’affaire, puisque ces structures sont libres en dehors des mercredis et des fins de journée.
La villa Arthaud, une structure qui pourrait accueillir les enfants autistes Asperger, suggère le collectif À fleur de peau. © Séverine Cattiaux – Placegrenet.fr
Parallèlement à la recherche d’un lieu, le collectif lance un appel à tous les parents intéressés. « Nous recherchons des parents d’enfants autistes Asperger sur Grenoble et l’agglomération se trouvant sans mode de garde ou de lieu adapté pour leur enfant hors temps scolaire pour la semaine », indique le collectif sur sa page Facebook.
Idéalement, la structure pourrait fonctionner avec une dizaine d’enfants, estime Sarah.
« Je me refuse à l’idée que d’autres enfants vivent ce que j’ai enduré »
Greta Thunberg, vous connaissez ? Cette jeune militante écologique très médiatisée ces temps-ci, est atteinte du syndrome d’Asperger et l’assume pleinement. Comme Greta, les enfants autistes Asperger ont un développement normal de leur intelligence et du langage.
Greta Thunberg, jeune militante pour le climat au Parlement Européen de Bruxelles et autiste Asperger assumée. CC European Parliament – Wikipédia
Ils présentent en revanche, à des degrés divers, une déficience marquée dans les interactions sociales et la communication.
Certains vont être très sensibles au bruit ou aux odeurs. Souvent les autistes Asperger ne seront pas à l’aise avec les normes et les codes sociaux. De fait, ils ont besoin d’accompagnement durant leur scolarité.
Charlie Fert, cofondateur du collectif À fleur de peau est lui-même autiste Asperger. A 28 ans, Charlie travaille comme technicien en maintenance informatique à la commune d’Échirolles et milite par ailleurs pour de nombreuses causes. Le jeune homme a plutôt bien tiré son épingle du jeu, en dépit d’un douloureux parcours scolaire qui lui a laissé des marques indélébiles, confie-t-il.
Manque d’accompagnement, décisions arbitraires, incompétences des éducateurs, mauvais traitements, violence psychologique, harcèlement infligé par les autres enfants… « J’ai vécu l’enfer » commente Charlie Fert, que ce soit au collège, à l’Institut Thérapeutique éducatif et pédagogique (Itep) ou à l’Institut médico-éducatifs (IME).
Forçant l’admiration, le jeune autiste Asperger n’a jamais baissé les bras. « On voulait que je travaille dans un Établissement et service d’aide par le travail (Esat). J’ai refusé d’y aller ». Charlie n’y avait, à l’évidence, pas sa place. C’est donc sans hésiter qu’il s’est engagé, aux côtés de Sarah, dans le collectif À fleur de peau et soutient avec conviction son projet. « Je me refuse à l’idée que d’autres enfants vivent ce que j’ai enduré », assène-t-il.
Lancé il y a deux mois, le collectif À fleur de peau a également vocation à sensibiliser le public sur ce syndrome, ainsi qu’à défendre les droits des autistes Asperger. Il y a encore fort à faire à entendre les cofondateurs.
Séverine Cattiaux