FOCUS – Face à la montée des menaces, le maire de Grenoble a rejoint l’appel des villes en faveur du traité d’interdiction des armes nucléaires. Un appel signé par plusieurs grandes métropoles mondiales dont Paris, Los Angeles, Washington, Melbourne ou encore Milan. Pour compléter la démarche, Eric Piolle a également rédigé une lettre à l’intention du gouvernement.
Alors que les tensions géopolitiques et les menaces d’utilisation d’armes nucléaires deviennent monnaie courante ces derniers temps, Grenoble vient de rejoindre l’appel des villes en faveur du traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN), signé il y a deux ans à l’Onu. Après Paris le 17 mai, il s’agit de la deuxième grande ville française à le faire.
Une fierté pour la municipalité et un acte fort pour les associations locales œuvrant pour la paix. En particulier le Mouvement de la Paix et le Centre d’informations inter-peuples (CIIP) qui interpellaient élus et citoyens sur le sujet depuis de nombreuses années.
« Les associations nous ont beaucoup interpellés, reconnaît ainsi Bernard Macret, l’adjoint au Solidarités internationales. On les remercie (…) On a aussi écrit au gouvernement et au ministère des affaires étrangères ». Car, pour compléter la démarche, le maire de Grenoble Eric Piolle a rédigé une lettre au ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian demandant que la France signe le traité d’interdiction des armes nucléaires adopté par l’Onu en 2017.
Des appels qui, espère la municipalité, résonneront dans d’autres grandes villes françaises et atteindront peut-être les oreilles du gouvernement, alors que de nombreux acteurs, civils et institutionnels tentent de l’alerter sur les dangers des armes nucléaires.
Les pays européens, mauvais élèves en matière de désarmement nucléaire
Certes, 122 États membres des Nations unies ont voté en 2017 en faveur de l’adoption du traité d’interdiction des armes nucléaires. Reste que la plupart des pays européens manquent à l’appel, en dehors du Liechtenstein, de l’Autriche, de la Suisse, de l’Irlande et du Vatican. Une situation inadmissible pour les associations pacifistes. D’autant plus que 67 % des Français se disaient favorables à l’adoption du traité, selon un sondage réalisé par l’Ifop la même année.
Pour les partisans du désarmement, son adoption par tous les pays d’Europe, et plus largement du monde, « permettrait de créer une norme internationale claire ». Et d’éviter ainsi des déséquilibres entre les États.
Un appel lancé par Hiroshima et Nagasaki
Créé au printemps 2009 par neufs membres dont le Mouvement de la paix, le collectif Ican (international campaign to abolish nuclear weapons) se bat pour obtenir l’interdiction des armes nucléaires.
Il a reçu le Prix Nobel de la Paix en 2017 et a lancé, en novembre 2018, un appel aux villes du monde entier pour qu’elles s’engagent à soutenir l’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.
Une initiative qui s’inspire de celle de Hiroshima et Nagasaki, initiée en 1982. À l’époque, les deux villes japonaises ont créé un mouvement appelant les villes du monde à dépasser leurs frontières nationales afin de « mettre la pression » sur les États membres de l’Onu en vue du désarmement nucléaire. C’est à ce moment-là qu’elles ont créé le collectif des « Maires pour la paix » qui relaie aujourd’hui l’appel de l’Ican.
À ce jour, la campagne internationale lancée par l’Ican, et reprise par l’ONG « Mayors for Peace », a rassemblé plus de 7 400 collectivités territoriales dont Melbourne, Washington, Los Angeles, Milan, Paris ou encore Baltimore.
« Garantir la sécurité des citoyens »
« Les villes sont profondément préoccupées par la lourde menace des armes nucléaires », assure Bernard Macret. « Nous, élus locaux, avons pour rôle (…) de garantir la sécurité des citoyens, de les protéger. C’est la raison de notre engagement dans le réseau des maires pour la paix », explique l’adjoint.
En effet, la force dissuasive de ces armes de destruction massive résulte de leur capacité d’anéantissement de zones densément peuplées… donc les villes par définition.
Un traité faiblement médiatisé
Jean-Paul Vienne, président du Mouvement de la Paix de l’Isère depuis 2008, déplore l’absence de médiatisation du TIAN de 2017 et le manque d’intérêt des médias pour ce genre de sujet. En effet, « la presse française a peu fait écho au traité », se souvient-il.
L’association met aussi le doigt sur l’absence de débat parlementaire autour de cette question. « Oser parler de l’adhésion de nos concitoyens aux armes nucléaires c’est une mauvaise plaisanterie ! », proteste Jean-Paul Vienne.
D’autant plus que le budget accordé à la modernisation des armes nucléaires pèse lourd dans la balance de l’État. Plus de 37 milliards d’euros devraient effectivement être consacrés à cette modernisation sur les cinq années à venir.
Quid de la suite ? « Nous avons l’ambition d’en faire un thème majeur dans notre pays (…) Nous souhaitons en faire un sujet de campagne électorale à tous les niveaux », prévoient les militants. L’objectif ? « Que l’opinion publique, les citoyens s’emparent de ce sujet (…) qui nous coûte un pognon de dingue ! »
Une marche de la paix aura ainsi lieu à Grenoble le 21 septembre afin de sensibiliser le gouvernement au danger des armes nucléaires. Et de lui demander de signer (enfin) le traité d’interdiction de l’Onu.
Nina Soudre
Cinquante ans depuis l’adoption du Traité de non-prolifération
L’année 2018 a également était celle du 50e anniversaire du Traité de non-prolifération. Adopté en 1968, ce traité a marqué le début d’un mouvement international en faveur du désarmement nucléaire.
L’article VI du Traité stipulait déjà l’engagement des États en ce sens. Toutefois, pour avoir le temps de former un arsenal nucléaire conséquent, ni la France ni la Chine ne l’ont ratifié en 1970.
Pour Marc Ollivier, membre du CIIP, les États qui ne respectent pas leurs promesses « considèrent que [ces armes] sont des éléments de puissance (…) C’est un danger de ne pas respecter la signature pour le désarmement ». En proposant le TIAN 50 ans plus tard, l’Onu met d’ailleurs le doigt sur les manquements des États à leurs engagements.