FOCUS – Le Magasin des horizons, le Pacifique et le CCN2 ont officialisé, ce jeudi 14 mars, « l’addition » de leurs structures. Une « coalition plurielle » nommée La Trilogie, dans laquelle les trois acteurs culturels entendent se retrouver sur des projets communs. Les structures vont ainsi se réunir dans un esprit de vivre-ensemble et progressivement s’effacer au bénéfice de la nouvelle entité.
Une sourde rumeur monte : celle des voix mêlées de la vingtaine de personnes réunies dans une salle du Magasin des horizons, ce jeudi 14 mars. Elle enfle, s’amplifiant progressivement jusqu’à emplir tout l’espace sonore. Dans les phrases psalmodiées, le mot « trilogie » revient comme un leitmotiv. Puis tout s’arrête brusquement, laissant place au silence.
C’est à travers cette courte performance que les équipes du Magasin des horizons, du Pacifique CDCN et du CCN2 ont voulu traduire « l’addition plutôt que la synthèse » de leurs structures respectives. Pour désigner cette « coalition plurielle et opérationnelle », le nom coulait de source – La Trilogie – « parce qu’à trois c’est mieux ! » Son objectif ? Apporter au public une « institution idéale à son service et à celui des artistes », promettent les acteurs culturels. Ambitieux.
« Un projet où les identités s’effacent au bénéfice de la Trilogie »
« La Trilogie nomme ce que nous faisons déjà depuis deux ans. C’est-à-dire des projets où nous nous retrouvons autour de certaines valeurs communes », explique Marie Roche, la directrice du Pacifique. Notamment sur des thèmes s’intéressant aux minorités, à la transdisciplinarité, à la sororité, au genre… Concrètement ? « C’est la manière d’envisager le travail collaborativement. Nous l’assumons comme un projet où les identités [des structures, ndlr] s’effacent au bénéfice de la Trilogie », enchaîne Béatrice Josse, la directrice du Magasin des horizons.
Pieuses intentions ? Non, tout est réfléchi dans cette addition de savoir-faire qui se base sur un corpus de réflexions, de volontés et de refus communs. Des choses qui vont être précisées devant l’assistance au cours d’une lecture en forme de déclaration d’indépendance. Ce dont La Trilogie ne veut plus ? Rentrer dans le moule, accepter les « c’est comme ça ! », la « domination blanche ou masculine » ou encore « l’entre-soi et le mépris de l’autre ».
Le trio revendique aussi une certaine forme de rébellion. « Elle refuse de se soumettre aux cadres, d’abdiquer devant l’immobilisme, de parler à la place des autres », énonce Camille Planeix, coordinatrice projets au Magasin. Qui assure qu’il n’est pas question de cautionner « les discriminations de genre, de race ou de territoire » sous quelque forme que ce soit.
Une Trilogie bienveillante envers « toutes celles qui s’y frottent et ceux qui s’y piquent »
En revanche, la Trilogie compte défendre bec et ongles l’altérité, la sororité, l’égalité, la parité et le partage. « À partir de maintenant, La Trilogie “est“ », appuie non sans conviction Camille Planeix. Cette dernière étant persuadée qu’avec cette coalition « les lignes vont bouger » et prouver que « faire ensemble est possible ». Pour cela, la Trilogie se veut bienveillante envers elle-même et « toutes celles qui s’y frottent et ceux qui s’y piquent ». Et leur donne poétiquement rendez-vous « au coin de la rue pour une rencontre impromptue, quand le temps sera venu ».
Quid des objectifs que se fixe cette fameuse Trilogie ? Charlotte Guibert, chargée de médiation et des partenariats territoriaux au CCN2, en précise les contours.
Au premier chef, proposer des actions innovantes pour tous, tout autant que faciliter les échanges entre artistes, public et structures culturelles.
En somme, « développer le vivre-ensemble ». Comment ? En pensant et en construisant de nouvelles solutions « qui passent des problèmes aux idées ».
La Trilogie s’engage ainsi également à défendre « les artistes qui veulent politiquement faire autrement ». Sans pour autant oublier les laissés pour compte, les invisibles n’ayant pas voix au chapitre. « La Trilogie ne veut plus être inaccessible, transparente. Elle veut être identifiée », affirme Charlotte Guibert. Du coup, foin des cahiers des charges aux normes bureaucratiques et du « despotisme culturel » eu égard aux territoires. Charlotte Guibert l’affirme, « la Trilogie ne veut plus être instrumentalisée et faire de l’art pour l’art ».
« Épater, surprendre, ébouriffer, renverser… »
Mais ce n’est pas tout. L’idée c’est aussi de transformer les disciplines sans se cacher derrière les artistes. « Nous défendons un modèle joyeux et bienveillant sous le signe de la sororité. Un modèle simulant les vents contraires, les bousculades et les remises en question », lance à son tour Marie Roche.
La démarche de la Trilogie, explique-t-elle, s’inscrit dans l’affirmation de certains refus. Ceux « du “toujours plus”, de la domination, de la facilité et des menteurs et menteuses ». En substance ? « Nous entendons faire à notre manière. Peu importe l’ordre établi, les rythmes imposés pour épater, surprendre, ébouriffer, renverser », déclare Marie Roche.
Et le public, qu’est-il en droit d’attendre de la Trilogie ? « Qu’elle prenne soin de lui… d’elle. Et surtout qu’elle respecte ses engagements. Elle vous attend », conclut la directrice du Magasin.
Joël Kermabon