REPORTAGE – Une marche blanche a réuni près de 2 000 personnes à Grenoble, ce mercredi 6 mars après-midi, en hommage à Adam et Fatih. Les deux jeunes de 17 et 19 ans ont trouvé la mort dans la nuit de samedi à dimanche après une course-poursuite avec la brigade anti-criminalité. Depuis, le quartier Mistral a été secoué par de violents heurts entre de jeunes gens et la police. La marche a ainsi été l’occasion pour les familles des victimes d’appeler au calme et au recueillement. Un message visiblement pas reçu…
« Plus jamais ça. » Tel est le mot d’ordre de la marche blanche, ce mercredi 6 mars à Grenoble. Un slogan, avec comme un air de déjà vu, inscrit sur la banderole tenue par la famille des victimes, en tête de cortège. Derrière elles, près de 2 000 personnes pour les soutenir dans leur deuil.
Beaucoup de Mistraliens bien sûr, mais aussi des Grenoblois venus d’autres quartiers pour rendre hommage à Adam et Fathi, morts dans la nuit de samedi après une course-poursuite avec la brigade anti-criminalité.
La famille d’Adam, 17 ans, est bien là. La majorité des membres de celle de Fatih est en revanche partie en Turquie. C’est là qu’ils enterreront le jeune homme de 19 ans, jeudi. Heline, sa cousine, se dit « un peu seule, mais soutenue par un quartier très soudé et la famille d’Adam ».
« Aujourd’hui, c’est la solidarité qui s’exprime », ajoute Karim, l’oncle d’Adam. Depuis la Turquie et par la voix d’un de ses amis proches, le père de Fatih fait passer le message : « Nous ne sommes pas deux familles mais une seule. »
Une marche dans le calme
Dans le cortège, des roses blanches, beaucoup de T‑shirts blanc, sur lesquels on peut lire « Adam & Fatih » entouré d’un cœur, et un grand silence. La foule s’élance à 16 h 30 depuis le Plateau, centre culturel et sportif du quartier, fait un tour de la cité Mistral puis emprunte l’avenue Rhin-et-Danube jusqu’au pont de Catane, où a eu lieu l’accident mortel samedi dernier.
À quelques mètres des lieux, tout le monde s’arrête et laisse les familles aller se recueillir seules à l’endroit précis où Adam et Fatih se sont tués à scooter quelques jours plus tôt. Avant de revenir tous ensemble au quartier Mistral et que le cortège ne se disperse.
La marche blanche est réglée comme du papier à musique. Des habitants du quartier assurent la sécurité, tandis que la police se tient à l’écart pour éviter toute tension. But affiché : défiler « dans le calme ». C’est en tout cas ce que répètent à longueur d’interventions les membres des familles des victimes, inquiets que la colère qui a embrasé le quartier ces derniers jours ne s’empare du cortège. Il n’en sera rien, l’heure est au recueillement ce mercredi après-midi.
Une soirée à nouveau sous tension
Après la marche, une conférence de presse est organisée pour la trentaine de journalistes présents. L’avocat des familles, maître Girault, prend la parole : « Les familles d’Adam et Fatih veulent intégrer leur action dans le cadre légal, dans le calme et le respect du droit. » Il est vite rejoint par la cousine de Fatih, qui assure « faire confiance à la justice ». Mais sur quoi portent au juste les contestations des familles ?
« Il y a de nombreuses interrogations suite aux événements de samedi », explique maître Girault. « Qu’est-ce que ces deux jeunes avaient pu faire d’aussi grave pour mériter d’être pris en chasse par la police ? Pourquoi le bus impliqué dans l’accident a‑t-il pu repartir immédiatement ? Je n’ai pas de réponse, que des questions. »
Pour obtenir des réponses, les familles d’Adam et Fatih ont donc décidé de porter l’affaire devant la justice et de se constituer partie civile. La justice prend ainsi les choses en main, comme elles le souhaitent. Mais l’appel au calme de ces derniers jours n’aura guère rendu la nuit plus paisible.
Mercredi soir, le quartier a de nouveau été le théâtre d’échauffourées. Des véhicules incendiés ont ainsi servi à ériger des barricades. Les forces de l’ordre ont par ailleurs été la cible de projectiles avant qu’elles ne répliquent à coup de gaz lacrymogène. Si le calme est revenu assez vite, rien ne dit que la nuit de jeudi sera plus apaisée…
Jules Peyron